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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 238

Le mardi 19 novembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 19 novembre 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le 2e Bataillon de construction

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de me présenter devant vous aujourd’hui pour faire une déclaration sur le 2e Bataillon de construction afin de souligner le jour du Souvenir. L’histoire de ce bataillon a été racontée par le regretté sénateur Calvin Ruck dans son livre intitulé Canada’s Black Battalion: No. 2 Construction, 1916-1920, publié en 1986. Cette tranche honteuse de l’histoire du Canada révèle le racisme que les hommes noirs ont subi en essayant de servir leur pays pendant la Première Guerre mondiale. Les recherches menées par l’historien afro-néo-écossais Sean Foyn aux fins de sa thèse de 1999, The underside of glory: AfriCanadian enlistment in the Canadian Expeditionary Force, 1914-1917, ont mis en lumière leur double combat : la guerre contre le racisme dans leur pays et leur contribution à la Première Guerre mondiale. Ces hommes, à qui l’on refusait des armes, ont néanmoins servi sur le front avec des pelles et des pioches, leurs efforts étant essentiels pour les opérations forestières en temps de guerre.

Malgré la discrimination dont ils ont été victimes, les hommes du 2e Bataillon de construction ont servi avec une résilience et un courage extraordinaires. Le 9 juillet 2022, le gouvernement a présenté des excuses pour les injustices qu’ils ont subies, après des années d’appel en ce sens. J’ai eu l’honneur de prendre la parole lors de la cérémonie de présentation d’excuses à Truro, en Nouvelle-Écosse. Dans mon allocution, j’ai déclaré :

Imaginez ce qu’a dû être la vie de ces hommes, qui ont dû se battre contre leur pays afin de se battre pour lui.

Sur les conseils du Comité consultatif national sur les excuses, composé de représentants du gouvernement, d’activistes communautaires et de descendants des soldats, les excuses et les recommandations présentées visaient à ce qu’on n’oublie jamais le 2e Bataillon de construction. Les sacrifices de ces hommes, de leur famille et de leur communauté ne sont plus le secret le mieux gardé du Canada.

Les excuses ont représenté un pas important vers la réparation des torts causés aux Canadiens noirs, et elles servent de modèle pour les personnes à la recherche de reddition de comptes et de gestes concrets. Chers collègues, à l’avenir, lorsque nous prendrons un moment pour commémorer tous ceux et celles qui ont servi et qui servent dans les Forces armées canadiennes, je vous invite à vous souvenir également de la contribution et des expériences du 2e Bataillon de construction.

Asante, merci.

Des voix : Bravo!

Le jour du Souvenir

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du jour du Souvenir de 2024. La semaine dernière, des collègues ont rendu de grands hommages et ont raconté des histoires familiales, mais avant que nous ne commencions à aborder une foule d’autres sujets, je vous invite à songer une fois de plus à cette journée et à la Journée des vétérans autochtones.

Nous étions nombreux à être pressés de rentrer chez nous jeudi soir et vendredi matin. Autour de nous, à Ottawa, nous pouvions voir des centaines de mètres de barrières de sécurité empilées à l’extérieur de l’édifice du Sénat et du Monument commémoratif de guerre du Canada. C’est à peine si je les ai remarquées tandis que je me précipitais vers l’aéroport. Toutefois, en regardant la cérémonie à la télévision, je n’ai pas pu m’empêcher de songer à tous ceux qui travaillent en coulisses afin qu’on se souvienne de cette journée si importante dans nos collectivités, dans la capitale nationale — y compris au Cimetière militaire national — et ici, au Sénat, lors de la cérémonie matinale annuelle du jour du Souvenir, en présence de vétérans. Cette cérémonie a eu lieu la semaine dernière. Si vous n’y avez jamais assisté, la Présidente du Sénat anime un très beau service commémoratif.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été heureuse de déposer une couronne au nom du Sénat dans ma collectivité, bien qu’on l’ait fait en mon nom cette année. J’étais à l’étranger pour participer à une cérémonie du jour du Souvenir, et, après celle-ci, j’ai regardé celle d’Ottawa en diffusion continue. Cette année, la cérémonie d’Ottawa m’a profondément marquée, plus qu’elle ne l’a jamais fait auparavant, et ce, pour plusieurs raisons. De nombreux conflits importants qui perdurent font rage dans le monde, et l’armée canadienne a été appelée à prêter main-forte. Toutefois, comme de nombreux pays, le Canada a beaucoup de mal à recruter des militaires et à les maintenir en poste. J’ai également observé les anciens combattants à Ottawa, et je me suis rendu compte que les anciens combattants les plus âgés, ceux qui ont combattu dans les conflits qui ont marqué le siècle dernier il y a si longtemps, sont de moins en moins nombreux.

Sans vouloir oublier l’important et la vie d’autant de gens, j’ai également été frappée par le nombre de bénévoles, de ministères, de personnes et de groupes qui assurent la réussite du jour du Souvenir. Je pense à la musique, aux canons, au travail technique, à l’accrochage d’énormes téléviseurs, au protocole, au fait de veiller au confort de chaque ancien combattant, ainsi qu’à la beauté et à l’histoire du Monument commémoratif de guerre du Canada et de l’édifice du Sénat du Canada. D’ailleurs, si vous avez regardé la cérémonie, vous avez vu les immenses arbres, en arrière-plan, qui ont conservé leurs magnifiques couleurs d’automne pour une journée de plus.

Je pense que si je m’attarde à ces réflexions, c’est en raison de mon expérience de sénatrice et de la chance que cela me donne de côtoyer d’anciens combattants. Je siège au Sous-comité des anciens combattants avec d’autres sénateurs. Nous avons entendu des vétérans très traumatisés et stigmatisés nous parler avec franchise des difficultés incroyables qu’ils vivent. J’ai appris à connaître certains de ces vétérans, ce qui m’a permis de bien comprendre les combats qu’ils mènent encore longtemps après la fin de leur service. Le jour du Souvenir nous rappelle le travail que nous devons encore accomplir et ce que nous leur devons pour leurs sacrifices.

Maintenant que le jour du Souvenir est terminé pour une autre année, notre devoir de mémoire, nos efforts et notre soutien ne doivent pas prendre fin pour autant. Nous devons en faire une priorité quotidienne.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Isha Khan, directrice générale du Musée canadien pour les droits de la personne de Winnipeg, au Manitoba, qui est accompagnée de membres de la direction du musée et de l’équipe de cadres du conseil d’administration. Ils sont les invités de tous les honorables sénateurs du Manitoba.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Musée canadien pour les droits de la personne

Le dixième anniversaire

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, demain marque le 10e anniversaire de l’ouverture du Musée canadien pour les droits de la personne, à Winnipeg. En tant que fier sénateur du Manitoba, je suis heureux de me joindre à la PDG et à l’équipe de gestion du Musée canadien pour les droits de la personne pour mettre en lumière cet établissement consacré à l’éducation et à la discussion sur les droits de la personne.

Ce musée, qui met en valeur les droits de la personne, illustre aussi la détermination et la vision des Canadiens. Le musée est la concrétisation d’un rêve de feu Israel « Izzy » Asper, un philanthrope qui, en 2000, s’est mis à imaginer un centre des droits de la personne de calibre mondial pour le Canada. En quelques années, sa fille Gail Asper, qui a joué un rôle prépondérant, et lui ont mobilisé des sympathisants et réalisé ce rêve. Des partenaires des secteurs privé et public se sont réunis pour mettre sur pied ce projet historique. Le gouvernement du Canada, le gouvernement du Manitoba et la Ville de Winnipeg ainsi que la Forks Renewal Corporation, les Amis du Musée canadien pour les droits de la personne et des donateurs individuels ont lancé ce projet de 351 millions de dollars.

(1410)

Le 13 mars 2008, le gouvernement fédéral conservateur du premier ministre Stephen Harper a adopté le projet de loi C-42, qui a modifié la Loi sur les musées pour inclure le premier musée national construit à l’extérieur de la région de la capitale nationale.

Le caractère unique de ce projet ne s’arrête toutefois pas là, chers collègues. L’emplacement du musée a été méticuleusement choisi. Il a été construit sur un site historique significatif, au confluent des rivières Rouge et Assiniboine, appelé La Fourche. En 1974, La Fourche a été désignée lieu historique national du Canada en raison de son paysage culturel qui a été témoin de 6 000 années d’activité humaine. De nombreuses fouilles archéologiques ont montré l’importance du site, où des Autochtones ont suivi ses cours d’eau pour mener des pourparlers de paix et faire des échanges commerciaux.

L’architecture du musée reflète également une grande intention. Les visiteurs commencent leur visite en descendant dans la terre après être passés entre les « racines » du musée pour aboutir à la Tour de l’espoir Israël Asper, une magnifique flèche de verre de 100 mètres de haut qui offre un panorama sur le centre-ville de Winnipeg.

Chers collègues, le Musée canadien pour les droits de la personne joue un rôle essentiel dans la représentation, la promotion, la célébration et la reconnaissance de l’histoire et de l’évolution des droits de la personne au Canada. Mes collègues du Manitoba, c’est-à-dire les sénateurs Gagné, McPhedran, McCallum, Osler et Adler, et moi sommes heureux de célébrer le 10e anniversaire de ce musée et de mettre en lumière ce joyau de notre province, le Manitoba. Merci.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mandy Rennehan. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Mandy Rennehan

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, est reconnue pour bien des choses, mais certainement pas pour Tiffany’s ou Dolce & Gabbana. Quel est le lien? C’est Mandy Rennehan, une entrepreneure pour qui, comme d’innombrables autres personnes, j’ai une très grande admiration.

Il y a 30 ans, Mandy a quitté Yarmouth pour les lumières d’Halifax, mais elle ne s’est pas arrêtée là. Souvent qualifiée de « petite casse-pieds gonflée », elle est plus connue sous le nom de la « Blue Collar CEO », elle a animé l’émission Trading up with Mandy Rennehan sur HGTV. Elle est la fondatrice et directrice générale de Freshco, une entreprise qu’elle a fondée à partir de rien sauf de sa détermination et qui s’occupe maintenant de l’établissement, de l’entretien et de la mise à niveau de commerces de détail partout en Amérique du Nord.

Tout le monde ici a déjà visité un des magasins construits par l’équipe de Mandy — peut-être pas Tyffany’s, mais assurément Apple Store, Indigo, Staples ou Home Depot. Mandy a attiré les meilleurs clients et elle a réussi à conserver leur clientèle parce qu’elle s’est entourée d’une équipe qui offre un excellent service à bon prix et qui livre toujours ses projets à temps. C’est pour cette raison que cette tornade autodidacte autofinancée pleine d’énergie et de détermination n’a jamais eu besoin de faire de publicité.

Comment y est-elle arrivée? Le super pouvoir de Mandy est sa capacité à faire ressortir le meilleur des gens qui la côtoient. Elle bâtit des gens. Freshco est probablement l’employeur le plus inclusif du Canada. Son équipe non traditionnelle compte 77 % de femmes, 41 % de membres de la communauté LGBTQ2E+, 33 % de personnes autochtones, noires et de couleur et 17 % ayant un handicap physique ou neurodiverses.

Il y a quelque chose de spécial dans la création d’une entreprise qui fait passer les gens en premier. L’équipe de Mandy est composée de 80 personnes passionnées qui, même si elles doivent travailler avec 8 000 techniciens et gens de métier, offrent invariablement un service sans faille. Comment y parviennent-elles? Chaque membre de l’équipe sait qu’il est le seul responsable de sa réussite individuelle, ce qui contribue en fin de compte à la réussite de l’ensemble de l’équipe. C’est grâce à leurs efforts collectifs que Freshco s’est taillé une réputation auprès d’excellentes marques nord-américaines, incitant plus de 80 marques figurant au palmarès Fortune 500 à régulièrement faire appel à ses services.

Mandy Rennehan ne s’arrête jamais. Elle veut continuer d’offrir à d’autres gens la possibilité de bâtir la vie qu’ils souhaitent, et elle ne ménage aucun effort pour y parvenir. C’est pourquoi Mandy compte parmi les génies créatifs, les bailleurs de fonds annuels et les personnalités inspirantes derrière Jill of All Trades. Ce programme, qui en est à sa 10e année d’existence, rassemble des mentores et des enseignantes pour offrir une expérience d’apprentissage sûre, stimulante et pratique qui expose les jeunes femmes de la neuvième à la douzième année à une possible carrière dans les métiers spécialisés.

Mandy n’hésitera jamais à enfreindre les règles qui empêchent qui que ce soit d’atteindre l’excellence. Le Canada a besoin de beaucoup plus de personnes comme Mandy Rennehan.

Ce ne sont là que quelques-unes des raisons pour lesquelles je suis honoré d’avoir remis à Mandy la Médaille du couronnement du roi Charles III afin de la remercier des possibilités qu’elle crée constamment pour les autres. Merci.

Des voix : Bravo!

L’Ukraine—Les agissements de la Russie

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais remercier mon collègue le sénateur Loffreda de m’avoir permis de parler à sa place.

Chers collègues, nous en sommes aujourd’hui au 1 000e jour depuis le début de la guerre non provoquée et génocidaire de la Russie contre l’Ukraine, qui constitue une terrible violation des règles du droit international par un membre du Conseil de sécurité des Nations unies.

La Russie a également enfreint toutes les règles de la guerre en recourant au viol, à la torture, à la destruction d’écosystèmes et aux attaques contre des habitations civiles, des écoles et des lieux de culte dans le cadre de sa stratégie militaire. Des noms comme Boutcha et Irpine resteront à jamais dans la honte.

Poutine pensait gagner cette guerre en un mois. Quel mauvais calcul. Le peuple ukrainien a fait preuve d’une grande résilience. Nous nous souvenons tous de la réponse du président Zelenski lorsqu’on lui a proposé de s’enfuir en Europe : « Ya tut » et « J’ai besoin de munitions, pas d’un transport. »

En outre, l’Occident a laissé s’éterniser cette guerre bien plus longtemps que nécessaire en recourant à l’endiguement et à l’apaisement, alors que des milliers d’innocents ont trouvé la mort.

Chers collègues, j’espère que vous me soutiendrez pour marquer cet horrible anniversaire en condamnant la Russie, son leader, son parlement et son armée pour cette guerre génocidaire qu’elle mène contre des innocents par simple crainte de la démocratie, parce qu’elle veut retrouver son ancien empire et parce qu’elle s’est habituée à recourir à l’intimidation contre laquelle l’Occident n’a pas encore fixé de limites.

J’espère également que vous appuierez mes appels en faveur d’une aide militaire et humanitaire accrue à l’Ukraine. Une paix globale n’arrivera pas si l’Ukraine est forcée de négocier en position de faiblesse. Une paix globale ne pourra se concrétiser que lorsque l’Ukraine gagnera la guerre et pourra négocier en position de force.

Chers collègues, j’espère que vous vous joindrez également à moi pour réclamer le retour de Russie de tous les enfants ukrainiens qui ont été volés, qu’on a dépouillés de leur identité culturelle et linguistique, qui sont forcés de vivre dans des familles inconnues et souvent hostiles, qui sont forcés de travailler ou qui sont victimes de la traite des personnes.

Le Canada dirige un consortium international qui a pour mission de rapatrier et de soutenir ces enfants. Récemment, le fondateur de Save Ukraine, une ONG qui se consacre à ce travail, est venu au Canada et a rencontré bon nombre d’entre vous. Nous intensifions nos efforts, mais il y a tant à faire.

Chers collègues, alors que nous soulignons avec tristesse ces 1 000 jours, n’oublions pas que l’Ukraine se bat pour les mêmes valeurs qui ont fait du Canada le pays où nous vivons. Nous devons être solidaires de l’Ukraine, non seulement par nos paroles, mais aussi par nos actes.

Slava Ukraini. Merci. D’akuju.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Alisa Lombard et de membres de la Première Nation d’Elsipogtog. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Boyer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1420)

L’affaire des 47 de Hong Kong

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, c’est aujourd’hui un jour sombre dans l’histoire de Hong Kong qui rappelle douloureusement de l’érosion continue de la démocratie et de la liberté sous la domination autoritaire de Pékin. La condamnation de 45 des 47 démocrates de Hong Kong — des personnes qui ont osé rêver d’un avenir meilleur et plus libre pour la population de Hong Kong — n’est pas seulement une injustice; c’est un acte calculé de répression contre tous ceux qui tiennent aux principes de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit.

Ces hommes et ces femmes courageux viennent de tous les horizons — ce sont des jeunes, des aînés, des activistes, des syndicalistes et d’anciens législateurs — et leur seul crime a été d’organiser des élections primaires pacifiques et non officielles pour le conseil législatif en 2020 et d’y prendre part. Après trois ans de détention, ces personnes ont été condamnées aujourd’hui à des peines additionnelles allant de 3 à 10 ans d’emprisonnement, conformément à une loi draconienne sur la sécurité nationale imposée par Pékin.

Pékin veut garder l’affaire dans l’ombre et détourner les regards du monde entier. Le soi-disant procès s’est déroulé sans jury et il y avait seulement cinq sièges réservés au public dans la salle d’audience. Au lieu de donner au régime de Pékin la discrétion qu’il souhaite, nous devons braquer les projecteurs sur ce qui se passe à Hong Kong.

Je veux être clair : les 47 militants hongkongais sont les porte-parole des millions de personnes qui croient en la promesse de « un pays, deux systèmes », c’est-à-dire que les Hongkongais seraient en mesure de prendre part, au moins dans une certaine mesure, au processus démocratique. Leur persécution envoie un message effrayant à tous ceux qui se trouvent à Hong Kong et à ceux qui ont quitté ce territoire : on ne tolérera pas que quiconque ose contester le régime de Pékin.

Le Canada ne peut pas fermer les yeux sur cette situation. La répression contre ceux qui dénoncent Pékin ne se limite pas au territoire contrôlé par le régime, elle s’étend au-delà des frontières. Même au Canada, les Hongkongais qui ont immigré ici font face à des menaces de répression transnationale, allant de la surveillance au harcèlement en passant par l’intimidation. Il ne s’agit pas d’un problème lointain. Cela se produit ici même, en sol canadien, et porte atteinte à la sécurité et aux libertés de ceux qui ont trouvé refuge dans notre grande démocratie.

Le Canada doit adopter une position ferme. Nous soutenons la population de Hong Kong depuis le début, depuis la bataille de Hong Kong en 1941 jusqu’aux mesures de répression des droits de la personne de la dernière décennie, et nous devons continuer à le faire sans réserve. En tant que pays ayant à cœur les droits de la personne et la primauté du droit, le Canada a la responsabilité d’agir en soutenant les Hongkongais, ici et à l’étranger. Nous envoyons un message clair : la répression et la tyrannie n’ont pas leur place dans le monde, et nous disons à ceux qui veulent défendre la démocratie que nous serons à leurs côtés. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Faron Joe, de Miawpukek Marine Horizons. Il est l’invité des honorables sénatrices White et Audette.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 2024-2025

Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2024-2025.

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2025;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Le Sénat

Préavis de motion tendant à saluer la contribution de l’honorable Irwin Cotler à la défense des droits de l’homme et à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat:

a)salue la contribution de l’honorable Irwin Cotler, c.p., dans la défense des droits de l’homme et dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme;

b)rappelle sa contribution politique comme procureur général et ministre de la Justice de 2003 à 2006;

c)condamne les menaces de mort à son endroit orchestrées par des agents d’un régime étranger.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les anciens combattants

Le jour du Souvenir

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, au cours de la dernière année, j’ai posé des questions à maintes reprises aux néo-démocrates et aux libéraux au sujet de la nouvelle directive qui interdit la prière lors des cérémonies du jour du Souvenir. Une réponse écrite concernant le comité formé pour examiner cette directive m’a été envoyée vendredi dernier. Selon la réponse, le comité s’est réuni deux fois sur Microsoft Teams. Ses membres n’avaient pas de mandat pour guider leurs travaux. Ils n’ont consulté personne, et leur rapport est réservé à un usage interne.

Monsieur le leader, ce prétendu examen semble-t-il suffisant pour un changement d’une telle importance? Au lieu d’unir les Canadiens, pourquoi votre gouvernement agit-il toujours pour les diviser, même quand il s’agit d’une chose aussi sacrée que la prière du jour du Souvenir?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur Plett. Soyons clairs sur ce qui est en cause et ce qui ne l’est pas. Ce qui ne l’est certainement pas, c’est l’idée que le gouvernement tenterait de semer la discorde, de miner, de dénigrer ou de déprécier de quelque manière que ce soit la solennité et l’importance du jour du Souvenir que nous célébrons tous avec tant de fierté.

L’aumônier général a publié sa directive de manière indépendante. Elle n’interdit pas la prière. Je me permets de vous la citer :

Les aumôniers s’efforceront de faire en sorte que tous se sentent inclus et en mesure de participer à la réflexion [...] quelles que soient leurs croyances [...]

Cela prône l’inclusion et non la division. La directive vise simplement à aider les aumôniers des Forces armées canadiennes à rendre leurs allocutions publiques plus inclusives pour qu’elles reflètent notre diversité spirituelle et religieuse.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, lors de nombreuses cérémonies tenues partout au pays, des prières ont été prononcées, ce qui est contraire à la nouvelle directive, que vous le croyiez ou non.

Il est épouvantable que je doive poser la question suivante. Vous engagez-vous, sénateur Gold, à ce qu’aucun aumônier ayant prononcé une prière ou mentionné Dieu lors des cérémonies du jour du Souvenir ne fasse l’objet de mesures disciplinaires ou ne soit licencié, ou votre gouvernement est-il trop moralement corrompu pour faire cette promesse?

Le sénateur Gold : Comme je l’ai déjà dit, l’aumônier général a émis cette directive de façon indépendante. Il n’appartient pas au gouvernement actuel — ni à aucun autre gouvernement, je l’espère — de réglementer ce que font les chefs religieux et spirituels dans le cadre d’événements solennels tels que le jour du Souvenir.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, ma question porte sur le même sujet. Le 8 novembre, monseigneur Scott McCaig a adressé une lettre ouverte à ses confrères aumôniers militaires. Il y confirmait la nouvelle directive interdisant aux aumôniers, qui font un travail crucial auprès des membres des Forces armées canadiennes, de prononcer des prières publiques.

(1430)

Mgr McCaig a écrit qu’il fait partie du comité qui a été créé l’an dernier pour étudier « [...] la Politique sur la réflexion spirituelle qui interdit l’invocation de Dieu par les aumôniers lors des événements militaires obligatoires ».

Monsieur le leader, de passage dans cette enceinte, le ministre Blair a affirmé que personne au sein du gouvernement néo-démocrate—libéral n’était à l’origine de la directive interdisant la prière. Même si c’est vrai, et qu’il existe un comité indépendant, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas annulé cette décision?

Le sénateur Gold : Madame la sénatrice, je ne connais pas le document que vous avez cité, mais je peux simplement répéter que, selon les renseignements dont je dispose — et je vous ai lu la directive proprement dite — la prière n’est pas interdite.

Par ailleurs, je ne peux que répéter que la position du gouvernement est de respecter la diversité des points de vue religieux et spirituels dans notre grand pays. À cet égard, la directive émise indépendamment par l’aumônier général visait simplement à faire cela.

La sénatrice Martin : La nouvelle directive interdisant les prières en public comporte une section sur l’application. Comme l’a indiqué le sénateur Plett, elle stipule que des mesures disciplinaires peuvent être prises à l’encontre d’un aumônier qui ne se conforme pas à la directive.

A-t-on entrepris de telles actions depuis le jour du Souvenir, monsieur le leader? Pouvez-vous vous renseigner? Le cas échéant, combien de mesures disciplinaires a-t-on prises, de quelles mesures s’agissait-il, et dans quelles provinces cela s’est-il produit?

Le sénateur Gold : Encore une fois, étant donné qu’il y a une différence évidente entre les renseignements que vous apportez et ceux qui m’ont été fournis, je ne manquerai pas de soulever la question auprès du ministre.

[Français]

Les finances

L’Agence du revenu du Canada

L’honorable Éric Forest : Sénateur Gold, en voulant pousser les organismes de bienfaisance à investir dans les communautés, le gouvernement a eu la fausse bonne idée de modifier le contingent des versements. Au-delà d’un million de dollars de fonds propres, les organismes de bienfaisance sont tenus de dépenser 5 % annuellement pour des activités de bienfaisance. Les petites fondations communautaires doivent d’abord s’assurer de préserver leur capital. Ce taux de distribution obligatoire de 5 % risque de les pousser à piger dans leur capital de base, menaçant ainsi la distribution future et la pérennité de leur organisation. Le problème est réel et touche toutes les régions du Canada.

À lui seul, le réseau des Fondations communautaires du Canada est implanté dans 200 communautés. Dans l’Est-du-Québec, notre fondation communautaire gère, à elle seule, 117 fonds différents pour soutenir des organismes de lutte contre la violence conjugale, des écoles de musique et des organismes d’aide aux personnes en situation de handicap ou en faveur de la persévérance scolaire.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, et je vous remercie également de souligner le travail important que font les fondations qui assurent une qualité de vie à tous les citoyennes et citoyens du Canada.

La politique que vous avez mentionnée visait à faire en sorte que les fonds amassés pour les fondations soient versés pour accomplir les fins pour lesquelles les dons étaient versés. Je vais parler au ministre pour mieux comprendre les défis que vous avez évoqués.

Le sénateur Forest : Est-ce que le leader du gouvernement conviendra qu’il serait plus sage de revoir la politique sur le contingentement des versements, afin de faire en sorte qu’elle ne fragilise pas l’écosystème caritatif que l’on s’est donné, tout en consultant les fondations concernées?

Le sénateur Gold : Pour ce qui est de la question des consultations, je n’ai pas d’information à ce sujet. Je vais en discuter avec le ministre.

Pour ce qui est de la question de base, cher collègue, le gouvernement s’engage toujours à faire mieux et à améliorer les programmes et les services. Je vais aborder cette question avec le ministre.

L’infrastructure et les collectivités

La stratégie de lutte à l’itinérance

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, Radio-Canada nous apprenait récemment qu’un conflit de compétences bloque une aide fédérale de 50 millions de dollars destinée aux itinérants du Québec qui s’entassent dans des campements, faute de places dans des refuges ou de logements abordables. Pour la mairesse de Montréal, Valérie Plante, il y a pourtant urgence : l’hiver s’en vient, dit-elle, et il y a beaucoup de gens dans la rue, et même des gens qui meurent dans la rue. Comment cela se fait-il que les 50 millions de dollars promis par le gouvernement fédéral n’aient pas encore été transférés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question.

Vous soulignez l’importance de ces fonds et l’aide qu’ils permettront d’apporter aux sans-abri. Le gouvernement est impatient de s’appuyer sur l’accord historique d’un milliard de dollars sur le logement signé avec le Québec l’année dernière en concluant un accord sur un fonds de 250 millions de dollars destiné à résoudre le problème des campements de sans-abri. Je crois savoir que le gouvernement a écrit au ministre Carmant pour lui demander de travailler avec lui. L’accord est en cours de négociation. Le gouvernement est impatient de pouvoir allouer ces fonds dans les communautés du Québec pour aider à prévenir et à réduire l’itinérance et le sans-abrisme.

La sénatrice Miville-Dechêne : Sénateur Gold, notre fédéralisme ne devrait-il pas être plus efficace et plus souple quand il est question d’êtres humains particulièrement vulnérables qui n’ont pas de toit? Est-il possible d’accélérer les pourparlers, de régler les lenteurs administratives et de ne pas multiplier les conditions, pour que ces subventions soient enfin versées?

Le sénateur Gold : Je souhaite sincèrement que les discussions se concluent par un accord pour faire en sorte que l’argent puisse être distribué. Malheureusement, le fédéralisme n’est pas toujours la manière la plus efficace de tout faire, mais cela reflète bien la réalité de notre pays. Les deux ordres de gouvernement doivent s’entendre. Le gouvernement du Canada fait de son mieux pour qu’un accord soit conclu dans les plus brefs délais.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les demandeurs d’asile

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Sénateur Gold, comme je vous le mentionnais il y a deux semaines, le premier ministre Justin Trudeau est enfin revenu sur terre et a abaissé les seuils d’immigration. Toutefois, les dommages sont faits et ils sont irréversibles.

Entre-temps, au sud de la frontière, Donald Trump, le président élu, va déporter 11 millions d’immigrants dès son arrivée au pouvoir en janvier.

Est-ce que le premier ministre a un plan pour contrer l’arrivée potentielle d’un important contingent de ressortissants non contrôlés et possiblement criminels au Canada? Va-t-on les accueillir à bras ouverts, et ce, aux frais des contribuables canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Avec respect, sénateur Dagenais, le gouvernement du Canada a agi avec sérieux pour équilibrer le nombre d’immigrants. Pour ce qui est de votre question, il est trop tôt pour discuter des plans du gouvernement face à des changements possibles ou hypothétiques. Depuis longtemps, le gouvernement est au courant de tous les enjeux relativement à notre partenaire du Sud et il continuera d’agir dans l’intérêt du Canada.

Le sénateur Dagenais : L’Agence des services frontaliers du Canada vient d’annoncer la fermeture de certains postes à la frontière entre le Canada et les États-Unis le soir et la nuit. Il y en a 10 au Québec. Pouvez-vous nous expliquer comment les Canadiens peuvent prendre au sérieux votre gouvernement quand il dit qu’il met tout en place pour contrôler les entrées illégales aux frontières canadiennes, tout en décidant de fermer des postes à la frontière?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada a investi beaucoup dans la sécurité de nos frontières et il continuera à le faire. Les changements administratifs que vous avez mentionnés n’ont rien à voir avec la volonté inébranlable de ce gouvernement de défendre nos frontières.

[Traduction]

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. J’avais une question différente à poser, mais j’ai été un peu troublé par la décision que nous avons prise de ne pas voter sur la motion que vous avez présentée.

J’aimerais vous poser une question au sujet de la tentative d’assassinat de l’honorable Irwin Cotler. Cet homme, que je considère comme un grand défenseur des droits de la personne, lutte depuis de nombreuses années contre le racisme et l’antisémitisme partout au pays. Il a été par ailleurs procureur général et ministre de la Justice du Canada. La menace d’une tentative d’assassinat à son endroit de la part d’un gouvernement étranger devrait nous ébranler profondément.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce que fait le gouvernement pour protéger M. Cotler en ce moment?

(1440)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et de souligner l’énorme contribution qu’Irwin Cotler a apportée avant, pendant et après son mandat au Parlement, et qu’il apporte encore aujourd’hui.

Honorable collègue, vous comprendrez que, par souci pour son bien-être, il serait imprudent de parler des mesures qui sont prises pour prévenir toute menace à sa sécurité et à son bien-être.

Le sénateur Cardozo : J’ai une question complémentaire. Je vous prie de nous donner l’assurance que le gouvernement prend des mesures supplémentaires, afin de surveiller les activités du Corps des Gardiens de la révolution islamique ou de tout autre groupe illégal ou terroriste qui menace les Canadiens et leurs représentants.

Le sénateur Gold : Je peux vous assurer, ainsi qu’à tous les sénateurs et à tous les Canadiens qui nous regardent, que le gouvernement est au courant des menaces dont vous parlez, qu’il les comprend et qu’il prend toutes les mesures nécessaires pour protéger tous les Canadiens contre des actes aussi abominables.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les demandes de visas

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, les politiques de complaisance à l’égard des voyous de votre gouvernement font que, chaque jour, d’honnêtes Canadiens sont victimes de criminels en liberté sous caution, mais comme si ce n’était pas suffisant, nous apprenons aujourd’hui qu’un passeur reconnu a non seulement été relâché dans l’attente de son procès, mais qu’il a en plus réussi à obtenir de votre gouvernement le renouvellement de son passeport, alors que les conditions de sa mise en liberté sous caution prévoyaient qu’il remette ses documents de voyage à la GRC.

Pour paraphraser le procureur général de votre gouvernement, expliquez-moi comment cela est possible, sénateur Gold. Selon le groupe de travail régional de Cornwall, cet individu était à la tête d’une organisation liée à la mort de neuf personnes sur le fleuve Saint-Laurent à la fin du mois de mars 2023, qui tentaient d’entrer clandestinement au Canada. Il a reçu l’ordre de ne pas redemander de passeport, mais je suppose que personne n’a pensé à en informer Service Canada. Sommes-nous censés croire qu’un criminel avoué respectera une ordonnance du tribunal, sénateur Gold? Expliquez-nous cela.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Cette situation est extrêmement regrettable déplorable. Tout a été mis en œuvre pour assurer la sécurité des Canadiens et l’intégrité du processus de délivrance des passeports. Je n’ai pas plus de détails concernant cette affaire, mais je vais certainement en parler au ministre.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, cela s’est produit en 2021, à l’époque où des citoyens respectueux des lois devaient attendre dans de longues files pour tenter d’obtenir leur passeport. Ce voyou a réussi à obtenir un nouveau passeport.

Nous n’avons pas besoin de vous entendre dire des banalités ni promettre que vous vous informerez. Nous voulons savoir qui est responsable, sénateur Gold. Votre gouvernement n’aime pas prendre ses responsabilités. Qui, au sein du gouvernement, est responsable de cette erreur, sénateur Gold? C’est toujours la faute de quelqu’un d’autre. Qui, au sein du gouvernement, prendra la responsabilité cette fois-ci?

Le sénateur Gold : Sénateur Housakos, je vous ai dit que je ne connaissais pas les détails de cette situation et que je me renseignerais. Dans les faits, la responsabilité revient au gouvernement et aux organismes en question, qui font vraiment de leur mieux. Quand des erreurs se produisent, ce qui arrive sans contredit, il faut examiner ce qui pose problème et rectifier la situation.

[Français]

Les mesures de renvoi

L’honorable Claude Carignan : Sénateur Gold, on parle beaucoup ces jours-ci du plan du président Trump pour renvoyer 10 millions d’immigrants illégaux. Ce dont on parle moins, c’est du même genre de plan du gouvernement Trudeau, cette fois-ci pour les immigrants temporaires. Le plan de réduction du nombre d’immigrants temporaires du gouvernement Trudeau prévoit qu’en 2025, 1 262 801 personnes devront retourner dans leur pays d’origine à l’expiration de leur permis. Toute proportion gardée, monsieur le leader, c’est de la même ampleur que le plan Trump. Je dois préciser que ces chiffres viennent du Toronto Star; nous sommes donc loin des points de discussion du Parti conservateur.

Quel est le plan du gouvernement pour assurer que ces personnes quittent le Canada en 2025? On parle de 1,2 million de personnes.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement du Canada a mis en place un plan responsable pour mieux gérer l’équilibre entre nos immigrants qui ont différents statuts et notre capacité de les accueillir comme pays en ce qui concerne les services publics, l’éducation, le logement, et cetera.

Le gouvernement a mis en place des changements responsables et verra à ce que les façons dont ces programmes seront mis en œuvre soient respectueuses des droits de la personne et conformes aux valeurs canadiennes.

Le sénateur Carignan : Alors, allez-vous donner plus de ressources à l’Agence des services frontaliers du Canada pour qu’elle puisse capturer les fugitifs et les expulser de force du Canada ou encore une fois, est-ce qu’on a affaire à des plans faits sur un napperon de restaurant de Tofino entre deux journées de surf?

Le sénateur Gold : C’est tout un amalgame à faire sur une question aussi sérieuse, avec des propos qui, bien franchement, ne sont pas à la hauteur de l’importance de la question. Le gouvernement a un plan, il va le mettre en œuvre de façon responsable et il continuera de faire en sorte qu’ici, au Canada, on trouve un juste équilibre entre nos besoins pour ce qui est d’accueillir des immigrants et de les encadrer.

[Traduction]

La santé

Le soutien des modes de vie sains

L’honorable Marty Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, j’ai récemment eu l’occasion de rencontrer des représentants de l’Association canadienne des parcs et loisirs afin de discuter de la manière dont le secteur des parcs et des loisirs peut continuer d’aider le gouvernement fédéral à promouvoir de grandes priorités collectives en matière de santé.

Dans son mémoire prébudgétaire présenté au Comité des finances de l’autre endroit, cette association a énuméré des recommandations opportunes et pratiques en accord avec notre objectif commun visant à faire du Canada un pays en meilleure santé, plus actif et résilient. Ma question est la suivante : le gouvernement s’engagera-t-il à investir dans les infrastructures de parcs et de loisirs au cours de la prochaine année?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Deacon, je vous remercie de votre question et de tout ce que vous faites encore aujourd’hui pour inciter les sénateurs et les Canadiens à adopter un mode de vie plus sain et plus actif, ce qui contribue à la santé de chacun et à la santé collective

[Français]

Chapeau! C’est tout à votre honneur.

[Traduction]

En ce qui concerne votre question, je ne suis tout simplement pas en mesure de commenter, et encore moins de spéculer, sur les plans de financement ou les priorités qui pourraient être mis en place à l’avenir. Je porterai cette question importante à l’attention du ministre le plus tôt possible.

La sénatrice M. Deacon : Merci. L’une des recommandations propose expressément au gouvernement d’élaborer et de financer un plan d’action pour un Canada actif, en consultation avec les organisations nationales pour la santé physique et mentale. Le gouvernement reconnaît-il l’utilité d’un tel plan et les bénéfices pour la santé d’un mode de vie plus actif et plus sain?

Le sénateur Gold : La réponse est oui, sans aucun doute. À cet égard, le gouvernement continuera à travailler avec tous les ordres de gouvernement et les parties prenantes pour aider les Canadiens à comprendre l’importance d’un mode de vie plus actif et plus sain et à leur offrir des possibilités en ce sens.

Les affaires mondiales

Le soutien à l’Ukraine

L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, les Ukrainiens se battent avec force pour leur survie, mais ils ont besoin d’une plus grande capacité de riposte. Le Canada a déclaré qu’il est en faveur de l’utilisation d’armes occidentales par l’Ukraine pour frapper les régions russes d’où sont lancés des missiles qui tuent des innocents. Récemment, le président Biden a donné à l’Ukraine le feu vert pour utiliser des missiles fournis par les États-Unis afin de frapper des cibles à l’intérieur de la Russie.

Ma question est la suivante : que fait le Canada pour encourager le Royaume-Uni, la France et d’autres pays à suivre cet exemple?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur, et de vos efforts soutenus au nom de la population et du territoire de l’Ukraine.

Le gouvernement du Canada a toujours clairement dit que les Ukrainiens savent mieux que quiconque comment défendre leur pays. Le gouvernement demeure résolu à soutenir leur capacité à le faire. Comme vous le savez, sénateur et chers collègues, c’est pour cette raison que le gouvernement fédéral n’a pas imposé de restrictions géographiques à l’utilisation du matériel militaire que le Canada a donné à l’Ukraine.

(1450)

Je peux assurer à cette assemblée que le Canada continuera de collaborer avec ses alliés, y compris les nombreux que vous avez nommés, afin de veiller à ce que l’Ukraine soit pleinement soutenue dans son ensemble, non seulement sur le plan financier et humanitaire, mais également sur le plan militaire.

Le sénateur Kutcher : Merci pour cette réponse, sénateur Gold. De nombreux Canadiens apprécient les engagements du Canada envers l’Ukraine. Cela dit, bon nombre d’entre eux aimeraient que la mise en œuvre des engagements monétaires et militaires s’accélère.

Le gouvernement connaît-il le modèle d’aide financière mis en place par le gouvernement danois? Envisage-t-il de participer à ce modèle pour soutenir le développement d’une industrie de la défense basée en Ukraine?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénateur. Bien que je ne sois pas familier avec le modèle danois, je ne veux pas présumer que le gouvernement ne le connaît pas. Je vais certainement soulever la question auprès de la ministre.

La santé

La réglementation des liquides à vapoter

L’honorable Judith G. Seidman : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Action on Smoking & Health et les Médecins pour un Canada sans fumée ont exprimé leur profonde déception quant au fait que le gouvernement fédéral continue de retarder la mise en place du règlement interdisant les produits de vapotage aromatisés.

Le Canada a l’un des taux de vapotage chez les jeunes les plus élevés au monde. Les Hagen, directeur exécutif d’Action on Smoking & Health Canada, a récemment déclaré ceci :

Ce problème est hors de contrôle, et, s’ils consomment des produits de vapotage, c’est principalement à cause des arômes.

En juin 2021, un projet de règlement visant à interdire les édulcorants et la plupart des arômes dans les produits de vapotage a été publié dans la Gazette du Canada, mais il n’y a toujours pas de version définitive. Cela fait trois ans et demi. Combien de temps les Canadiens devront-ils encore attendre pour que le gouvernement interdise les produits de vapotage aromatisés dans tout le pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de l’attention constante que vous portez à ce problème important. Je ne sais tout simplement pas pourquoi il n’y a pas encore de version définitive du règlement, mais je ne manquerai pas de me renseigner dès que possible.

La sénatrice Seidman : Merci.

Entre avril 2023 et mars 2024, Santé Canada a inspecté 288 établissements spécialisés dans le vapotage et a constaté que 38 % d’entre eux avaient enfreint les lois fédérales sur la santé. La promotion d’arômes de vapotage interdits était l’un des types de non-conformité les plus courants.

Sénateur Gold, êtes-vous d’accord pour dire qu’il s’agit là d’une preuve supplémentaire de la nécessité d’agir?

Le sénateur Gold : À mon avis, cela montre que la mauvaise application des lois qui sont en place suscite d’importantes questions, à la fois sur la conformité et, en effet, peut-être sur l’application ou, comme vous le suggérez, sur la nécessité de légiférer. Je ne manquerai pas d’ajouter cette question dans mes demandes de renseignements auprès du ministre.

La sécurité publique

Le Programme pour la sécurité communautaire du Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, ces dernières années, au Canada, des dizaines d’églises chrétiennes ont été la cible d’incendies de nature possiblement criminelle. Depuis l’horrible attaque du Hamas contre Israël l’année dernière, les synagogues sont régulièrement visées par des actes de violence. Au début du mois, des personnes de confession hindoue à Brampton ont été victimes d’actes de violence troublants.

Monsieur le leader, pour renforcer la sécurité des lieux de culte, votre gouvernement a annoncé l’octroi de 10 millions de dollars pour bonifier le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité. J’ai déjà posé cette question, mais je n’ai pas reçu de réponse. Compte tenu de la violence qui sévit, une réponse s’impose, sénateur Gold. Quelle proportion de l’argent annoncé il y a un an a-t-on dépensée jusqu’à présent — non pas promis, mais dépensé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et, encore une fois, de souligner les attaques atroces et inacceptables contre la liberté de culte et la liberté de réunion dans les lieux de culte des Canadiens. Cette observation ne se limite pas à une confession.

Depuis de nombreuses années, le gouvernement fournit des fonds importants aux communautés et à leurs institutions afin de renforcer leur sécurité. Je sais que, dans mon coin de pays, à Montréal, la communauté juive — si vous permettez que je prêche pour ma paroisse — a reçu à maintes reprises des fonds importants. Le gouvernement continuera de travailler avec les groupes confessionnels et d’autres intervenants pour s’assurer que l’argent mis à leur disposition est investi correctement, en fonction des meilleurs besoins des communautés qui connaissent le mieux leurs besoins.

Le sénateur Plett : Plus tôt cette année, sénateur Gold, de nombreuses synagogues de la région de Toronto ont déclaré au National Post qu’elles avaient demandé du financement dans le cadre de ce programme, mais que leur demande avait été rejetée sans aucune explication.

Monsieur le leader, combien de lieux de culte ont demandé ce financement au cours de la dernière année? Combien de demandes ont été rejetées? Quelles étaient les principales raisons des refus de financement?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en position de faire des commentaires sur ces fonds. Aussi importants soient-ils, ces fonds ne sont pas illimités. Malheureusement, les besoins sont énormes. Comme je l’ai dit, le gouvernement a continué de fournir du financement. Ce n’est pas la première fois qu’il le fait. Tant et aussi longtemps que les besoins de nos communautés religieuses et confessionnelles seront tels, le gouvernement sera là pour les soutenir.

La santé

Le Cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies

L’honorable Marilou McPhedran : Le 7 octobre, le Canada a publié un cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies. Plus de 126 000 Canadiens, des hommes et des femmes, sont pompiers dans notre pays. Les données révèlent que 85 % des demandes d’indemnisation pour accident du travail chez les pompiers sont liées au cancer et que le risque de mourir d’un cancer est 14 % plus élevé chez les pompiers que dans le reste de la population.

Toutefois, la liste des cancers présumés couverts dans les provinces présente de sérieuses lacunes, puisque les cancers du testicule, de la prostate et du pénis — qui touchent les hommes —, y figurent, mais qu’on y trouve le cancer du col de l’utérus ou celui des ovaires, des cancers féminins, dans huit cas seulement et qu’aucune ne couvre le cancer de l’utérus.

Sénateur Gold, le mandat de ce cadre est de :

[...] sensibiliser les gens aux cancers liés à la lutte contre les incendies, dans le but d’améliorer l’accès de tous les pompiers à la prévention et au traitement du cancer.

Le gouvernement comprend-il que l’expression « tous les pompiers » inclut les femmes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse à cette dernière question est oui. Les pompiers s’exposent chaque jour à des risques pour nous servir. Bien que je ne sois pas un scientifique, je suppose que l’exposition à la fumée et aux matériaux qui brûlent, dont une grande partie contient des produits chimiques toxiques, est au moins l’une des raisons pour lesquelles l’incidence du cancer chez les pompiers est plus élevée.

Il est vrai que les normes varient d’une province à l’autre. Je peux certainement vous assurer que le gouvernement ne porte pas un regard « sexiste » sur cette question, mais je ne manquerai pas de porter vos préoccupations à l’attention du ministre.

La sénatrice McPhedran : Les femmes représentent 15 % des pompiers et cette proportion continue d’augmenter. Elles meurent de cancer de l’ovaire, de cancer de l’utérus et de cancer du col de l’utérus. Le cadre ne mentionne aucunement la distinction entre les sexes pour ce qui est du cancer ni ne fournit de lignes directrices pour harmoniser les régimes d’assurance provinciaux. Un incendie qui survient au Manitoba est tout aussi toxique que s’il survient en Colombie-Britannique. Le cancer de l’ovaire peut tuer une pompière, quel que soit l’endroit.

Pouvez-vous assurer au Sénat que les millions de dollars qui ont été promis pour financer la recherche seront affectés en fonction de critères fondés sur le sexe?

Le sénateur Gold : Je vais certainement soulever la question auprès du gouvernement. Je peux simplement dire qu’il serait inhabituel que l’approche du gouvernement dans ce domaine de la politique publique et d’autres ne tienne pas compte des répercussions disparates et de l’importance d’adapter ses politiques, y compris son financement, aux besoins de l’ensemble des Canadiens.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Le logement, l’infrastructure et les collectivités—La Société canadienne d’hypothèques et de logement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 279, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

Le logement, l’infrastructure et les collectivités—La Banque de l’infrastructure du Canada

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 309, en date du 6 février 2024, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Banque de l’infrastructure du Canada.


(1500)

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le Mois du patrimoine ukrainien

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-276, Loi instituant le Mois du patrimoine ukrainien.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-276, Loi instituant le Mois du patrimoine ukrainien. Je joue le rôle de porte-parole pour ce projet de loi, mais je dois dire qu’à titre de Canadienne fière de mes origines 100 % ukrainiennes, j’appuie sans réserve cette initiative.

Tous mes ancêtres étaient Ukrainiens. Trois de mes grands-parents sont arrivés au Canada avec la première vague d’immigrants ukrainiens qui se sont installés dans l’Ouest du Canada à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Quant à mon autre grand-père, il est né en 1900, environ un an après l’arrivée de ses parents en Amérique du Nord.

Comme je l’ai expliqué avec moult détails pendant mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai grandi au sein de la communauté ukraino-canadienne de Regina, une communauté florissante. Les traditions et le patrimoine ukrainiens étaient très présents à la maison. Nous célébrions les fêtes ukrainiennes, nous mangions des mets ukrainiens, nous avons longtemps fait partie de troupes de danses folkloriques ukrainiennes, nous étions et nous sommes toujours membres de l’église catholique ukrainienne, nous avons suivi des cours à l’école ukrainienne et nous avons mêmes appris les rudiments de la langue ukrainienne.

Comme l’a dit le sénateur Kutcher, parrain de ce projet de loi, pendant son discours à l’étape de la troisième lecture :

[...] [les Canadiens d’origine ukrainienne] semblent commencer à se manifester en disant « nous sommes là » ou, comme on le dit en ukrainien, « my tut ». Venez apprendre à nous connaître. Venez célébrer avec nous. Venez vous joindre à nous.

Cependant, objectivement, et certainement d’après mon expérience, les Canadiens d’origine ukrainienne le font déjà depuis de nombreuses décennies au Canada. Le Canada compte la deuxième diaspora ukrainienne en importance au monde, avec 1,4 million de membres. Les Canadiens d’origine ukrainienne forment une partie importante du tissu social du Canada depuis des décennies et possèdent un riche patrimoine de festivals, d’organisations et de points de repère culturels pour le prouver.

Par exemple, bon nombre d’entre vous connaissent le Congrès ukrainien canadien, l’organisation-cadre qui regroupe des groupes ukrainiens locaux, provinciaux et nationaux de partout au Canada. En fait, plus tôt ce mois-ci, le Congrès ukrainien canadien a célébré son 84e anniversaire lors de son congrès national. Le Congrès rassemble et représente les intérêts des Canadiens d’origine ukrainienne. Il encourage le leadership au sein de la collectivité et favorise de nombreuses initiatives philanthropiques. Le Congrès ukrainien canadien fournit également du financement et du soutien à de nombreux événements et festivals culturels et patrimoniaux ukrainiens canadiens, dont le Canada compte un grand nombre.

Ma province, la Saskatchewan, une plaque tournante du peuplement ukraino-canadien au pays, est le théâtre de célébrations culturelles ukrainiennes annuelles bien établies. Ma ville, Regina, accueille chaque année un festival multiculturel connu sous le nom de Mosaic, et le pavillon Kiev-Ukraine a joué un rôle clé dans l’histoire et le succès de ce festival. Le festival Mosaic fêtera d’ailleurs son 55e anniversaire — tout comme moi — en juin 2025. En 1977, ce festival dynamique est devenu une célébration de trois jours, à l’image de la durée d’un mariage ukrainien traditionnel. J’ai dansé avec mes troupes au pavillon Kiev-Ukraine dans le cadre du festival Mosaic dès mon plus jeune âge et pendant toute mon adolescence, et j’ai assisté au festival Mosaic avec ma famille et mes amis depuis aussi longtemps que je me souvienne.

Le Folkfest de Saskatoon a célébré son 45e anniversaire l’été dernier sur le thème des décennies de dévouement. Le pavillon ukrainien Karpaty est le plus grand du festival et il constitue un élément essentiel du Folkfest depuis des années.

À Saskatoon, la journée ukrainienne dans le parc, le plus grand festival ukrainien en plein air de la Saskatchewan, a vu le jour en 2001. Ce festival annuel coïncide avec l’anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine, en août.

Saskatoon abrite également le Musée ukrainien du Canada, le premier musée ukrainien en Amérique du Nord. Le musée a été fondé en 1936 par l’association des Ukrainiennes du Canada afin de promouvoir la culture et les arts ukrainiens. Le musée héberge l’une des plus grandes collections de textiles ethniques en Amérique du Nord. Il contient également des œuvres d’art ukrainiennes, notamment une collection de tableaux du célèbre artiste ukraino-canadien des Prairies, William Kurelek.

Bien entendu, le Manitoba est une autre région canadienne où bon nombre d’Ukrainiens se sont établis. Il a une riche tradition de festivals culturels ukrainiens de grande envergure. Prenons, par exemple, le Festival national ukrainien du Canada à Dauphin, au Manitoba. Ce grand festival fêtera l’été prochain son 60e anniversaire.

Autre festival important, le Folklorama de Winnipeg a vu le jour en 1970 et s’enorgueillit depuis d’un grand pavillon Ukraine-Kiev. Il est parrainé par le conseil provincial du Congrès des Ukrainiens canadiens et fait la promotion de la culture et de l’éducation ukrainiennes. Le Hoosli Ukrainian Male Chorus, composé de 160 chanteurs et possédant 55 ans d’expérience, se produit souvent au pavillon Ukraine-Kiev. Je suis certaine que bon nombre d’entre vous ont vu les membres de ce groupe chanter les hymnes nationaux canadien et ukrainien lors des parties de hockey des Jets de Winnipeg.

Le Festival ukrainien de Toronto, dans le quartier Bloor West Village, est le plus grand festival ukrainien de rue en Amérique du Nord. Il a vu le jour il y a 30 ans, en 1995, lorsque Toronto et Kiev sont devenues des villes sœurs. Plusieurs autres festivals culturels ukrainiens sont organisés en Ontario, notamment à Oakville, à Barrie, à Sudbury et à Kingston. Même le tout nouveau festival d’Ottawa, le Festival ukrainien de la capitale, fêtera son dixième anniversaire en 2025.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, l’Alberta organise également d’importantes célébrations ukrainiennes, en particulier à Edmonton et dans ses environs. La grande population ukrainienne d’Edmonton est la raison pour laquelle beaucoup d’entre nous appellent affectueusement la ville « Edmonchuk ». L’UFest d’Edmonton, un festival gratuit, met en valeur la nourriture, la danse, les arts, l’artisanat, la culture et la musique ukrainiens. Ce festival a démarré en 2018, et l’un des points forts de l’UFest est la représentation d’incroyables groupes de danse ukrainienne d’Edmonton, comme Shumka et Cheremosh.

La danse folklorique est une tradition précieuse dans la culture ukrainienne, et de nombreuses troupes ukraino-canadiennes ont une longue histoire au pays. Shumka, que je viens de mentionner, est la seule compagnie professionnelle de danse ukrainienne au Canada et a été créée en 1959. Cheremosh existe depuis 55 ans. Le Rusalka Ukrainian Dance Ensemble de Winnipeg a également 55 ans d’existence. Le groupe de Regina avec lequel j’ai dansé, le Tavria Ukrainian Folk Dance Ensemble, a lui près de 50 ans. Ces troupes de danse bien-aimées et dynamiques occupent une place de choix dans les fêtes et festivals ukraino-canadiens. Nombre d’entre elles voyagent dans tout le Canada et dans le monde entier pour présenter leurs remarquables talents et l’éblouissante manifestation du patrimoine ukrainien.

L’un des principaux éléments du patrimoine ukrainien au Canada se trouve en Alberta. Il s’agit du village du patrimoine culturel ukrainien, une attraction touristique unique qui se targue d’être « là où l’histoire prend vie », et c’est vraiment le cas. Fondé en 1974, ce site touristique situé à Tofield, près d’Edmonton, recrée la vie quotidienne des colons ukrainiens qui sont arrivés au Canada de 1892 à 1930. Cette attraction touristique est un petit village qui comprend plus de 35 bâtiments historiques et différentes structures réparties dans trois zones thématiques : un village, une communauté rurale et plusieurs fermes. Le personnel du site s’habille en costume d’époque et reconstitue la vie quotidienne des immigrants ukrainiens qui vivaient dans les fermes et les municipalités de l’Alberta rurale du début du XXe siècle. Le village comprend une école avec deux salles, trois églises orthodoxes byzantines, une forge, un élévateur à grains fonctionnel, des étables et une hutte de terre.

(1510)

Je garde de très bons souvenirs de ma visite de ce site avec ma famille lorsque j’étais adolescente, dans les années 1980. J’étais ravie de pouvoir découvrir à quoi ressemblait la vie de mes grands-parents dans la Saskatchewan rurale du début des années 1900. J’y ai retrouvé des choses que mon grand-père avait bien décrites dans l’ouvrage qui raconte sa vie et que ma famille conserve précieusement.

On trouve aussi de gigantesques attractions ukrainiennes bien connues sur le bord des routes albertaines. Bon nombre d’entre vous connaissent le pysanka géant — l’œuf de Pâques ukrainien — qui se trouve à Vegreville. Il a été dévoilé en 1973. Saviez-vous qu’il y a aussi un pierogi géant à Glendon, en Alberta? Glendon est reconnue comme la capitale mondiale du pierogi. On peut même y trouver le plus grand pierogi du monde, qui mesure 27 pieds et pèse 6 000 livres, en suivant la promenade Perogy jusqu’au parc Perogy. Nous, les Ukrainiens, prenons les pierogis — qu’on appelle aussi perohe ou vareniki — très au sérieux.

Bien entendu, la plus grande saucisse ukrainienne du monde se trouve à Mundare, en Alberta, qui ne voulait pas être en reste. Cette énorme saucisse à l’ail, ou kubasa, de 42 pieds a été couronnée comme la plus grande du monde par le livre des records mondiaux Guinness en 2001. Même si elle est peut-être la plus grande, je ne peux pas dire si elle est aussi la plus savoureuse. Je sais que mon vote pour ce prix revient à la kubasa de l’épicerie Ukrainian Co-op, une institution à Regina depuis 1937. Sans conteste, le fumoir situé à l’extérieur de cette épicerie produit la saucisse la plus odorante et la plus savoureuse du monde. Cet établissement se trouve dans un quartier de Regina où de nombreux immigrants ukrainiens sont venus s’installer, y compris ma baba.

Si je parle de tout cela, c’est pour souligner que les Canadiens d’origine ukrainienne valorisent et célèbrent leur culture au Canada depuis très longtemps. On ne parle pas d’une nouvelle fierté identitaire. Toutefois, il est certain que l’agression pure et simple que représente l’invasion de l’Ukraine par l’ignoble dictateur russe Vladimir Poutine en 2022 a incité de nombreux Canadiens d’origine ukrainienne à renforcer leurs liens avec la culture, les traditions et le patrimoine ukrainiens. Elle a aussi galvanisé le soutien au sein de la communauté ukrainienne et au-delà envers la liberté et l’indépendance de la patrie ukrainienne assiégée.

La soif de liberté a toujours été présente dans le cœur des Ukrainiens. C’est cette soif de liberté qui a conduit de nombreux ancêtres ukrainiens — dont les miens — à prendre courageusement la route et à émigrer vers des terres inconnues, dont le Canada. C’est ce désir d’échapper à la persécution et de trouver de meilleures perspectives pour leurs enfants et petits-enfants qui a poussé des centaines de milliers d’immigrants ukrainiens à quitter leur patrie et, dans bien des cas, les membres de leur famille, pour bâtir un avenir meilleur dans le Nouveau Monde. La liberté de religion qui existait dans les démocraties comme le Canada était particulièrement attrayante pour les Ukrainiens qui subissaient le joug du gouvernement autocratique russe et, plus tard, la répression de la liberté de culte par le régime communiste soviétique. Il est arrivé que des Ukrainiens qui avaient l’audace de pratiquer leur religion soient punis et emprisonnés.

Pour cette raison, j’ai été surprise que le sénateur Kutcher ne mentionne pas l’importance de la liberté ou de la religion dans ses discours aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture dans cette enceinte, ni au cours de son témoignage devant le Comité des affaires sociales pendant l’étude de ce projet de loi. En fait, le parrain du projet de loi n’a pas mentionné la « liberté » parmi les valeurs universelles communes citées dans le projet de loi S-276.

En ce qui concerne la nécessité de reconnaître, d’affirmer et de célébrer le patrimoine ukrainien au Canada par l’entremise de ce projet de loi, ne perdons pas de vue le rôle crucial que joue l’Église dans la préservation du patrimoine ukrainien. La religion fait partie intégrante de la culture et des traditions ukrainiennes. De nombreuses traditions culturelles ukrainiennes découlent d’observances religieuses. Comme je l’ai souligné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-276, la culture ukrainienne est riche en références religieuses, jusqu’au symbolisme des couleurs employées pour décorer les œufs de Pâques ukrainiens ou au rôle de certains aliments dans les célébrations.

En outre, pour les nouveaux immigrants ukrainiens arrivant au Canada, l’église était le cœur de leur communauté — un lieu de rassemblement, de célébration et de soutien. En fait, les églises sont généralement les premières infrastructures qui témoignent de l’héritage ukrainien au Canada. Bon nombre des églises construites par les colons ukrainiens il y a plusieurs décennies sont encore debout aujourd’hui.

Par exemple, l’église orthodoxe ukrainienne St. Michael a été érigée en 1898 au Manitoba. L’église catholique ukrainienne Nativity of the Blessed Virgin Mary a été construite en 1903 près de Yorkton, en Saskatchewan. L’église orthodoxe Holy Transfiguration a été établie à Edna-Star, en Alberta, en 1913.

Ces églises ont été construites avec les ressources souvent limitées des familles ukrainiennes au Canada, surtout autrefois. L’église de ma famille, une église catholique ukrainienne à Regina, a été fondée en 1925 et a été appuyée pendant des décennies grâce à des collectes de fonds. Notre nouvelle église a été construite sur le même emplacement que l’ancienne il y a 60 ans. Ma famille a travaillé activement pour appuyer cette église, tout comme l’ont fait de nombreux autres immigrants ukrainiens qui cherchaient à trouver une place pour leur communauté dans le Nouveau Monde.

Je parle du rôle central des Églises orthodoxe et catholique ukrainiennes dans la célébration du mois du patrimoine ukrainien parce que j’estime que cet aspect a été largement négligé au cours du débat sur le projet de loi S-276. Je suppose que ce n’est pas surprenant, étant donné la rapidité avec laquelle le projet de loi a progressé récemment. En fait, le projet de loi S-276 a été adopté si rapidement au Comité des affaires sociales que je n’ai été informée qu’il avait fait l’objet d’un débat seulement après qu’il y a été adopté, même si j’en suis la très favorable porte-parole. J’ai appris qu’il avait été adopté au comité parce que le sénateur Kutcher a publié un gazouillis à cet effet. En fait, jusqu’à ce matin-là, le projet de loi S-276 ne figurait même pas sur l’avis de convocation de la réunion du comité, et le sénateur Kutcher, le parrain du projet de loi, n’était pas présent pour répondre aux questions à son sujet. Le débat sur le projet de loi et l’examen article par article ont duré au total 40 minutes.

Dans ce laps de temps, c’est à peine s’il a été question du patrimoine ukrainien. Comme un des objectifs principaux et avoués du projet de loi est de promouvoir et de faire connaître la communauté et le patrimoine ukrainiens au Canada, n’aurait-il pas été préférable d’engager un débat plus approfondi et d’entendre des témoins importants au comité afin d’attirer l’attention sur ce sujet?

Si, dans ce contexte, le Parlement ne met pas en lumière et n’étudie pas la culture et le patrimoine ukrainiens au Canada au cours des 100 dernières années, nous diminuons les importantes contributions des Canadiens d’origine ukrainienne à notre pays. Malheureusement, je pense qu’il s’agit d’une occasion ratée pour ce projet de loi.

Il est essentiel que nous rendions hommage au patrimoine ukrainien au Canada et que nous manifestions notre soutien à l’Ukraine, en particulier en cette période où l’Ukraine fait l’objet d’une menace existentielle. Tragiquement, nous célébrons aujourd’hui le 1 000e jour du début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022. Je repense au fait que, au début de cette invasion, tous les experts disaient que l’Ukraine serait complètement vaincue en trois jours. Toutefois, le peuple ukrainien a fait preuve d’une résilience incroyable. Nous devons continuer de soutenir l’Ukraine. Et ceux d’entre nous qui sont de descendance ukrainienne doivent saisir toutes les occasions de mettre en valeur l’héritage des générations qui nous ont précédés et qui ont contribué à faire du Canada le pays libre, fort et diversifié qu’il est devenu.

La semaine prochaine, nous soulignerons le triste anniversaire de l’Holodomor. Il s’agit de l’événement dévastateur où la famine, infligée par le dictateur soviétique Joseph Staline, a tué des millions d’Ukrainiens. Honorables sénateurs, alors que nous soulignons ce tragique anniversaire, je vous demande de penser à ce que le peuple ukrainien a surmonté pendant des siècles, ainsi qu’à ce à quoi il continue d’être confronté aujourd’hui, dans sa lutte pour la liberté, l’autodétermination et l’indépendance.

Nous devrions célébrer le courage et la résilience extraordinaires du peuple ukrainien et la détermination brute qui a incité des ancêtres comme les miens à quitter leurs terres pour un avenir inconnu au Canada. Regardez ce qu’ils ont bâti au cours des 130 dernières années dans ce pays : un réseau de familles et de communautés fortes, un héritage religieux et culturel abondant, et une courtepointe de traditions, d’art, de musique, de danse et de mets… oh, les mets. Le Mois du patrimoine ukrainien nous donnerait l’occasion de rendre hommage aux contributions des Canadiens d’origine ukrainienne au Canada chaque année et de célébrer une riche culture qui continue de s’épanouir contre vents et marées. Pour cette raison, je vous encourage à appuyer l’adoption du projet de loi S-276.

Merci. Dyakuyu. Slava Ukraini.

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : La sénatrice Batters accepterait-elle de répondre à une question?

Je vous remercie de votre discours, sénatrice Batters. Vous avez mentionné une troupe de danse ukrainienne établie au Manitoba, Rusalka. Saviez-vous que, lorsque le Royal Winnipeg Ballet présente Casse-noisette, il invite la troupe Rusalka à interpréter une danse folklorique ukrainienne sur scène, afin de remplacer la danse russe prévue à l’origine dans le deuxième acte du Casse-noisette?

(1520)

La sénatrice Batters : Je ne le savais pas, mais quelle excellente idée. À l’adolescence, il m’arrivait d’interpréter à l’orgue une version de la suite tirée de la musique de Casse-noisette, et je trouvais toujours dérangeant de devoir jouer une section intitulée « danse russe ». Le changement dont vous parlez est une nette amélioration. Merci.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale

Adoption du vingt-neuvième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Le Sénat passe à l’étude du vingt-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale, avec des amendements), présenté au Sénat le 7 novembre 2024.

L’honorable Rosemary Moodie propose que le rapport soit adopté.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale.

Le projet de loi S-249 a été présenté par le sénateur Fabien Manning le 8 juin 2022. Il a été renvoyé au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie le 1er juin 2023.

Le comité a étudié le projet de loi au cours de quatre réunions pendant lesquelles il a entendu le sénateur Fabien Manning; Georgina McGrath, qui se désigne comme une survivante de la violence conjugale; des fonctionnaires de Femmes et Égalité des genres Canada, de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, de Services aux Autochtones Canada et du ministère de la Justice; des représentants d’organismes nationaux, des fournisseurs de services et des universitaires.

À la lumière des témoignages reçus par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, plusieurs amendements ont été apportés au projet de loi. Dans l’ensemble, les amendements du comité touchent à divers aspects. Il y en a notamment sur le lancement du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe par le gouvernement du Canada, en novembre 2022. Il y en a aussi sur les préoccupations concernant l’obligation de signalement ainsi que d’autres obligations visant les professionnels de la santé, qui faisaient partie des points de consultation en vue d’élaborer la stratégie nationale dans la première version du projet de loi. Enfin, il y en a qui touchent à des préoccupations concernant la version française initiale du projet de loi, qui n’utilisait pas le terme « partenaire intime » en rapport avec la violence conjugale et qui n’incluait pas une définition de ce terme , même s’il était présent dans la version anglaise du projet de loi. Tous les amendements ont été proposés par le parrain du projet de loi, le sénateur Manning, et je le remercie pour son esprit de camaraderie et sa souplesse tout au long de cette étude.

Enfin, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie n’a pas formulé d’observations sur le projet de loi S-249. Les amendements apportés par le comité sont énoncés dans son vingt-neuvième rapport, présenté au Sénat le 7 novembre 2024, en l’occurrence :

Le titre intégral du projet de loi est remplacé par « Loi concernant une action nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes. » Le titre intégral pour la version de la première lecture était « Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale. »

L’article 1 du projet de loi, qui en donne le titre abrégé, est modifié et passe de « Loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale » à « Loi de Georgina ». Comme cela a déjà été indiqué, Georgina McGrath a témoigné devant le comité de son expérience vécue de la violence entre partenaires intimes.

L’article 2 du projet de loi est modifié afin de supprimer les définitions des termes « médecin » et « infirmier praticien » dans les deux langues, puisque ces termes ne sont plus utilisés dans le projet de loi à la suite des modifications apportées à l’article 3, et d’ajouter une définition pour le terme « partenaire intime » dans la version française du projet de loi. Veuillez noter que, dans la version française du projet de loi, des modifications ont été apportées pour refléter l’utilisation du terme « partenaire intime » dans le contexte de la violence conjugale.

L’article 3 du projet de loi est modifié afin de l’harmoniser avec la mise en œuvre actuelle du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, évitant ainsi la création d’une stratégie nationale faisant double emploi pour la prévention de la violence entre partenaires intimes.

Il s’agit notamment de remplacer la formulation « stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale » par « une action nationale visant à prévenir et à contrer la violence entre partenaires intimes » dans cet article et dans l’article 4, ainsi que dans le titre intégral du projet de loi.

Par exemple, au lieu de mener des consultations en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale, comme le prévoyait l’article 3 de la version à l’étape de la première lecture du projet de loi, le ministre doit maintenant consulter chaque année un ensemble complet de partenaires en vue d’une action nationale.

La liste des sujets de discussion entre le ministre et les partenaires, qui est fournie à l’article 3 du projet de loi, est également modifiée de façon à supprimer les points liés à l’obligation pour les professionnels de la santé de fournir aux patients des renseignements sur l’accès à l’aide juridique et de faire un signalement à la police lorsqu’ils soupçonnent un patient d’être victime de violence conjugale.

L’article 4 du projet de loi est modifié de manière à exiger que le ministre prépare des rapports d’étape sur les mesures visant à prévenir et à contrer la violence conjugale plutôt qu’un rapport énonçant la stratégie nationale, ce qui reflète davantage le fait de passer d’une stratégie nationale à une action nationale.

L’article 5 du projet de loi, qui obligeait le ministre à examiner la mise en œuvre de la stratégie nationale et à préparer ensuite un rapport contenant des conclusions et des recommandations, a été supprimé.

En terminant, je tiens à remercier tous les témoins de leur participation, et je remercie également le personnel et mes collègues du comité. Comme vous pouvez l’imaginer, cette étude n’a pas du tout été facile. Je félicite cependant le comité de son excellent travail des plus opportuns. Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Fabian Manning : Merci, sénatrice Moodie. Honorables sénateurs, je veux féliciter la sénatrice Moodie de son élection récente à la présidence du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Je veux profiter de l’occasion pour remercier la présidente précédente, la sénatrice Omidvar, et la vice-présidente, la sénatrice Cordy, de tout leur soutien et de leur travail au comité concernant l’étude du projet de loi S-249.

Je voudrais remercier tous les membres anciens et actuels du comité de leur travail sur le projet de loi lui-même ainsi que de leurs encouragements et des discussions privées que nous avons eues dans les couloirs et le salon. Ils m’ont encouragé, mais ils ont aussi soulevé des questions qui me préoccupaient et qui m’ont donné la possibilité de faire progresser le projet de loi. Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant notre comité, notamment pour leur sensibilité concernant dans certains cas des questions très personnelles et intimes.

Selon Statistique Canada, la violence entre partenaires intimes est un important problème de santé publique. La première recommandation adressée à la province de l’Ontario, le 28 juin 2022, à la suite d’une enquête sur les meurtres brutaux de trois femmes dans le comté de Renfrew le 22 septembre 2015, était de « déclarer officiellement que la violence entre partenaires intimes est une épidémie ».

(1530)

Bien que les statistiques soient difficiles à entendre et qu’on peine à les comprendre, elles sont bien réelles. Tous les 6 jours environ, une femme est tuée par son partenaire intime au Canada. En 2021, la police a signalé 114 132 cas de violence entre partenaires intimes. Alors que les femmes autochtones représentent 5 % des femmes au Canada, elles représentent malheureusement 21 % des femmes tuées par leur partenaire intime.

Chaque nuit au Canada, 4 600 femmes et 3 600 enfants sont contraints de dormir dans des centres d’hébergement d’urgence en raison de la violence de leur partenaire intime et d’autres types de violence. Malheureusement, plus de la moitié d’entre eux, soit 56 %, s’y voient refuser l’accès, faute de place.

Une femme sur huit subira une lésion cérébrale à la suite d’un acte de violence commis par un partenaire intime.

La violence entre partenaires intimes est le fait d’une personne qui exerce un contrôle sur une autre personne. Elle repose sur la peur et l’intimidation. Nous devons nous unir pour aider les victimes de ces actes de violence.

La sensibilisation est un élément essentiel de la lutte contre la violence entre partenaires intimes. Elle doit commencer dès la maternelle. Espérons que cela se fera dans un avenir assez proche.

Depuis que j’ai présenté ce projet de loi pour la première fois au Sénat, dans une forme légèrement différente de celle d’aujourd’hui, en avril 2018, plus de 1 000 femmes ont été tuées par leur partenaire intime au Canada.

Cette expérience a été très instructive pour moi. J’ai beaucoup appris. J’ai appris qu’il y a de nombreux aspects de la violence entre partenaires intimes dont je n’étais pas conscient. J’ai rencontré des représentants ministériels de la ministre Ien. J’ai rencontré 134 femmes dans l’ensemble du pays, principalement à Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai organisé cinq tables rondes. J’ai visité des refuges en Nouvelle-Écosse, en Ontario et à Terre-Neuve-et-Labrador, et il ne fait aucun doute, chers collègues, qu’il s’agit d’une épidémie dans notre pays.

Il n’y a pas d’allégeances politiques dans ce dossier. Il n’y a pas de zone grise. Il n’y a rien de plus noir ou blanc.

Les témoignages qu’on entend sont la plupart du temps livrés par des femmes. Il y a des hommes qui ont subi de mauvais traitements, mais la plupart du temps, ce sont des femmes. Des femmes m’ont raconté leur histoire, en toute confidentialité dans certains cas, et j’ai eu la chair de poule à l’idée du poids que certaines personnes doivent porter au quotidien. C’est une situation qui m’inquiète lorsque je pense à ma fille, à ma petite-fille, à ma sœur, à mes nièces et à d’autres membres de ma famille. Cela m’inquiète que n’importe quel individu ayant recours à la violence conjugale puisse s’employer à détruire la vie d’une personne.

J’aimerais que tous puissent entendre les histoires qui m’ont été racontées ou dont j’ai été témoin. Cela dit, je n’ai aucun doute que tous les sénateurs connaissent quelqu’un qui est aux prises en ce moment avec la violence conjugale ou qui y a fait face dans le passé. C’est une épidémie, chers collègues.

Mon projet de loi résoudra-t-il tous les problèmes associés à la violence conjugale? C’est fort peu probable, mais il importe de continuer la conversation. Il est important de tendre la main aux victimes. Il est important que nous fassions notre travail, en tant que législateurs, pour tenter d’au moins cibler ce problème avec tous les outils dont nous disposons.

En janvier 2017, j’ai rencontré Georgina McGrath dans le petit village de pêcheurs de Branch, dans la baie St. Mary’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, et elle m’a raconté son histoire. C’est ce qui m’a donné l’idée de ce projet de loi, mais les choses n’ont pas été faciles. Le processus législatif à suivre ne m’a certes pas facilité la tâche. Ayant passé presque 40 ans de ma vie en politique, je comprends le processus. Je sais que des mesures sont mises en veilleuse. Cependant, de temps à autre, nous sommes saisis de mesures législatives pour lesquelles je crois qu’il est important de se battre. C’est le cas ici, et je ne dis pas cela parce qu’il s’agit de mon projet de loi, car il ne m’appartient pas. C’est notre projet de loi. Il a été présenté au nom des femmes, des jeunes filles et de toutes les victimes de violence conjugale au Canada.

Je suis très satisfait du travail du comité. J’aime beaucoup les idées et les suggestions qui m’ont été présentées en tant que parrain du projet de loi, je suis ravi des discussions que nous avons eues pour l’améliorer. Je suis très heureux que le comité nous ait finalement présenté son rapport après toutes ces années. J’espère que la troisième lecture aura lieu bientôt. Puis, il faudra renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes où, je l’espère, il jouira du même appui qu’ici.

Je tiens à remercier tous mes collègues pour leur appui au fil des ans. Je tiens à remercier les membres du comité. Je tiens à remercier toutes les femmes et les filles qui ont passé du temps avec moi, qui m’ont parlé et qui m’ont sensibilisé à ce problème important. Je tiens à remercier Georgina McGrath d’avoir été le fer de lance de ce projet de loi.

Sur ce, je vous demande d’envisager sans tarder de passer à l’étape de la troisième lecture, où j’aurai l’occasion de prendre de nouveau la parole. Je tiens à remercier chacun d’entre vous pour votre appui.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Manning, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur la santé des animaux

Projet de loi modificatif—Quatorzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Downe, tendant à l’adoption du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 29 octobre 2024.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole aujourd’hui au sujet du 14e rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts concernant le projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux relativement à la biosécurité dans les exploitations agricoles. Le rapport recommande de modifier le projet de loi d’une manière que le gouvernement ne peut malheureusement pas approuver. J’exhorte donc respectueusement mes collègues à s’opposer à ce rapport afin que le projet de loi puisse passer à l’étape de la troisième lecture dans sa forme originale.

[Français]

Les agriculteurs canadiens font face à de nombreux défis. Certains d’entre eux sont bien connus, comme les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et les catastrophes naturelles qui mettent en péril leurs activités, mais il y a aussi le risque de maladies mortelles. Le risque de maladie animale mortelle est particulièrement stressant pour les agriculteurs. La menace d’une intrusion illégale dans leur propriété ne fait qu’amplifier le stress de nos agriculteurs et de leurs familles.

L’intention du projet de loi C-275 est de protéger davantage les agriculteurs canadiens et leurs animaux en rendant illégal le fait de pénétrer sans autorisation dans un lieu où des animaux sont gardés, car une personne pourrait raisonnablement exposer ces animaux à une maladie ou à une substance toxique.

[Traduction]

Chers collègues, nous savons à quel point les agriculteurs canadiens travaillent fort et le projet de loi C-275 leur donnera la petite, mais importante assurance qu’ils n’auront pas à s’inquiéter d’éventuelles atteintes à la biosécurité causées par des personnes qui pénètrent illégalement sur leur propriété.

(1540)

Ils pourront ainsi se concentrer sur leur travail quotidien, qui consiste à prendre soin de leurs animaux, à les maintenir en bonne santé et à fournir des produits de calibre mondial aux Canadiens et aux habitants du monde entier.

L’amendement proposé par le sénateur Dalphond, quoique bien intentionné, exposera ces agriculteurs qui travaillent dur, leur famille, leurs employés ainsi que d’autres personnes à un éventuel risque juridique ce que ne cherche pas à faire ce projet de loi.

La grande majorité des agriculteurs et des personnes qui travaillent à l’intérieur ou autour des installations et des propriétés agricoles ont le plus grand respect pour leurs animaux. Ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit de leur gagne-pain, mais aussi parce que c’est la chose à faire.

L’amendement proposé pourrait faire courir un risque juridique aux agriculteurs, à leur famille, à leurs employés et aux vétérinaires. Ils prennent les mesures appropriées pour protéger la santé et le bien-être de leurs animaux, ainsi que la santé publique, mais comme tout être humain, ils sont sujets à commettre des erreurs.

En supprimant la formulation « sans autorisation ou excuse légitime », cet amendement pourrait involontairement les exposer à ce risque en éliminant cette importante protection juridique, alors que l’objectif primordial du projet de loi est de dissuader les acteurs malveillants.

À cet égard, je partage l’avis que la sénatrice Oudar a exprimé au Sénat, à savoir qu’en supprimant cette formulation, nous éliminons en fait une défense juridique importante sur laquelle les travailleurs peuvent avoir besoin de s’appuyer, en fonction des circonstances en jeu.

En effet, l’expression « sans autorisation ou excuse légitime » représente une protection juridique importante qui s’applique dans d’autres formes de textes législatifs dans le cas de personnes qui exercent des activités ou des actions précises, ainsi qu’à des éléments du Code criminel, de la Loi sur la santé des animaux et de la Loi sur les douanes, pour ne nommer que ceux-là.

[Français]

Comme l’a fait remarquer Francis Drouin, secrétaire parlementaire du ministre de l’Agriculture, lorsque le même amendement a été proposé à l’étape de l’étude article par article au Comité permanent de l’agriculture de la Chambre des communes :

Cet amendement intègre un nouveau groupe au projet de loi. Bien que je convienne que nous devons faire tout en notre pouvoir pour promouvoir la biosécurité, je ne pense pas que cet amendement devrait aborder la relation employeur-employé.

À une époque où les fermes avicoles sont profondément touchées par la grippe aviaire et où des efforts massifs sont déployés pour empêcher la peste porcine africaine d’atteindre le Canada, il est donc essentiel que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger ces animaux, y compris les éleveurs et leurs employés qui déploient leurs connaissances, leur expertise et leurs compétences pour veiller à ce que leur santé et leur bien-être soient pris en compte.

[Traduction]

En conclusion, je tiens à rappeler que le gouvernement reconnaît l’importance de soutenir les exploitations agricoles. Nous voulons permettre aux agriculteurs canadiens de conserver leur réputation mondiale et de continuer à fournir aux Canadiens les produits de première qualité auxquels ils s’attendent.

Dans sa forme initiale, le projet de loi est un nouvel outil permettant de soutenir davantage les agriculteurs et d’assurer la sécurité de leurs animaux. C’est un objectif louable qui mérite notre appui. Je remercie le sénateur Dalphond d’avoir présenté cette initiative, mais j’exhorte respectueusement mes collègues à rejeter le rapport.

Merci.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Bien sûr.

L’honorable Paula Simons : Sénateur Gold, je me demande s’il est déjà arrivé qu’un risque biologique soit introduit dans une exploitation agricole par quelqu’un qui était là pour manifester en faveur des droits des animaux.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je n’en ai pas connaissance, sénatrice. C’est une question qui a été soulevée au cours du débat.

Si vous me permettez, j’aimerais utiliser un exemple similaire à propos de l’effet dissuasif des lois qui restreignent la liberté d’expression. La question n’est pas de simplement savoir s’il y aura des poursuites ou si celles-ci seront fructueuses.

La possibilité qu’une personne soit exposée à certains risques — et je ne parle pas des manifestants, mais bien des travailleurs, ou peut-être des travailleurs étrangers temporaires —, même en l’absence de preuves solides dans le passé, peut à la fois nuire à sa capacité et sa volonté de faire le travail pour lequel elle a été embauchée et avoir un effet nuisible sur son bien-être dans le cadre de son travail.

Comme je l’ai dit, par rapport à ce projet de loi, qui a été étudié à l’autre endroit — et où cet amendement a, en fait, été proposé, discuté, puis rejeté —, le gouvernement est d’avis qu’il servira mieux les intérêts des agriculteurs, de leurs travailleurs et des communautés dans sa version non amendée.

La sénatrice Simons : Si vous acceptez de répondre à une deuxième question, je dirai que je suis intriguée de vous entendre parler d’un effet inhibiteur sur la liberté d’expression, car, essentiellement, c’est ce que les détracteurs du projet de loi l’accusent de faire, en évoquant l’effet dissuasif d’une éventuelle amende de 250 000 $ ou le risque d’une peine d’emprisonnement pour avoir tenté de documenter des cas de cruauté envers les animaux.

Êtes-vous inquiet de l’effet dissuasif que le projet de loi aura sur les personnes qui se préoccupent du bien-être des animaux?

Le sénateur Gold : Je n’ai rien contre les personnes dont les droits légitimes garantis par la Charte sont compromis ou qui estiment ne pas être en mesure de les exercer.

Toutefois, il est important de rappeler qu’il s’agit d’un projet de loi fédéral. Il doit rester dans les limites de la compétence fédérale. À cet égard, le gouvernement est d’avis que l’amendement au projet de loi ne sert pas les objectifs du projet de loi et les intérêts des agriculteurs; l’intégrité et la biosécurité de leurs exploitations seraient mieux servies si le projet de loi était rétabli dans sa forme initiale.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Oui.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, je ne peux pas faire autrement que d’être assez surprise par le fait que vous êtes intervenu coup sur coup sur deux projets de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-282 et celui-ci. Quand j’ai commencé à siéger au Sénat, il était assez clair que les représentants du gouvernement se préoccupaient de projets de loi gouvernementaux. C’est toujours comme cela que je l’ai compris. Il n’y a pas de règlement qui le dit, mais j’ai toujours compris que votre priorité, c’était les projets de loi portés par le gouvernement.

Dans le cas du projet de loi C-282, vous avez dit que le Sénat n’allait pas assez vite. Dans ce cas-ci, vous dites que le comité, qui a pourtant adopté ce rapport à la majorité, s’est trompé. C’est quand même une intervention assez importante. J’aimerais comprendre une chose : pourquoi choisissez-vous d’intervenir maintenant dans les projets de loi d’initiative parlementaire?

Le sénateur Gold : Merci de me donner l’occasion d’expliquer davantage la réponse que j’ai donnée aux leaders autour de la table au fil des années. Chère collègue, il y a une distinction importante en ce qui concerne le rôle que joue le bureau du représentant du gouvernement dans les processus qui entourent les projets de loi gouvernementaux. À cet égard, je n’ai jamais joué de rôle, tout comme le sénateur Harder avant moi, pour faire progresser des projets de loi non gouvernementaux.

Par contre, ce n’est pas vrai que mon prédécesseur et moi, ainsi que le gouvernement que je représente, ne pouvons pas prendre position sur des projets de loi non gouvernementaux. Chaque projet de loi non gouvernemental est étudié par le gouvernement et chacun fait l’objet de discussions au Cabinet. Le gouvernement prend position sur tous les projets de loi qui provoquent des changements dans la législation, soit le Code criminel ou d’autres textes de loi. À mon avis, il est tout à fait normal, à titre de représentant du gouvernement, que je partage parfois avec vous, mes collègues, le point de vue gouvernemental sur ces projets de loi.

Il s’agit, dans ce cas-ci, d’un projet de loi que le gouvernement a appuyé à l’autre endroit. Un amendement a été proposé, et je respecte tout à fait le travail de nos comités ainsi que le travail du sénateur Dalphond, qui fait la promotion de cet amendement. Je suis d’avis qu’il est toujours important de faire valoir le point de vue du gouvernement à ce sujet.

(1550)

L’honorable Pierre J. Dalphond : Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Oui.

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie de votre discours. Cela confirme au moins une chose, soit que le sénateur Plett avait tort de dire que j’agissais conformément aux instructions du premier ministre et du Cabinet en proposant l’amendement. Ce point sera au moins clarifié aux fins du compte rendu.

Ma question est la suivante. Puisque le gouvernement s’est penché sur ce projet de loi et l’a étudié, pourrions-nous obtenir copie de l’énoncé concernant la Charte qui a été fait en ce qui a trait à ce projet de loi, étant donné son impact sur les activistes, pour reprendre l’expression du sénateur Plett, qui défendent les droits des animaux? La Cour supérieure de l’Ontario s’est penchée sur des dispositions semblables et elle a jugé qu’elles violaient le droit à la liberté d’expression. Le gouvernement peut-il nous fournir l’analyse en vertu de la Charte qui a été faite du projet de loi?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Je suis très content d’avoir réussi à clarifier quelque chose par rapport au rôle que vous avez joué. En toute franchise, j’ignore si une analyse d’impact de la Charte a été faite, étant donné que ce n’est pas un projet de loi du gouvernement. Je vais toutefois poser la question au ministre, car je ne suis pas en mesure de répondre à votre question.

(Sur la motion de la sénatrice White, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais

Projet de loi modificatif—Seizième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie (projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables), avec des amendements), présenté au Sénat le 5 novembre 2024.

L’honorable Pamela Wallin propose que le rapport soit adopté.

Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter le 16e rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, qui porte sur le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).

Nous avons entendu 18 témoins et procédé à l’étude article par article au cours de quatre réunions. Le comité a reçu huit mémoires supplémentaires pendant la durée de l’étude. Notre comité a entendu des producteurs de fruits et légumes, des organisations agricoles, des experts en faillite et en insolvabilité, des organismes de recherche et des avocats, y compris des avocats spécialisés dans le droit commercial qui représentent des producteurs de fruits et légumes aux États-Unis et qui connaissent bien la Perishable Agricultural Commodities Act, connue sous le nom de PACA, et la PACA Trust, l’équivalent américain du projet de loi C-280.

Nous avons également entendu des représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et d’Industrie, Sciences et Développement économique Canada, la surintendante associée du Bureau du surintendant des faillites, ainsi que le porte-parole du projet de loi au Sénat, le sénateur Cotter, et le parrain à la Chambre des communes, Scot Davidson, député de York—Simcoe.

Au cours de l’étude article par article, des représentants du gouvernement sont revenus pour répondre aux questions des membres du comité. Tout au long de nos réunions, une certaine confusion a régné quant à savoir qui serait couvert par la loi, comment la chaîne d’approvisionnement du secteur est affectée par la faillite et l’insolvabilité, quelles sont les protections dont les agriculteurs disposent actuellement et si elles sont accessibles et abordables, ainsi que sur l’historique des relations commerciales canado-américaines sur la question de la protection réciproque pour les producteurs de fruits et légumes périssables.

Le comité a entendu des témoignages convaincants de la part de nombreux intervenants sur l’importance du projet de loi. Ron Lemaire, président de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, a déclaré que le mécanisme de protection contre la faillite prévu dans le projet de loi créerait « un outil essentiel adapté aux besoins pour une industrie unique qui n’est actuellement pas protégée ».

L’ancien président et directeur général de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes a déclaré que le projet de loi ouvrirait la voie au rétablissement de la protection financière des producteurs canadiens en vertu de la loi américaine sur les produits agricoles périssables. En 2014, les États-Unis ont suspendu l’accès des producteurs canadiens de fruits et légumes aux mécanismes de protection contre la faillite prévus par cette loi, laissant les producteurs canadiens impuissants face aux payeurs insolvables dans ce marché clé.

Le sénateur Varone a proposé deux amendements. Comme ils font deux pages, je ne les lirai pas ici, mais j’encourage les sénateurs à consulter le procès-verbal de la réunion et à lire la transcription de l’étude article par article, qui a eu lieu le jeudi 31 octobre, afin d’obtenir un portrait complet.

Les raisons invoquées par le sénateur Varone pour justifier ces amendements étaient qu’ils rendraient le projet de loi plus clair et exempt d’ambiguïtés. Cependant, d’autres témoins ont affirmé le contraire : amender le projet de loi mettrait en péril son adoption et pourrait potentiellement diminuer la réciprocité de la loi miroir des États-Unis.

Nos collègues du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes nous ont écrit la semaine dernière pour nous demander d’adopter cet important projet de loi sans amendement. Cependant, les deux amendements ont été adoptés à sept voix contre quatre, et le rapport a été adopté avec dissidence.

J’espère qu’au cours de notre débat, nous examinerons sérieusement la question, car de nouvelles informations nous sont parvenues depuis l’étude du projet de loi en comité. Je demande à tous les sénateurs d’être très attentifs aux interventions des autres sur le projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Wallin, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Wallin : Oui.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir présenté une vue d’ensemble du rapport et de l’amendement. Je crois comprendre que le comité, comme vous l’avez mentionné, a entendu plusieurs points de vue différents sur la question de savoir si l’amendement au projet de loi pourrait compromettre certains des objectifs qui sous-tendent cette mesure législative. En particulier, le projet de loi C-280 cherche à ouvrir la porte au rétablissement des protections financières pour les producteurs canadiens dans le cadre de la Perishable Agricultural Commodities Act des États-Unis. Ces protections ont été suspendues en 2014 en raison de l’absence de mesures réciproques au Canada.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur les raisons invoquées par les parties prenantes qui ont témoigné devant le comité pour justifier l’adoption du projet de loi dans sa forme originale et nous dire si cet amendement particulier présente des risques précis pour nos relations avec les États-Unis?

La sénatrice Wallin : Bien sûr. Je vous encourage aussi à écouter d’autres personnes qui ont étudié davantage cette question. Cela dit, nous avons entendu des arguments très solides selon lesquels, lorsqu’on négocie avec les États-Unis et qu’il est question des lois des deux pays et de mesures législatives réciproques, il est préférable de limiter les obstacles le plus possible.

Cela a été dit très clairement, je crois. Des acteurs de l’industrie ont souligné que, si nous apportions des amendements, non seulement cela viendrait mettre en péril l’adoption du projet de loi au Sénat et à l’autre endroit, mais il y aurait aussi des répercussions concernant la réciprocité des mesures législatives entre le Canada et les États-Unis, laquelle pourrait être mise en péril. Ils ont laissé entendre que, si nous agissons ainsi, ils reviendront à ce qui existait avant que les règles changent en 2014, ce qui procurerait une protection à ce groupe très vulnérable de producteurs de fruits et légumes périssables. Il s’agit d’un groupe très petit qui a besoin d’une aide particulière parce que ses produits sont périssables : comme on ne peut ni les congeler ni les réfrigérer, les producteurs perdent de l’argent. S’il n’y a aucune façon de protéger ces producteurs, ils n’auront aucun recours et ne pourront obtenir aucun avantage financier plus tard, puisque leurs produits ne seront plus disponibles.

L’honorable Pierrette Ringuette : Sénatrice Wallin, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Wallin : Oui.

(1600)

La sénatrice Ringuette : Sénatrice Wallin, vous ai-je bien entendue dire au début du rapport du comité, dont vous êtes la présidente, que des témoins ont dit que le système du Canada et celui des États-Unis seraient exactement le même si ce projet de loi est adopté? Quels sont les mots exacts que vous avez utilisés? Pourriez-vous les répéter, s’il vous plaît?

La sénatrice Wallin : Je suis désolée. Je ne comprends pas bien la question. Que demandez-vous?

La sénatrice Ringuette : Au début du rapport, sénatrice Wallin, vous semblez avoir indiqué, sans aucune compétence ni preuve — j’étais là en tant que membre du comité —, que ce projet de loi était la copie conforme de la Perishable Agricultural Commodities Act. Pourriez-vous nous relire cette partie, s’il vous plaît?

La sénatrice Wallin : Je pense qu’il y a une référence à la loi miroir américaine dans le libellé qui a été utilisé.

La sénatrice Ringuette : Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit au début de votre discours à ce sujet?

La sénatrice Wallin : Voulez-vous que je le relise?

La sénatrice Ringuette : Je veux que vous lisiez le début, sénatrice Wallin.

La sénatrice Wallin : J’ai dit :

J’ai l’honneur de présenter le 16e rapport du Comité sénatorial permanent [...]

 — etc.

Nous avons entendu 18 témoins [...] au cours de quatre réunions. Le Comité a reçu huit mémoires [...] Notre comité a entendu des producteurs de fruits et légumes [...]

 — et j’ai ensuite énuméré la longue liste des gens qui ont témoigné, notamment des personnes qui connaissent bien la Perishable Agricultural Commodities Act.

Nous avons également entendu des représentants [du gouvernement] le porte-parole du projet de loi au Sénat [...] le parrain à la Chambre des communes [...]

[...] des représentants du gouvernement sont revenus répondre aux questions [...] Tout au long de nos réunions, une certaine confusion a régné quant à savoir qui serait couvert par la loi [...] ainsi que sur l’historique des relations commerciales canado-américaines sur la question de la protection réciproque pour les producteurs de fruits et légumes périssables.

Le Comité a entendu des témoignages convaincants [...] Ron Lemaire, président de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes [...]

 — Je suis essentiellement en train de tout relire, —

[...] a déclaré que le mécanisme de protection contre la faillite prévu dans le projet de loi créerait « un outil essentiel adapté aux besoins pour une industrie unique qui n’est actuellement pas protégée. » [...]

En 2014, les États-Unis ont suspendu l’accès des producteurs canadiens de fruits et légumes aux mécanismes de protection contre la faillite [...], laissant les producteurs [...] impuissants face aux payeurs insolvables dans [le] marché [américain].

Le sénateur Varone a proposé deux amendements [...]

[...] d’autres témoins ont affirmé [qu’]amender le projet de loi mettrait en péril son adoption et pourrait potentiellement diminuer la réciprocité de la loi miroir des États-Unis.

Nos collègues du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes nous ont [demandé] la semaine dernière [...]

 — d’adopter le projet de loi sans amendement.

Ensuite, j’ai dit que, pendant les débats au Sénat, mes collègues devraient bien écouter les autres discours qui seront prononcés par les membres du comité.

La sénatrice Ringuette : À moins que j’aie mal entendu, ce que vous venez de dire n’était pas la même chose que tout à l’heure. Vous avez dit que le projet de loi représentait un processus équivalent à la Perishable Agricultural Commodities Act américaine.

Sénatrice Wallin, je vérifierai les bleus et je vous reviendrai demain pour vous dire si j’avais bien compris.

La sénatrice Wallin : Je vais relire tout le paragraphe:

L’ancien président et directeur général de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes a déclaré que le projet de loi ouvrirait la voie au rétablissement de la protection financière des producteurs canadiens en vertu de la loi américaine sur les produits agricoles périssables [...]

 — c’est ce qu’on nous a dit, que les Américains allaient rétablir cette mesure.

Si je reviens à ce que j’ai dit dans mon discours :

En 2014, les États-Unis ont suspendu l’accès des producteurs canadiens de fruits et légumes aux mécanismes de protection contre la faillite prévus par cette loi, laissant les producteurs [...] impuissants face aux payeurs insolvables dans [le] marché [américain].

C’est mot pour mot le texte que j’ai lu pendant mon discours.

Merci.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à ce rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Pour les raisons que je vais expliquer, je pense que les amendements proposés par certains membres du comité sapent indubitablement les objectifs principaux du projet de loi.

Le projet de loi C-280, Loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais, a franchi l’étape de la troisième lecture aux Communes, sans amendement. Il a reçu un appui quasi unanime des députés, qui l’ont adopté par 320 voix contre 1. Ce projet de loi a été présenté avec deux objectifs fondamentaux.

Le premier de ces objectifs est de combler les lacunes de la législation canadienne en matière de faillite afin de garantir que les vendeurs canadiens de fruits et légumes frais bénéficient d’un statut prioritaire lors des procédures de faillite et d’insolvabilité. La Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies prévoient déjà des mesures visant à donner aux producteurs agricoles un statut prioritaire au cours de ces procédures, en reconnaissance de leur importance dans l’alimentation des Canadiens.

Cependant, les dispositions actuelles de ces lois sur la priorité absolue et le droit de possession pour les agriculteurs, qui visent à fournir une protection financière aux producteurs agricoles, ne sont pas adéquates pour les producteurs de fruits et légumes frais en cas d’insolvabilité de leurs acheteurs. La reprise de possession est rarement possible, car les produits frais se gâtent rapidement, sont vendus aux consommateurs en peu de temps ou sont incorporés dans d’autres produits. En outre, le délai de 15 jours prévu par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité est trop court pour un secteur où les délais de paiement sont généralement de 30 jours ou plus, bien après que le produit a été vendu, transformé ou consommé par les consommateurs.

À cause de cela, les producteurs canadiens de fruits et de légumes essuient des pertes considérables, et parfois insurmontables, quand un acheteur déclare faillite. Ils doivent faire la file avec tous les autres créanciers pour obtenir un paiement, et, trop souvent, les vendeurs de fruits et de légumes doivent renoncer à leur dû.

Ces faillites ont des répercussions en cascade dans le secteur. Elles placent les agriculteurs et les autres vendeurs de fruits et de légumes dans des situations difficiles et elles limitent leur capacité de développer leur activité, d’innover et de prendre de l’expansion, puisque, par nécessité, ils deviennent peu enclins à courir des risques de crainte de perdre eux aussi leur entreprise quand un vendeur devient soudainement insolvable ou fait faillite.

En établissant une fiducie réputée limitée pour le secteur, le projet de loi C-280 comblerait cette lacune et mettrait les vendeurs canadiens de fruits et de légumes sur un pied d’égalité avec les autres producteurs agricoles en tant que créanciers dans le cadre des procédures de faillite. Certains sénateurs ont exprimé des préoccupations au Comité des banques concernant l’utilisation d’un mécanisme de fiducie réputée pour régler le problème de l’absence de protection financière pour les producteurs de fruits et de légumes frais.

Le secteur des fruits et des légumes a ceci d’unique qu’il n’a pas les garanties supplémentaires dont bénéficient d’autres secteurs de l’agriculture. La plupart sont couverts par les dispositions existantes, mais la plupart des autres secteurs bénéficient de protections supplémentaires, comme le système de gestion de l’offre pour les produits laitiers et la volaille, les titres détenus par la Commission canadienne des grains et d’autres programmes gérés par les provinces.

Outre la fiducie réputée limitée, des groupes de travail fédéral-provinciaux ont déjà étudié d’autres modèles de projection financière dans le passé, dont les groupements d’assureurs, les centres d’échange, l’affacturage et les fonds communs de placement. Ils en sont venus à la conclusion qu’aucune de ces mesures ne permet d’avoir un coût concurrentiel, un impact sur les marchés, un accès pour les acheteurs et les vendeurs ou une applicabilité aux réalités des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis.

Ce qui nous amène au deuxième objectif du projet de loi C-280 : rétablir l’accès préférentiel des vendeurs canadiens de fruits et de légumes en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act du département américain de l’Agriculture. Il s’agit d’un mécanisme de fiducie réputée et de règlement des différends utilisé par nos exportateurs de fruits et de légumes, mais les États-Unis ont retiré aux Canadiens la capacité de recourir à la Perishable Agricultural Commodities Act en 2014. Même s’il existe un système de résolution des différends au Canada, il ne comporte aucune forme de protection financière, comme une fiducie réputée par exemple. Depuis que cet accès réciproque a été annulé, les exportateurs canadiens de fruits et légumes doivent maintenant verser une caution équivalant à 200 % de la valeur de leurs produits exportés pour être couverts par la Perishable Agricultural Commodities Act, ce qui est hors de portée de la plupart des producteurs du pays. Par conséquent, lorsqu’un vendeur américain fait faillite, les producteurs canadiens qui exportent perdent tout, contrairement à leurs homologues américains.

(1610)

Honorables sénateurs, cela nous amène aux amendements proposés par le Comité permanent des banques, du commerce et de l’économie, qui risquent de miner les principaux objectifs du projet de loi. Ces amendements restreignent l’accès au mécanisme de protection financière prévu dans le projet de loi aux agriculteurs ou aux détaillants, soit ceux qui achètent des fruits et des légumes directement d’un agriculteur pour les revendre. En limitant l’accès à la protection financière uniquement au premier niveau de vente, ces modifications ne tiennent pas compte du fait que les faillites touchent l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et du marché, y compris les producteurs et les distributeurs, et qu’une foule d’intervenants participent à la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais, de la ferme à la table.

Les agriculteurs et les producteurs ne vendent généralement pas directement aux magasins de détail; d’autres s’en chargent. Les entreprises de conditionnement, les grossistes et les courtiers jouent le rôle essentiel d’intermédiaires entre les producteurs et les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie et de la vente au détail. Il est essentiel qu’ils bénéficient tous de la protection financière prévue à l’origine par le projet de loi C-280, afin de garantir que les paiements descendent la chaîne et, en fin de compte, parviennent aux agriculteurs. C’était le premier objectif du projet de loi.

Ces amendements signifient également que le projet de loi C-280 ne remplit plus les critères fixés par les États-Unis pour rétablir l’accès préférentiel du Canada aux protections offertes par la Perishable Agricultural Commodities Act.

Le département américain de l’Agriculture a été très clair sur les conditions du rétablissement de l’accès des producteurs canadiens à la Perishable Agricultural Commodities Act. Lors des réunions multipartites de l’été 2023 avec des sénateurs et des députés au sujet du projet de loi C-280, on a affirmé que la disposition en suspens qui restait était la suivante :

[...] la création d’un système de fiducie réputée similaire au Canada, qui permettrait d’obtenir des résultats comparables à ceux de la fiducie de la Perishable Agricultural Commodities Act pour tous les détaillants de fruits et légumes.

En limitant ces protections aux seuls agriculteurs et détaillants, le projet de loi n’offrirait pas un système comparable à celui qui existe aux États-Unis. En effet, ces amendements signifieraient sans aucun doute que la Perishable Agricultural Commodities Act ne serait pas rétablie pour les exportateurs canadiens, ce qui continuerait à exposer les agriculteurs canadiens à des risques accrus et inutiles.

En fait, dans une lettre adressée à la Western Growers Association au début du mois, Bruce Summers, administrateur du département de l’Agriculture des États-Unis, a comparé les amendements proposés au projet de loi C-280 à ceux du système américain en soulignant que les amendements étaient « sensiblement différents » de la Perishable Agricultural Commodities Act.

J’ajouterai également, honorables sénateurs, que le comité s’est fait mettre en garde à plusieurs reprises au sujet de l’effet de ces amendements, non seulement par des représentants de l’industrie et des experts en commerce, mais aussi par les propres fonctionnaires du gouvernement, qui ont averti le comité que les amendements proposés allaient réduire la probabilité que la Perishable Agricultural Commodities Act soit rétablie. L’un des objectifs fondamentaux du projet de loi est justement de rétablir la réciprocité avec le système américain, afin que nos agriculteurs bénéficient de cette protection cruciale. Le rapport du comité garantit pratiquement l’annulation de cette probabilité.

Je souhaite également répondre à d’autres commentaires formulés par certains sénateurs au sujet de ce projet de loi, notamment concernant le fait que les agriculteurs auraient plus difficilement accès au crédit s’ils bénéficiaient d’un statut de créancier prioritaire dans le cadre d’une fiducie réputée. Cette affirmation est tout simplement infondée. La fiducie réputée est prévue dans la Perishable Agricultural Commodities Act depuis 40 ans et elle s’est avérée positive pour les producteurs et les entreprises de conditionnement de l’industrie des fruits et légumes frais, ainsi que pour les banquiers qui financent ces secteurs. En effet, une fiducie réputée modifie simplement le calcul de la garantie disponible pour le créancier. Grâce à la fiducie réputée, la garantie est moins grande pour l’acheteur et plus grande pour le vendeur. Les créanciers peuvent prendre des décisions appropriées en matière de prêt à la lumière de ces calculs. En rendant les paiements plus prévisibles tout au long de la chaîne de valeur, de l’agriculteur au détaillant, la fiducie réputée permet aux prêteurs de prévoir plus facilement les rentrées de fonds pour rembourser les prêts à chaque maillon de la chaîne de valeur. Une prévisibilité accrue facilite l’octroi de prêts, au lieu de le rendre plus difficile.

Il est important de noter que la possibilité de restreindre la portée de l’application du projet de loi au premier niveau de vente, comme le proposent les amendements, a été envisagée à l’autre endroit. Cependant, des témoins et des mémoires ont souligné qu’il était essentiel de protéger tous les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais afin de maintenir la stabilité du marché, et que limiter la définition de « fournisseur » empêcherait le Canada d’obtenir le rétablissement de la protection réciproque pour les vendeurs canadiens. Les amendements du comité ne constituent pas une nouveauté. Ils ne sont pas étonnants de la part des sénateurs. La portée de l’application a été examinée à la Chambre et, pour les raisons que j’ai exposées, les députés ont finalement refusé de proposer des amendements. Je vous rappelle que la Chambre élue a adopté le projet de loi dans une proportion de 320 contre 1 et que le premier ministre et l’ensemble du Cabinet ont voté en faveur de ce dernier.

Nos producteurs de fruits et légumes jouent un rôle essentiel dans l’approvisionnement de nos familles et de nos collectivités en fruits et légumes nutritifs, mais ils sont soumis actuellement à des risques particuliers et accrus en raison de la nature périssable de leur produit et du manque de réciprocité avec le système américain. Le projet de loi C-280 donne simplement à nos agriculteurs et aux autres membres de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais une chance plus équitable d’être payés advenant qu’un acheteur fasse faillite. Il n’y a pas de fardeau pour le gouvernement ou le contribuable, il s’agit plutôt d’un transfert de coûts d’une partie prenante à une autre.

Je pense que les agriculteurs ne devraient plus assumer ce coût, car il a des répercussions sur l’économie et la sécurité alimentaire du Canada. Les prêteurs sont bien mieux placés pour absorber l’incidence distributive d’une fiducie réputée que les petits agriculteurs et producteurs et les autres vendeurs de fruits et légumes qui sont déjà soumis à des pressions de toutes parts.

Pour terminer, j’exhorte les sénateurs à rejeter le rapport. Nous avons l’obligation de veiller à ce que les lois canadiennes sur la faillite soient équitables et adaptées à leur objectif. Les producteurs de fruits et légumes frais de notre pays devraient avoir la certitude qu’ils seront payés pour les produits qu’ils cultivent, tout comme le reste de l’industrie devrait pouvoir compter sur la stabilité de son marché sans craindre des pertes insurmontables causées par des lacunes dans nos règles sur les faillites.

C’est le problème que le projet de loi C-280 propose de régler, et je crois que même s’ils partent peut-être d’une bonne intention, les amendements contenus dans le rapport du comité annulent les objectifs principaux du projet de loi. Il faudrait rejeter le projet de loi amendé et adopter le projet de loi dans sa forme originale. Merci.

Une voix : Bravo!

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur MacDonald, je vous remercie pour votre discours. Vous avez dit qu’il devrait être plus facile — et non plus difficile — pour les prêteurs d’accorder des prêts. Ne convenez-vous pas qu’il existe un risque accru parce que les créances des prêteurs garantis risquent d’être subordonnées? Si leurs créances sont subordonnées, pourquoi serait-il plus facile de prêter?

Le sénateur MacDonald : Sénateur Loffreda, voici comment je vois les choses. Bien entendu, il y a un risque le long de la chaîne, mais lorsqu’on examine l’histoire du système bancaire et du secteur agricole au Canada, il faut se demander combien d’agriculteurs ont perdu leur ferme ou ont fait faillite à cause de décisions prises par les banques, et combien de banques ont fait faillite à cause des agriculteurs. Voilà comment je vois les choses.

Les banques devraient être prêtes à participer au risque de la chaîne d’approvisionnement beaucoup plus que les agriculteurs. Voilà pourquoi j’appuie ce projet de loi.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Loffreda : Je suis d’accord. Nous appuyons tous nos agriculteurs. Nous avons de l’empathie et de la compassion pour eux. Ils fournissent ce qui est vital à chacun d’entre nous. Toutefois, si l’on regarde le secteur bancaire, tout repose sur des risques et des rendements. Plus le risque est élevé, plus le rendement l’est aussi. Donc, si le risque est accru — et bon nombre de nos témoins ont convenu que le risque pour les banques sera accru parce qu’elles seront maintenant subordonnées — eh bien, les taux d’intérêt pourraient être plus élevés.

Ne craignez-vous pas que la hausse des taux d’intérêt se traduise par une augmentation du prix des fruits et des légumes pour les consommateurs? Ces coûts seront-ils absorbés par les agriculteurs ou seront-ils refilés aux consommateurs? Je suis simplement préoccupé par votre affirmation selon laquelle il sera plus facile d’accorder des prêts aux agriculteurs. Je n’en suis pas convaincu. Je suis même certain qu’il ne sera pas plus facile de prêter de l’argent aux agriculteurs. J’en suis certain.

Son Honneur la Présidente : Sénateur MacDonald, je voulais juste vous mentionner que votre temps de parole est presque écoulé.

Voulez-vous plus de temps pour répondre à la question?

(1620)

Le sénateur MacDonald : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Le sénateur MacDonald : Sénateur, si les agriculteurs avaient des inquiétudes à propos des taux d’intérêt et de l’augmentation des prix, je pense qu’ils les auraient exprimées clairement.

Une voix : Bravo.

Le sénateur MacDonald : Ils ne l’ont pas fait. La question pour nous est très simple : sommes-nous du côté des agriculteurs ou du côté des banques?

L’honorable Robert Black : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour vous exhorter à rejeter les amendements proposés par le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.

Comme nous l’avons déjà vu aujourd’hui, ces amendements portent gravement atteinte aux objectifs fondamentaux de cet important projet de loi, qui a été adopté presque à l’unanimité à la Chambre des communes.

J’aimerais citer un extrait d’une lettre envoyée par l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes. Cette Association travaille avec diligence au nom de l’industrie des fruits et légumes frais partout au Canada. Je suis sûr que bon nombre d’entre vous ont reçu des lettres semblables, mais je tiens à faire part de ces préoccupations au Sénat. J’espère que mes honorables collègues les écouteront et rejetteront le rapport du comité.

Avant de commencer, je tiens à mentionner que la lettre a été signée par les organisations suivantes : la Fédération canadienne de l’agriculture, l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, les Producteurs de fruits et légumes du Canada, l’Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l’Ontario, l’Association des producteurs maraîchers du Québec, l’Association québécoise de la distribution de fruits et légumes, le Blueberry Council de la Colombie-Britannique, l’association des producteurs fruitiers de la Colombie-Britannique, l’association des serristes de la Colombie-Britannique, les producteurs de légumes frais de l’Ontario, la Holland Marsh Grower’s Association, Horticulture Nouvelle-Écosse, l’organisation Keystone Agricultural Producers du Manitoba, l’association des producteurs fruitiers de Norfolk, les pomiculteurs de l’Ontario, les producteurs d’asperges de l’Ontario, les producteurs de petits fruits de l’Ontario, l’Ontario Potato Board, les producteurs de légumes de serre de l’Ontario, l’association d’horticulture de l’Île-du-Prince-Édouard, l’office de la pomme de terre de l’Île-du-Prince-Édouard, les producteurs de pommes de terre de l’Alberta, Pommes de terre Nouveau-Brunswick, les Producteurs de pommes du Québec, l’association des producteurs de légumes de la Saskatchewan, ainsi que d’autres organisations.

Voici maintenant des extraits de la lettre :

Il est essentiel de souligner le rôle crucial du projet de loi C-280, qui vise à établir une protection financière pour tous les vendeurs de fruits et légumes. Cette protection favoriserait un environnement d’équité sur le marché, soutiendrait la stabilité au sein de nos chaînes d’approvisionnement et renforcerait la résilience de notre secteur agricole.

En effet, la protection de tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement, des producteurs aux distributeurs, soutient non seulement notre secteur national, mais encourage également le commerce international, ce qui renforce la position du Canada sur le marché mondial.

En vertu des dispositions initiales du projet de loi C-280, tous les fournisseurs profiteraient (ou non) de la même manière des « actifs détenus en fiducie » d’une société insolvable, et tous les fournisseurs y auraient un accès égal, au prorata.

Les modifications proposées au projet de loi C-280 limiteraient dans les faits l’accès à la protection au premier niveau de vente, ce qui va à l’encontre de l’objectif de la loi visant à promouvoir les pratiques commerciales équitables et à renforcer la stabilité du marché dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des fruits et légumes frais.

La lettre se poursuit ainsi :

Plus grave encore, limiter la portée de la protection offerte par le projet de loi C-280, comme dans les modifications proposées, ne créerait pas une protection équivalente à celle offerte au secteur américain en vertu de la loi américaine Perishable Agricultural Commodities Act (PACA), et serait donc inférieure à ce qui est nécessaire pour obtenir le rétablissement de l’accès préférentiel des vendeurs de fruits et légumes canadiens au mécanisme américain de règlement des différends pour les fruits et légumes frais en vertu de la PACA — un objectif fondamental de la loi initiale.

L’accès préférentiel à la PACA, dont bénéficiaient les vendeurs de fruits et légumes canadiens jusqu’en 2014, est un outil financier important pour permettre aux producteurs et aux expéditeurs canadiens d’exporter des fruits et légumes vers notre plus grand partenaire commercial avec l’assurance d’un traitement équitable qui ne les freine pas financièrement en cas de litige avec des acheteurs américains.

Les représentants du ministère de l’Agriculture des États-Unis ont confirmé qu’un mécanisme de protection financière canadien équivalent à la PACA, qui couvre tous les fournisseurs de la chaîne, est la seule exigence qui reste au Canada pour obtenir le rétablissement de l’accès préférentiel à la PACA.

Le projet de loi C-280 initial, non modifié, répondrait à ces critères.

Les amendements proposés par le Comité sénatorial des banques ne reflètent tout simplement pas l’interconnexion de la chaîne qui assure l’approvisionnement en fruits et légumes frais de la ferme à la table.

Contrairement à la croyance populaire, les producteurs ne vendent généralement pas directement aux magasins de détail.

Les emballeurs, les grossistes, les courtiers et les autres agissent comme intermédiaires essentiels entre les producteurs, les détaillants et les services alimentaires, et il faut qu’ils reçoivent la protection nécessaire pour s’assurer que les paiements circulent le long de la chaîne et, au bout du compte, vers les producteurs.

Chers collègues, nos producteurs partout au pays sont de fervents partisans du projet de loi C-280 original et demandent instamment à tous les sénateurs de rejeter les amendements proposés par le Comité des banques, d’adopter le projet de loi à l’étape du rapport et de le faire passer, non modifié, à l’étape de la troisième lecture.

Il est important que nous adoptions ce projet de loi dans les plus brefs délais. Comme nous l’avons vu avec d’autres projets de loi que le Sénat a amendés, notamment le projet de loi C-234, ou même le projet de loi C-275, l’amendement du projet de loi retardera inévitablement son adoption et aboutira probablement à sa mort au Feuilleton.

Chers collègues, le secteur agricole perçoit négativement cette vénérable Chambre en raison des amendements proposés à de nombreuses mesures législatives qui le touchent. C’est particulièrement décourageant pour ceux qui travaillent dur pour représenter l’industrie agricole, et cela devrait également préoccuper tous mes honorables collègues ici, au Sénat, quand on dit, au sein de la population, que nous sommes hostiles à l’agriculture.

Je demande à mes collègues, en tant que sénateur d’un milieu agricole et défenseur de longue date de l’agriculture, de voter contre le rapport du comité. Je vous exhorte à adopter le projet de loi sans amendement. Faisons en sorte que l’étape du rapport du comité et la troisième lecture soient terminées le plus rapidement possible afin que le projet de loi puisse recevoir la sanction royale avant le congé de Noël.

Nous connaissons tous le climat politique actuel. Le secteur attend l’adoption de ce projet de loi depuis presque 10 ans. Ne le faisons pas attendre plus longtemps.

Je vous remercie. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Ringuette : Le sénateur Black accepterait-il de répondre à quelques questions?

Le sénateur Black : Non.

La sénatrice Ringuette : Non? Merci.

L’honorable Toni Varone : Honorables sénateurs, je prends la parole sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, qui vit sur cette terre depuis des temps immémoriaux.

Je suis reconnaissant d’avoir l’occasion de discuter du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).

Je tiens à remercier sincèrement mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants — les sénateurs Loffreda, Yussuff, McNair, Ringuette et Massicotte — pour leur soutien indéfectible tout au long de l’étude de ce projet de loi crucial. En outre, j’apprécie les contributions du sénateur Fridhandler, du Groupe progressiste du Sénat et de la sénatrice Robinson, du Groupe des sénateurs canadiens, qui ont tous deux apporté une sagesse et une réflexion précieuses à nos discussions.

Mon expérience du droit de la faillite est considérable, en particulier parce que j’ai collaboré avec des administrateurs judiciaires afin de relancer des projets de construction en défaut de paiement. C’est de ce point de vue que j’ai observé l’autorité considérable exercée par les syndics de faillite et les administrateurs judiciaires. Souvent, ce pouvoir est exercé au détriment de toutes les parties prenantes tout au long de la chaîne d’approvisionnement, ces agents financiers assumant le rôle de créanciers super-prioritaires, se plaçant au-dessus de tous les autres dans la hiérarchie des créances de la faillite.

Je tiens à préciser que je suis entrepreneur en construction résidentielle. J’ai passé 40 ans dans ce secteur et j’en suis fier. Je n’ai jamais eu de retard de paiement et je n’ai jamais fait faillite. J’ai protégé mes gens de métier et je les ai adulés, car ils sont l’élément vital du secteur — même les plombiers.

Cependant, sénateurs, ce n’est là qu’une partie de mon histoire personnelle. Je suis toujours propriétaire d’une entreprise de restauration tout aussi importante, qui compte quelque 250 employés. Nous sommes spécialisés dans les services de traiteur à grande échelle, et, oui, j’ai de l’expérience concrète dans l’achat de fruits et légumes frais auprès des agriculteurs de l’Ontario et du Marché des produits alimentaires de l’Ontario. Je suis en relation directe et respectueuse avec les agriculteurs et les négociants depuis 50 ans.

Après avoir analysé le libellé original du projet de loi C-280, il m’est apparu que les dispositions n’étaient pas assez claires. En fait, le projet de loi C-280, tel qu’il a été présenté à l’origine, n’est rien d’autre qu’un hologramme qui me rappelle la célèbre citation de Shakespeare dans Macbeth :

[...] pleines de bruit et de fureur,

Qui ne signifient rien.

(1630)

Les agriculteurs canadiens ont besoin d’une protection en bonne et due forme, et ce projet de loi, dans sa version initiale, ne fera rien pour les protéger. En fait, même dans sa version amendée, le projet de loi exige que l’industrie canadienne soit plus proactive pour se protéger contre les mauvais acteurs.

Les États-Unis ont bien fait les choses. Ils ont un cadre législatif sur les fiducies, mais ils l’utilisent comme un moyen dissuasif et non comme une arme, et son intégration dans la hiérarchie des faillites est judicieuse. L’industrie étatsunienne s’est mieux outillée pour faire face aux mauvais acteurs sans avoir à recourir aux tribunaux.

Selon mes interprétations initiales, bien des gens, moi y compris, ont cru que l’intention était d’élever, dans les dispositions canadiennes sur la faillite, les producteurs de fruits et légumes frais au statut de créancier réputé. Il est essentiel de préciser que le statut de fiducie réputée au Canada a un poids important et qu’il est depuis toujours réservé aux employés canadiens et à leurs cotisations au Régime de pensions du Canada, ou RPC, et à l’assurance-chômage. Tout rabaissement de ce statut constituerait une grave injustice pour l’ensemble des travailleurs, dans tous les secteurs du pays. Il est essentiel d’aborder toute modification concernant la catégorie de fiducie réputée avec la plus grande prudence.

En y regardant de plus près, je me suis rendu compte que le libellé du projet de loi C-280 n’apportait pas l’élévation recherchée. Le libellé exact indique que les actifs sont « réputés être détenus en fiducie », ce qui s’écarte considérablement de la déclaration définitive d’établissement d’une fiducie réputée.

En comparant nos lois avec celles de nos homologues américains, on trouve certaines similitudes dans la hiérarchie des faillites. Les États-Unis disposent d’une catégorie de super-priorité réservée aux fiduciaires et séquestres de faillite. Toutefois, ils ne disposent pas d’une catégorie de fiducie réputée comme celle qui est établie au Canada. Cette catégorie est propre à la loi canadienne sur les faillites et, comme on l’a indiqué précédemment, elle sert à protéger tous les employés au Canada. Les Américains intègrent les fiducies dans la hiérarchie des faillites, mais ils le font en les classant dans une catégorie différente, celle des créanciers garantis. Cette classification offre à leurs agriculteurs des protections mesurées, ce qui les place dans une position avantageuse par rapport aux autres créanciers.

Il m’apparaît maintenant évident que le projet de loi C-280 nécessite deux amendements distincts.

Premièrement, la définition du terme « fournisseur » doit être affinée afin d’englober avec précision les agriculteurs et les négociants du marché primaire dont les intérêts sont en jeu en cas de faillite. Sans cette définition du terme « fournisseur », tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, y compris Loblaws, Sobeys et Costco, qui n’ont pas besoin de protection, seront indûment protégés au détriment des travailleurs canadiens.

Deuxièmement, nous devons évaluer la position des agriculteurs dans la hiérarchie de la protection de la loi sur la faillite pour qu’ils soient traités de manière comparable à leurs homologues aux États-Unis. Il s’agit de protéger les agriculteurs canadiens à titre de créanciers garantis, comme le sont les Américains, mais sans toucher à la catégorie particulière de la fiducie réputée. C’est dans cet esprit que j’ai proposé deux amendements au projet de loi, qui ont tous les deux ont été adoptés par sept voix contre quatre.

Ces amendements au projet de loi C-280 représentent un pas encourageant dans le sens d’une véritable réciprocité avec les États-Unis. Cependant, nous devons reconnaître que, à elles seules, ces améliorations sont insuffisantes pour faire franchir aux agriculteurs la ligne d’arrivée de la réciprocité.

Dans son libellé original, le projet de loi C-280 ne répond pas aux besoins des agriculteurs. Avec les amendements, nous commençons à réparer ce qu’exige la loi pour les protéger. Les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas fourni de feuille de route à leur intention, non seulement dans la loi sur la faillite, mais aussi au moyen de lois plus efficaces qui codifieraient une protection en bonne et due forme pour les agriculteurs d’ici.

Je m’explique. Nous devons nous pencher plus avant sur les aspects fondamentaux de cette question. Aux États-Unis, les activités sont menées sous le régime de la Perishable Agricultural Commodities Act, une loi qui régit judicieusement la commercialisation des fruits et légumes frais et congelés. Celle-ci a été adoptée pour encourager les pratiques commerciales équitables ainsi que pour protéger les droits tant des expéditeurs que des vendeurs et des acheteurs. Le Canada n’a pas de loi équivalente. Ce qui remplit le rôle de la Perishable Agricultural Commodities Act au Canada, c’est l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes. Sur le plan de la portée et de l’application, les deux structures n’ont aucune commune mesure.

La Perishable Agricultural Commodities Act, qui est administrée par le département de l’Agriculture des États-Unis, définit un cadre, elle instaure des licences pour les négociants et les courtiers, et elle permet de faire des demandes d’indemnisation pour les transactions impayées. En outre, elle comprend des dispositions qui garantissent l’indemnisation rapide des vendeurs, offrant ainsi de solides protections financières, tout cela dans le but d’éviter aux agriculteurs de se retrouver devant un tribunal de la faillite. En revanche, les activités de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes sont principalement axées sur la défense des intérêts. Il n’y a pas le même niveau de protection juridique.

Aujourd’hui, vous avez entendu des sénateurs plaider en faveur du projet de loi C-280 non amendé en prétendant qu’il mettrait les agriculteurs canadiens sur un pied d’égalité avec les Américains en cas de faillite ou d’insolvabilité dans leur chaîne d’approvisionnement.

Eh bien, sénateurs, ce n’est pas si simple. Les différences entre la protection au Canada et aux États-Unis sont alarmantes. D’un côté, les membres couverts par la Perishable Agricultural Commodities Act sont tenus d’avoir une licence. De l’autre, l’adhésion à l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes est volontaire. Dans le cas de la Perishable Agricultural Commodities Act, les membres paient des cotisations. Ces cotisations contribuent à la restitution en cas de faillite ou d’insolvabilité et elles permettent souvent des règlements à l’amiable. Pour leur part, les membres de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes ne paient pas de cotisations. Aux États-Unis, les membres ont une licence et ils se sont fait approuver. Ils doivent payer leurs factures dans un délai de 10 à 20 jours. Les retards de paiement sont réprimandés. Il n’y a pas de retardataires parce qu’ils se font expulser. C’est ainsi que fonctionnent leurs licences.

Dans le cadre de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, rien de tout cela n’existe au Canada. En fait, nous avons entendu des témoignages selon lesquels l’atténuation du crédit ou les délais atteignent souvent 90 à 120 jours. Les agriculteurs d’ici ont besoin d’une protection réelle, et non d’un faux-semblant. Pour que la réciprocité soit intégrée dans le tissu des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, le Canada doit remédier aux lacunes inhérentes à son cadre structurel. L’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes doit être réévaluée pour devenir un organisme d’agrément plutôt qu’une organisation à adhésion volontaire. Le renforcement des normes réglementaires, la prise en compte de l’atténuation du crédit et la mise en place de mécanismes d’autorégulation sont autant d’éléments indispensables à la réussite d’un accord réciproque avec les États-Unis.

En conclusion, le projet de loi C-280 amendé fournit une protection juste et mesurée aux agriculteurs d’ici, mais j’affirme respectueusement qu’un véritable progrès vers la réciprocité entre les deux pays dépend maintenant d’une refonte de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et de son approche à l’égard des défis du secteur agricole. Ce n’est qu’en répondant à ces préoccupations cruciales que le département américain de l’Agriculture envisagera un accord de réciprocité avec le Canada.

Ensemble, il est de notre devoir de veiller à ce que les voix des agriculteurs d’ici soient entendues, que leurs intérêts soient protégés et qu’un cadre qui reconnaît leurs contributions vitales à notre économie soit établi. Le projet de loi C-280 amendé amorce ce processus, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Scott Tannas : Sénateur Varone, merci beaucoup pour votre excellent discours. Je veux m’assurer d’avoir bien entendu, car je n’ai pas assisté aux réunions du comité et je tente de comprendre les arguments avancés. Je pense que votre position est qu’il n’y aurait pas de réciprocité. D’autres ont soutenu que le projet de loi initial permettrait une certaine réciprocité.

Or, je crois vous avoir entendu dire que ce n’est pas le cas. Pourriez-vous clarifier votre position, s’il vous plaît?

Le sénateur Varone : Merci.

Le régime de réciprocité en vigueur aux États-Unis repose sur le mode d’administration de la Perishable Agricultural Commodities Act et le mode de délivrance des permis aux marchands et aux agriculteurs qui y sont assujettis, ainsi qu’aux acheteurs des produits. Les paiements doivent se faire rapidement. Les cas de faillite ne se retrouvent pas devant les tribunaux. C’est en quelque sorte une doctrine de préclusion où ce n’est pas l’épée, mais le bouclier qui compte.

À mon avis, nous faisons les choses de travers au Canada. Pour que nous puissions vraiment nous engager dans la réciprocité, nous devons procéder à une refonte de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et de son cadre juridique, puis établir un mécanisme de protection contre la faillite. Il est illusoire de croire que la faillite résoudra tout. Ce n’est pas vrai.

Le sénateur Tannas : Encore une fois, dans l’état actuel des choses, lorsque nous exportons vers les États-Unis, nos exportations ne sont pas protégées par la Perishable Agricultural Commodities Act. Lorsque les producteurs américains exportent vers le Canada, ils sont protégés par cette loi, je suppose. Je ne sais pas.

Je suis préoccupé par les exportations qui vont dans ce sens. Nous sommes probablement quelque peu vulnérables face aux négociants non couverts par la Perishable Agricultural Commodities Act qui achètent nos produits parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas soumis aux exigences de permis et à tout ce dont vous avez parlé.

(1640)

Encore une fois, si nous avons une indication que ce projet de loi original permet d’obtenir la réciprocité, il y a deux choses qui, je pense, se produiront. Premièrement, nos producteurs seront protégés par le système de la Perishable Agricultural Commodities Act. Deuxièmement, les producteurs et les détaillants américains seront vraisemblablement protégés par ce projet de loi, car il ne parle pas des États-Unis ou du Canada, mais des fournisseurs et des acheteurs.

Est-ce que j’ai raison de dire que pour les Canadiens, il y aurait un resserrement du crédit chez les détaillants en alimentation, où cette fiducie réputée serait établie, et dans les restaurants canadiens qui achètent des fruits et des légumes frais en hiver auprès de fournisseurs américains? Il incomberait alors à la banque de se concentrer sur ces utilisateurs finaux qui consomment des produits américains au Canada. C’est là que se poserait la question du crédit dont a parlé le sénateur Loffreda. Il y aurait ce problème d’accessibilité du crédit, mais ce que nous obtenons en retour, c’est la protection de nos propres agriculteurs. Je ne sais pas si vous avez bien répondu à la question de savoir si le projet de loi non amendé que vous avez examiné en comité permettrait d’obtenir la réciprocité.

Le sénateur Varone : Vous soulevez un point intéressant, mais les seules personnes qui ont dit que cela aiderait les États-Unis sont les Canadiens, et non les Américains. C’est un dilemme compliqué en ce qui concerne les ventes des agriculteurs canadiens. Les agriculteurs canadiens produisent pour 3 milliards de dollars de fruits et légumes par an. En raison de nos saisons de croissance, la moitié de ces fruits et légumes, ce qui représente 1,5 milliard de dollars, est destinée à la consommation canadienne et le reste à la consommation américaine. Nous n’avons pas de région comme la Californie, qui peut cultiver des fruits et légumes 12 mois par année. Nous importons pour 6 milliards de dollars de fruits et légumes et, soyons clairs, la réciprocité...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Varone, je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Varone : J’aimerais avoir plus de temps, merci.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Varone : La réciprocité dont nous parlons signifie que pour protéger 1,5 milliard de dollars de ventes canadiennes aux États-Unis, il faut protéger les ventes des agriculteurs étatsuniens à hauteur de 6 milliards de dollars au Canada.

Son Honneur la Présidente : Comme les sénateurs ont consenti à permettre au sénateur de répondre à la question, je donne la parole au sénateur C. Deacon.

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je pense que vous savez de quoi je vais parler, à savoir le 16e rapport du Comité des banques. Il a été présenté ici, au Sénat, le mardi 5 novembre. Parallèlement, plus tard ce jour-là, les États-Uniens ont décidé de réélire le président Donald Trump.

Je prends la parole pour me prononcer contre l’adoption du rapport et de ses amendements, surtout dans le contexte des promesses qu’il faut s’attendre à voir être réalisées au cours de la prochaine administration Trump.

Lors de la renégociation de l’ALENA durant son premier mandat, le président Trump s’était concentré sur un irritant lié à l’agriculture canadienne : les produits laitiers. Cette fois-ci, il a promis d’imposer immédiatement des droits de douane sur toutes les importations aux États-Unis, et son administration qui fera passer les États-Unis en premier réexaminera l’Accord Canada—États-Unis—Mexique au plus tard en 2026. Je doute que quiconque veuille augmenter le nombre d’irritants sur sa liste.

Toutefois, le département de l’Agriculture des États-Unis est depuis longtemps irrité par le fait que le Canada n’a jamais respecté son engagement de mettre en œuvre la modification législative prévue dans le projet de loi C-280. Le projet de loi C-280 non amendé élimine cet irritant.

Tout aussi important, adopter le projet de loi C-280 non amendé permettrait aux producteurs de denrées périssables de ne plus avoir à maintenir un fonds de roulement supplémentaire pour se protéger contre les défauts de paiement lorsqu’ils exportent vers les États-Unis.

Au lieu de cela, ils pourront profiter de débouchés élargis et investir dans la résilience climatique et les innovations qui améliorent la productivité. Tout cela améliore la sécurité alimentaire du Canada. Pour gagner votre appui au rejet de ce rapport, je tiens à vous donner le contexte de la Perishable Agricultural Commodities Act du département de l’Agriculture des États-Unis. Je pense que vous en avez entendu beaucoup parler, mais je voudrais en dire un peu plus au sujet de la réponse du département de l’Agriculture aux amendements proposés dans ce rapport et, enfin, donner un aperçu des débouchés qui seront perdus si le Sénat décide d’amender le projet de loi C-280.

À partir de 1937, les producteurs canadiens de fruits et légumes périssables ont été les seuls au monde à bénéficier d’un accès préférentiel au marché américain et à être certains d’être payés pour leurs produits. À partir de 1984, cet accès préférentiel a été accordé au Canada en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act.

Cette loi permet à l’industrie des fruits et légumes frais de résoudre rapidement les cas de non-paiement. Il s’agit du système officiel de règlement des différends entre les parties — des producteurs jusqu’aux détaillants en passant par toute la chaîne d’approvisionnement —, et il montre la valeur que les États-Unis accordent au secteur des denrées périssables.

En 1984, les États-Unis ont officiellement accordé la réciprocité au Canada à condition que nous mettions en œuvre un mécanisme équivalent de protection contre l’insolvabilité pour les producteurs de fruits et légumes. Nous ne l’avons jamais fait. Par conséquent, le 1er octobre 2014, le département américain de l’Agriculture a perdu patience et a mis fin à la réciprocité avec le Canada. Cette décision administrative a aboli l’accès privilégié des agriculteurs canadiens au marché américain. Toutefois, ce privilège pourrait être rétabli par un acte administratif si nous adoptons le projet de loi C-280 sans amendement.

L’objectif principal du projet de loi C-280 est de parvenir à la réciprocité aux termes de la Perishable Agricultural Commodities Act.

En juin dernier, le sénateur Cotter a pris la parole à la Chambre haute au sujet de ce projet de loi, en tant que porte-parole amical, ainsi que devant le comité en septembre. Il nous a informés qu’au printemps dernier, un groupe de sénateurs et de députés s’est rendu à Washington, aux États-Unis, pour rencontrer les fonctionnaires du département de l’Agriculture chargés d’administrer la Perishable Agricultural Commodities Act. Ces représentants ont exprimé leur soutien à l’égard des amendements aux mesures législatives incluses dans le projet de loi C-280 et ils estimaient qu’elles permettraient d’apporter les changements administratifs nécessaires pour rétablir la réciprocité en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act.

Je cite notre honorable collègue :

D’après ce qu’on m’a décrit de vive voix [...], un règlement n’était même pas nécessaire. Il fallait juste un acte administratif de la part d’un administrateur principal.

Le projet de loi C-280, dans sa forme initiale, était suffisant pour obtenir la réciprocité aux yeux du département américain de l’Agriculture. Cependant, les amendements proposés dans le rapport du Comité des banques risquent de mettre en péril cet objectif.

Le 7 novembre, soit seulement deux jours après la présentation du rapport du Comité des banques au Sénat, un représentant du département de l’Agriculture des États-Unis — qui administre la Perishable Agricultural Commodities Act — a envoyé une lettre répondant aux questions d’une association étatsunienne de fruits et légumes concernant les amendements proposés. J’ai fait circuler cette lettre parmi les membres du Comité des banques dès que je l’ai reçue.

Le représentant du département de l’Agriculture des États-Unis a déclaré que les amendements au projet de loi C-280 limiteraient la portée des mesures de protection par rapport à celles prévues dans la Perishable Agricultural Commodities Act, ce qui annulerait probablement la réciprocité des deux mesures.

Cela a renforcé la position d’un avocat étatsunien venu témoigner devant le comité le 31 octobre. Il a déclaré que les amendements vont « modifier les personnes qui auront le droit de demander un recours. [...] cette modification porterait un coup fatal à la réciprocité ». Cela signifie que le Canada perdrait l’avantage qu’il essaie de conserver.

Chers collègues, je suis persuadé que les amendements proposés par le sénateur Varone et le Comité des banques partent d’une bonne intention. Je ne doute aucunement qu’il a proposé ces amendements afin de mieux harmoniser le projet de loi avec la Perishable Agricultural Commodities Act, mais il est clair que le département de l’Agriculture des États-Unis et un expert étatsunien ayant 40 années d’expérience avec la Perishable Agricultural Commodities Act sont en désaccord avec la position du sénateur Varone.

Par ailleurs, nous savons que tout amendement à cette étape du processus, et dans cette législature en particulier, aura pour effet de torpiller le projet de loi. Je ne pense pas que ce soit l’intention du sénateur Varone et de la plupart des membres du Comité des banques.

À mon point de vue, c’est plus que suffisant pour demander au Sénat de rejeter le seizième rapport du Comité des banques et les amendements qu’il propose au projet de loi C-280.

Chers collègues, je voudrais maintenant parler des possibilités qu’offrirait un projet de loi C-280 non amendé.

Les effets de la pandémie de COVID ont démontré l’importance primordiale de la sécurité alimentaire. Bien avant la pandémie de COVID, le rapport Barton sur l’avenir de l’agriculture au Canada suggérait déjà de moderniser la réglementation et la fiscalité afin de promouvoir l’investissement et l’innovation, d’ouvrir des perspectives de croissance dans le secteur et de favoriser la création de valeur ajoutée dans l’agriculture canadienne.

Le rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts sur l’agriculture à valeur ajoutée, publié en juin 2019, comprend des données montrant que les Pays-Bas produisent 72 fois plus de valeur à l’exportation par acre de terre arable que le Canada. Leurs efforts collectifs découlent de leur détermination à ne plus jamais être confrontés à l’insécurité alimentaire qui a dévasté leur population pendant la Deuxième Guerre mondiale. À l’inverse, il arrive trop souvent que le Canada vende ses produits agricoles avant d’en avoir optimisé la valeur, ce qui nuit à la rentabilité et à la viabilité de l’industrie.

(1650)

Pour changer cette situation, il est essentiel d’accroître les investissements des entreprises dans le secteur agricole.

À ces risques s’ajoutent des événements climatiques de plus en plus redoutables. À eux seuls, ils constituent une excellente raison de prioriser les efforts qui augmenteront la résilience de la production alimentaire intérieure du Canada, en particulier en utilisant des méthodes sans frais et axées sur le marché comme celles permises par le projet de loi C-280. Pensons aux pertes de 1 milliard de dollars causées il y a trois ans par la rivière atmosphérique de pluie et les inondations catastrophiques qui ont dévasté la prairie Sumas de la vallée du bas Fraser, le cœur du secteur agricole de la Colombie-Britannique.

L’accès aux marchés et aux paiements garantis, conformément à ce qui est prévu dans le projet de loi C-280, permet aux entreprises d’augmenter leurs investissements, et ces investissements font augmenter l’innovation et la productivité. Permettez-moi de vous donner un exemple canadien de ce genre d’innovation, à laquelle nous devons accorder la priorité.

Il y a environ une quinzaine d’années, les avancées technologiques ont atteint un point où l’agriculture en environnement contrôlé pouvait être économiquement viable. C’est ce qu’on appelle une « ferme intérieure » ou une « ferme verticale », où un éclairage à DEL et la robotique peuvent perturber l’agriculture traditionnelle en étant bien plus respectueux de l’environnement, de meilleure qualité et exercé juste à côté des grands marchés.

En juillet 2018, la sénatrice Coyle et moi-même avons visité TruLeaf, une entreprise qui construisait une installation du genre à Truro, en Nouvelle-Écosse. En mars 2019, l’ensemble du comité de l’agriculture a visité le premier grand site de production de l’entreprise à Guelph, en Ontario. À ce moment-là, le contrôle de l’entreprise était passé aux mains de McCain et le nom avait été changé pour GoodLeaf. Des dizaines de millions de dollars ont été investis pour construire d’autres installations à Calgary et à Montréal.

Traditionnellement, plus de 90 % des légumes feuillus achetés par les consommateurs canadiens sont cultivés en Californie ou en Arizona et parcourent en moyenne 4 000 kilomètres par camion jusqu’à nous. Des investissements considérables sont nécessaires pour développer une production locale qui permette de livrer les produits frais directement de la ferme au détaillant le jour même de la récolte, 365 jours par année. Ces installations fournissent désormais des emplois à longueur d’année. Elles utilisent 95 % moins d’eau que l’agriculture traditionnelle, n’ont pas besoin de pesticides ou d’herbicides, n’entraînent pas d’écoulement de produits chimiques et produisent 39 fois plus de produits par mètre carré que l’agriculture traditionnelle. Les aliments sont plus frais et plus nutritifs.

Lorsque la sénatrice Coyle a visité avec moi le premier site de l’entreprise en 2018, elle siégeait au Comité sur l’Arctique. Depuis, un projet semblable a été élaboré à Gjoa Haven, au Nunavut, avec le soutien de la fondation Arctic Research.

Le gestionnaire du projet est cité dans un article du Globe and Mail :

« Je n’arrive pas à croire que ce n’était qu’une graine », dit-elle en se rappelant son état d’esprit lorsqu’elle a récolté sa laitue romaine. « C’était incroyable. Mon Dieu, c’était tout simplement incroyable. Son goût était tellement frais. »

Voilà ce qui se passe dans l’Arctique canadien quand nous investissons pour innover en agriculture.

Voilà le type d’innovation que nous devons promouvoir au Canada. Le meilleur moyen d’y parvenir, c’est que nos producteurs d’aliments aient accès à des marchés vigoureux et à des paiements réguliers. En tant que partisan de la concurrence qui en comprend la valeur, je pense que cela devrait être possible sans avoir à vendre son entreprise à un géant de l’industrie.

Examinons maintenant les difficultés que les producteurs canadiens de fruits et légumes périssables rencontrent dans la commercialisation de leurs produits lorsqu’ils ne peuvent pas profiter de la Perishable Agricultural Commodities Act ou PACA.

Lorsqu’il a témoigné devant le comité des banques, Quinton Woods, gestionnaire des opérations chez Gwillimdale Farms, a raconté l’épisode d’une perte financière importante subie en 2014 en raison d’un défaut de paiement de la part d’un client américain :

Nous n’avons eu d’autre choix que de lancer une plainte officielle contre cette entreprise par l’intermédiaire de la PACA aux États-Unis.

Malheureusement, le jour où nous avons déposé la plainte officielle, les États-Unis ont retiré la réciprocité pour les vendeurs canadiens. Ce changement a fait en sorte que nous étions tenus de déposer une caution équivalant au double de la valeur de notre réclamation. À l’époque, notre réclamation était de 100 000 dollars américains. Nous n’étions pas en mesure de déposer la caution requise de 200 000 dollars américains et avons été forcés de retirer notre réclamation.

Jusque-là, ils avaient déjà perdu, net, 300 000 $ US. Il a ensuite ajouté :

Si le Canada avait disposé d’un système de protection financière, nous aurions été en mesure d’aller de l’avant avec notre plainte sans être obligés de déposer une caution. Le rétablissement des protections prévues dans la PACA permettrait d’atténuer de tels risques dans l’avenir.

Les producteurs américains ne sont pas exposés à un tel risque de perte dans leur contexte national, mais les producteurs canadiens, si. Les producteurs canadiens sont donc considérablement désavantagés, puisque 40 % des fruits et légumes canadiens sont exportés vers les États-Unis. En l’absence de réciprocité dans le cadre de la loi PACA, ils doivent continuer de déposer une double caution, c’est-à-dire 200 % du montant de la facture, lorsqu’ils tentent de récupérer leur dû auprès d’un acheteur américain insolvable. Leur capacité d’investir dans leur entreprise s’en trouve donc limitée.

Les États-Unis ont indiqué qu’ils seraient prêts à cesser d’exiger une double caution si le Canada adoptait un mécanisme fiduciaire de type PACA. Le texte du projet de loi adopté par la Chambre visait à créer la réciprocité souhaitée. Malgré cela, nous avons devant nous, aujourd’hui, des propositions d’amendements qui, selon des experts américains, nuiraient à la réciprocité recherchée.

En comité, certains ont dit qu’ils croyaient que le projet de loi C-280 ferait croître le coût des emprunts pour tous les intervenants le long de la chaîne d’approvisionnement. Trois témoins ont répondu à cette préoccupation, notamment en mentionnant que cette préoccupation avait été soulevée aux États-Unis dans les années 1980. Tous ces témoins ont affirmé que la Perishable Agricultural Commodities Act avait en fait stabilisé le secteur des prêts, parce que les prêteurs savent que le vendeur des fruits et légumes, le producteur, l’emballeur et l’expéditeur sont tous sûrs, ce qui rend la chaîne d’approvisionnement plus stable à leurs yeux. De plus, comme l’a souligné un des agriculteurs devant le comité, les membres des trois principales associations ont demandé les changements législatifs proposés dans le projet de loi C-280, ce qui fait que toute inquiétude qu’il pourrait susciter concernant l’augmentation du coût des emprunts a déjà été levée.

Une autre question portait sur les raisons pour lesquelles le secteur des denrées périssables devrait profiter de manière préférentielle de ce changement législatif, en particulier dans le contexte actuel. Ma réponse est que si un secteur peut obtenir une telle réciprocité avec notre plus grand partenaire commercial sur cette question, il faut absolument l’envisager.

Chers collègues, j’espère que vous comprenez pourquoi il est essentiel que nous votions contre le rapport et que nous adoptions le projet de loi C-280 sans amendement. En ces temps de plus en plus incertains, nous devons trouver des moyens de nous aligner sur la politique commerciale des États-Unis d’une manière résiliente et conforme à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Le projet de loi C-280 est un moyen de soutenir à coût nul l’alignement bilatéral des politiques dont les producteurs de denrées alimentaires canadiens ont besoin.

Un jour, un agriculteur plein de sagesse m’a dit que les deux plus grands risques auxquels les agriculteurs sont exposés sont la météo et les hommes politiques. Chers collègues, montrons à tout le monde que c’est faux. Merci.

Le sénateur Loffreda : Sénateur Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon : Certainement.

Le sénateur Loffreda : Avec votre longue expérience, n’estimez-vous pas qu’il y a au Canada — pour répondre à la question du sénateur Tannas — l’assurance d’Exportation et développement Canada, qui permet aux exportateurs d’assurer leurs comptes débiteurs à un coût nominal de 1 %, selon le risque? Pourquoi l’assurance d’Exportation et développement Canada ne serait-elle pas une solution plus simple pour les agriculteurs qui exportent aux États-Unis? Il s’agit de 40 % des agriculteurs, comme vous l’avez mentionné. Devant le comité, des experts nous ont dit que les prêts seraient plus difficiles. Je le mentionnerai dans mon prochain discours. Il y a un risque accru pour les prêteurs. Il y a des réévaluations des politiques de crédit en jeu et une réduction possible de la disponibilité du crédit. Pourquoi l’assurance d’Exportation et développement Canada ne serait-elle pas une solution plus simple?

Vous avez dit que, si un précédent est créé, vous espérez que ce précédent s’appliquerait à tous les secteurs. Eh bien, si tous les secteurs ...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Loffreda, le temps prévu pour le débat est écoulé. Sénateur Deacon, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur C. Deacon : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Veuillez répondre à la question, sénateur Deacon.

Le sénateur C. Deacon : Merci, sénateurs. J’ai utilisé l’assurance d’Exportation et développement Canada lorsque j’étais dans le milieu des affaires. C’est un outil fantastique pour les exportations à marge de profit élevée. Cependant, pour les exportations avec des marges et des délais serrés, il faut un outil de prévention, comme la PACA. L’univers des exportateurs de produits périssables est tout à fait différent, et je les respecte vraiment quand je vois tout ce qu’ils doivent affronter. Ce n’est pas du tout la même expérience que j’ai vécue quand je vendais de l’équipement technique à forte marge de profit partout dans le monde. Il s’agit de deux réalités tout à fait distinctes. Je pense que l’assurance d’Exportation et développement Canada est mieux adaptée à mon ancienne réalité. C’est là qu’elle est plus utile. Je n’ai trouvé aucun producteur de denrées périssables qui pense avoir les moyens d’utiliser cet outil. Il n’est pas conçu pour ce secteur d’activité.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Merci. Je pense qu’un nouveau groupe de pression vient d’apparaître à Ottawa. Ce sont des banquiers faisant front commun contre l’agriculture.

(1700)

La sénatrice Batters : Ce groupe existe depuis un certain temps.

Le sénateur Plett : Il existe depuis un certain temps, sénatrice Batters? Eh bien, il est encore bien présent.

Je remercie tous mes honorables collègues qui ont pris la parole, et je vous assure que je serai très bref. Je tiens à dire que je suis d’accord avec le sénateur Varone lorsqu’il dit qu’il est temps que les agriculteurs se fassent entendre. Je ne sais pas si ce sont ses propos exacts, mais c’est essentiellement ce qu’il a dit vers la fin.

Je remercie le sénateur Varone de toute l’aide qu’il a apportée à des plombiers de partout au pays, grâce à sa formidable façon de faire des affaires. Je suis sûr que nous vous sommes également tous reconnaissants de votre appui. Je ne sais pas comment nous pourrions nous en sortir sans les sénateurs Varone, Loffreda, Massicotte, Ringuette et McNair. Nous vous sommes très reconnaissants d’être là pour nous aider, et je suis sûr que les agriculteurs vous enverront des cartes de Noël pendant les Fêtes pour vous remercier d’avoir contribué à torpiller un autre bon projet de loi.

Je suis sûr que tous les agriculteurs du pays vous en seront reconnaissants, tout comme ils remercieront le sénateur Dalphond de tenter de torpiller le projet de loi C-275. Ils sont ravis. Vous pouvez me faire confiance : tous les agriculteurs du pays vous remercient de vouloir les défendre et de les aider à votre façon. Ils n’auraient jamais pu s’en sortir sans votre aide. Malgré les intempéries, ils savent qu’ils peuvent compter sur les banquiers du Canada pour les protéger.

Chers collègues, le sénateur MacDonald a très bien expliqué, tout comme le sénateur Deacon et le sénateur Black, pourquoi il est impératif que le Sénat rejette ce rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.

Le rapport porte sur le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables). J’essaierai de ne pas trop répéter ce que le sénateur MacDonald et d’autres ont déjà dit, mais je voudrais me faire l’écho de certaines prises de position et souligner quelques points.

Qu’est-ce que ce projet de loi et quels sont ses objectifs? Tout d’abord, l’industrie réclame depuis des années la protection financière accrue prévue par le projet de loi C-280. Comme l’a expliqué le sénateur MacDonald, l’objet du projet de loi est d’établir une fiducie réputée pour les produits agricoles périssables au Canada qui donnerait la priorité aux paiements aux fournisseurs de fruits et de légumes en cas d’insolvabilité de l’acheteur. Cette protection permettrait aux agriculteurs, aux distributeurs et à tous les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement en denrées périssables de disposer d’un mécanisme sûr et fiable pour recouvrer les fonds impayés.

Deuxièmement, le projet de loi C-280 a été spécifiquement rédigé pour rétablir les conditions nécessaires au rétablissement de l’équivalent, pour les producteurs canadiens, de la Perishable Agricultural Commodities Act, comme l’ont expliqué le sénateur MacDonald et d’autres. Toutefois, certains membres du comité ont décidé de saper cette intention et de compromettre gravement la capacité du Canada d’obtenir le statut de partenaire commercial privilégié dont il a tant besoin auprès des États-Unis. Malheureusement, ces amendements ont fait en sorte que le projet de loi rate ces deux objectifs et est vidé de sa substance.

Chers collègues, si on renvoie le projet de loi modifié à la Chambre dans ce climat — et le sénateur Deacon a tout à fait raison —, il n’a aucune chance de devenir une loi. Si telle est votre intention, ayez au moins le courage, chers collègues, de dire que vous voulez torpiller le projet de loi, car c’est ce qui arrivera, sénateurs Varone, Loffreda et compagnie, si le projet de loi est renvoyé à la Chambre. Le sénateur Deacon affirme que les amendements découlent de bonnes intentions. Je suis quelque peu sceptique. Très franchement, je ne suis pas sûr que les intentions soient si bonnes. Comme je l’ai dit, je pense qu’il s’agit d’une tentative délibérée pour torpiller un bon projet de loi agricole.

Ce qui me déconcerte, chers collègues, c’est que tout cela n’est pas un oubli de la part du sénateur Varone. Le comité avait déjà été averti par les producteurs, les associations de producteurs, les distributeurs, les avocats et le ministère de l’Agriculture que l’adoption de ces amendements annulerait les conditions de réciprocité prévues par le projet de loi. Il est clair que ce sont des experts qui leur ont dit cela. Pourtant, le sénateur Varone a poursuivi dans cette voie, avec l’appui d’une horde de banquiers et d’autres sénateurs qui ont décidé qu’ils savaient tout mieux que tout le monde. Il s’agissait de 320 députés, mais qu’est-ce que ces gens-là savent? Nous, nous savons. Le premier ministre qui vous a nommés dans cette auguste Chambre a voté en faveur du projet de loi à l’autre endroit.

En outre, et je dirais surtout, je le répète, la Chambre des communes avait déjà envisagé de restreindre la définition de « fournisseur » et avait rejeté l’amendement pour les raisons que j’ai déjà évoquées : cela rendrait le projet de loi inefficace.

La décision de ne pas amender le projet de loi a fini par recevoir l’aval de 320 députés en troisième lecture, dont le premier ministre et le ministre de l’Agriculture de l’époque, ainsi que l’ensemble des députés ministériels. Un vote de 320 contre 1 témoigne d’un soutien gouvernemental on ne peut plus évident.

Le sénateur Gold nous a dit tout à l’heure que le gouvernement appuyait maintenant le projet de loi C-275, et je lui en suis reconnaissant. J’aurais aimé qu’il ait cette expérience de conversion quand le comité étudiait le projet de loi, parce que s’il avait été au comité — le sénateur Varone a assisté à une seule réunion et n’a posé aucune question, et il est venu porter le coup fatal au projet de loi en votant. Il a été la dernière personne au comité à voter pour l’amendement que le sénateur Dalphond a ajouté — la pilule empoisonnée qu’il a ajoutée. Il n’a pas posé de questions. Il remplaçait quelqu’un d’autre. Mais, oui, il en savait plus que n’importe quel acteur du monde agricole. Si le sénateur Gold avait été présent, et s’il avait voté comme il veut le faire maintenant, ou comme il dit qu’il veut le faire, il y aurait eu égalité des voix: l’amendement aurait été rejeté, et nous n’aurions pas à nous en préoccuper.

Maintenant, il dit qu’il l’appuie, et je lui en sais gré, alors nous espérons certainement qu’il appuiera tout autant le projet de loi C-280, parce que, de toute évidence, le gouvernement l’appuie.

Toutefois, il semble qu’une demi-douzaine de sénateurs soient plus avisés que l’ensemble du gouvernement. Les sénateurs Ringuette et Massicotte sont ici depuis quelques années et ils sont plus avisés que 320 députés. La sénatrice Ringuette a déjà été députée. Je me demande comment elle se serait sentie quand elle était députée à la Chambre des communes si le Sénat avait fait ce qu’il s’apprête à faire maintenant.

Les sénateurs Varone, Loffreda, Massicotte, McNair, Ringuette, Yussuff et Fridhandler ont décidé de faire fi des données probantes, des témoignages d’experts et du protocole parlementaire et de voter contre l’ensemble de la Chambre des communes.

Chers collègues, je l’ai déjà dit, mais j’ai une impression de déjà-vu : je revis un peu l’expérience des projets de loi C-275 et C-234. La même chose s’est produite avec le projet de loi C-275 : la Chambre des communes avait examiné et rejeté un amendement, mais le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts l’a repris, il a fait pied de nez à la Chambre des communes et il lui a dit : « Allez au diable. Nous apportons l’amendement de toute façon parce que nous sommes plus avisés que vous. »

Si vous faites une telle chose, le sénateur Loffreda vous imposera davantage d’intérêts, alors vous devriez être mieux avisés parce que vous devez tenir compte des intérêts. C’est la même chose ici.

Chers collègues, ce n’est pas le rôle du Sénat. Notre Chambre est la Chambre du second examen objectif. Nous sommes ici pour relever les failles. Oui, sénateur Varone, je vous en prie, indiquez-nous où sont les failles dans le projet de loi à l’étude. Si nécessaire, proposez un amendement. Je suis d’accord avec cela. Nous renverrons ensuite le projet de loi à la Chambre. Notre rôle est de dire aux députés : « Hé, à notre avis, vous avez oublié ceci. »

Ce que le comité a fait de l’amendement dépasse le second examen objectif. Il tente une deuxième fois de faire adopter les mêmes amendements déjà rejetés par les personnes à qui nous devons renvoyer le projet de loi. Si nous faisons assez de tentatives, les députés changeront-ils d’avis?

(1710)

Nous savons quelle sera la réponse de la Chambre, si tant est qu’elle parvienne à étudier les amendements du Sénat. Elle a déjà examiné cet amendement et elle a déjà dit clairement ce qu’elle en pense. Nous le savons très bien.

Chers collègues, notre travail et notre devoir consistent à respecter la volonté de la Chambre lorsqu’elle a déjà été clairement exprimée, et je dis cela en tant que chef de l’opposition. Je trouve cela difficile, j’ai beaucoup de choses à dire contre sa volonté et je continuerai de m’exprimer, mais il n’en demeure pas moins que notre travail consiste à respecter la volonté de la Chambre élue. Or, ce n’est pas ce que nous faisons en ce moment.

Pourquoi le sénateur Varone pense-t-il que lui et 6 autres sénateurs devraient pouvoir passer outre les 320 députés qui ont été élus pour représenter 35 millions de personnes? C’est en fait très simple : ils pensent qu’ils sont mieux avisés que les autres.

Je sais que bien des sénateurs détestent que mes collègues du caucus conservateur et moi-même critiquions le soi-disant nouveau Sénat de Trudeau. Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, il s’agit d’une expérience ratée, rédigée sur un coin de table et qui présente de nombreuses lacunes. Chers collègues, si cet amendement est adopté, cela prouvera que j’ai raison. Je sais qu’aucun des sénateurs d’en face ne veut devoir un jour admettre que le sénateur Don Plett a raison, alors évitez de me donner raison et votez contre cet amendement. Vous prouverez alors que j’ai tort.

L’une de ces lacunes est l’absence totale de reddition de comptes de la part des sénateurs dits indépendants. Comme ils ne font pas partie d’un caucus où les députés doivent faire face au jugement de leurs concitoyens aux prochaines élections, ils se sentent libres de faire ce qu’ils veulent. Ces sénateurs, qui n’ont de comptes à rendre à personne, se sentent libres de légiférer à leur guise puisqu’ils ne sont entravés que par leur conscience.

On ne sait donc jamais vraiment qui est le véritable auteur d’un projet de loi ou d’un amendement. Le sénateur le fait-il de son propre chef? Représente-t-il un lobby ou d’autres intérêts particuliers? Personne ne peut le savoir. Les sénateurs dits indépendants n’ont pas à s’expliquer. Ils peuvent discrètement torpiller un projet de loi qui a l’appui de toute une industrie.

Toute une industrie appuie ce projet de loi sans amendement. Je vous mets au défi, chers collègues, d’aller demander à n’importe quel agriculteur qui est au courant de quoi que ce soit sur ce projet de loi ou sur le projet de loi C-275 s’il appuie les amendements qui ont été proposés.

Maintenant, il va de soi que nous ne voulons jamais admettre que nous amendons un projet de loi et que nous nuisons aux agriculteurs parce nous favorisons un autre groupe. Les sénateurs vont plutôt vous dire qu’ils veulent aider le secteur agricole.

Le sénateur Varone a dit lui-même au comité : « Mes amendements sont [...] simples et accomplissent quatre choses simples, qui sont toutes conçues pour aider les agriculteurs [...] » Pourtant, les agriculteurs ne semblent pas le comprendre.

Je ne comprends tout simplement pas ces agriculteurs, sénateur Varone. Vous voulez les aider, et ils ne l’apprécient pas. Incroyable. Quels ingrats.

Ronald Reagan, l’ancien président des États-Unis, a déjà déclaré : « [...] les neuf mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont : je suis du gouvernement et je viens vous aider. »

Eh bien, je pense qu’après ce qu’on vient de voir au sujet des projets de loi C-275 et C-280, il faudrait revoir cet adage et dire que les neuf mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont « je suis du Sénat et je viens vous aider ».

Malgré tous les avertissements au comité selon lesquels les amendements nuiraient aux agriculteurs au lieu de les aider, le sénateur Varone et ses six collègues ont vu les choses autrement. Je ne sais pas si c’est par arrogance ou par ignorance, mais choisir de faire fi de la volonté de la Chambre élue et d’accorder à répétition la priorité au bien-être des banquiers et des avocats — oui, accorder la priorité aux banquiers et aux avocats — au détriment des agriculteurs est le moyen le plus rapide pour être considéré comme non pertinent à la grandeur du pays et s’attirer la désapprobation du public.

C’est ce que nous faisons au Sénat, chers collègues. Nous allons devenir non pertinents. La désapprobation existe déjà, croyez-moi. Lorsque nous voyageons, on peut voir qu’on désapprouve déjà notre existence, et nous allons devenir non pertinents.

Chers collègues, c’est le genre d’aide dont notre secteur agricole n’a pas besoin et dont il ne veut pas. Le projet de loi C-280, dans sa forme initiale, a été conçu pour harmoniser les protections du Canada à celles prévues dans la Perishable Agricultural Commodities Act américaine de manière à permettre une concurrence équitable et la sécurité pour notre secteur agricole. Le devoir du Sénat est d’appuyer les mesures législatives qui protègent les intérêts des Canadiens — pas ceux des banquiers, des promoteurs immobiliers, ni des plombiers; ceux des Canadiens —, mais ces amendements vont de toute évidence à l’encontre de cette mission. Pour garantir la réciprocité aux termes de la Perishable Agricultural Commodities Act, le projet de loi C-280 doit inclure l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement dans sa définition du terme « fournisseur » et doit conserver une véritable protection de la fiducie pour les fournisseurs canadiens.

L’autre endroit l’a reconnu et a voté en conséquence. Les amendements présentés dans ce rapport ont déjà été rejetés par l’autre endroit, et nous devons les rejeter ici aussi.

Nous devons faire notre travail, chers collègues, et nous devons demeurer dans notre rôle de Chambre de second examen objectif et accepter la volonté de l’autre endroit.

Je vous demande, je vous implore, je vous supplie de rejeter les amendements du comité et de rétablir le projet de loi C-280 dans sa forme initiale, sans amendement.

Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Loffreda : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Oui, je vais répondre à une autre question.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie d’accepter de répondre à ma question et je vous remercie de votre discours.

Il ne s’agit pas de défendre les banquiers ni les avocats. Il s’agit de défendre l’économie, de faire ce qu’il y a de mieux pour les Canadiens et d’être pertinent, et non pas inutile. C’est pourquoi je soulève ces questions importantes.

Bien que nous appuyions fermement le fait de protéger les agriculteurs et de veiller à ce qu’ils soient rémunérés pour leur dur labeur, ce projet de loi ne crée-t-il pas un dangereux précédent qui pourrait amener d’autres secteurs d’activité à demander des protections semblables? Si tous les prêteurs étaient ainsi subordonnés à chaque industrie, cela ne risquerait-il pas de nuire à la valeur des créances en garantie et, au bout du compte, de nuire à la capacité des prêteurs d’accorder du crédit dans l’ensemble de l’économie?

Nous avons également entendu des témoignages convaincants contre le projet de loi. Nous les avons entendus, et je soulèverai ces préoccupations importantes dans mon prochain discours. Il s’agit toutefois de protéger l’économie.

Comme l’a dit le sénateur Deacon, chaque secteur d’activité a un précédent, et si les prêteurs sont subordonnés à chaque industrie et à chaque créance, il n’y aura plus de créances pouvant servir de garantie. Oui, comme on dit, ce n’est pas toujours une question d’argent, mais on a toujours besoin d’argent.

Le sénateur Plett : Je n’ai pas bien saisi quelle est la question, mais je crois que ma réponse est non.

Le sénateur Loffreda : Voici ma question : toutes les autres industries demanderont la même chose. Alors, aucune créance ne pourra servir de garantie, puisque les prêteurs passeront après chacune des industries. Quelle sera la prochaine? Nous accordons la priorité aux agriculteurs.

Nous aimons les agriculteurs, bien sûr. Nous n’avons rien contre eux, mais on parle ici de leur accorder la priorité. Ne craignez-vous pas que d’autres personnes qui attendent leur tour demandent, elles aussi, d’être prioritaires?

Le sénateur Plett : Tout d’abord, pour le moment, nous nous occupons des agriculteurs. Vous dites vouloir les aider alors que ce n’est pas le cas.

Le sénateur Loffreda : Vous...

Le sénateur Plett : Vouliez-vous que je réponde à votre question, sénateur?

Le sénateur Loffreda : Oui.

Le sénateur Plett : Merci. Alors veuillez ne pas m’interrompre. Moi, je ne vous ai pas interrompu.

Si vous voulez aider les agriculteurs, alors aidez-les. C’est de cela que nous parlons. Si vous voulez parler d’aider d’autres industries, parlons-en.

Est-ce que j’ai peur que d’autres viennent faire des demandes? Je suis absolument convaincu que d’autres viendront. Il nous incombe, à vous et à moi, d’essayer d’aider le plus grand nombre de Canadiens possible.

Nous sommes en train d’examiner le projet de loi qui aide les producteurs que nous voulons aider dans l’industrie agricole, mais ne me dites pas, sénateur Loffreda, que je sais ce qui est le mieux pour vous. Vous savez ce qui est le mieux pour le secteur bancaire, et c’est cela qui vous préoccupe, sénateur Loffreda. Vous l’avez montré très clairement dans vos questions. Vous vous préoccupez des banques et de veiller à ce qu’elles fassent assez d’argent. Croyez-moi, sénateur Loffreda, les banques continueront de faire de l’argent même si ce projet de loi est adopté.

(1720)

Une voix : Bravo!

Le sénateur Loffreda : Vous m’avez mal compris. Il ne s’agit pas de permettre aux banques de faire plus d’argent. Les banques font partie des institutions les plus solides du monde; je ne m’en fais pas pour elles. D’ailleurs, le projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024, que j’ai parrainé, imposerait les banques à hauteur de 15 % et leur coûterait des milliards de dollars. Il ne s’agit donc pas de protéger les banques. Je l’ai toujours dit clairement. Il s’agit de protéger l’économie.

Tout projet de loi a des conséquences. Je disais aux prêteurs qui venaient me voir que nous allions vivre avec les conséquences pendant longtemps. Nous allons vivre avec les conséquences de ce projet de loi pendant longtemps. Cela a des conséquences. Cela a des effets sur l’économie. Ne craignez-vous pas que créer de tels précédents nuise à l’accès au crédit? Il est vrai que les banques vont encore faire de l’argent, mais cela va nuire à l’accès au crédit pour d’autres industries, ce qui aura d’énormes répercussions sur l’économie.

Le sénateur Plett : Tout d’abord, pourquoi ne donnez-vous pas d’exemple? Je trouve que c’est vraiment fort de la part de quelqu’un qui vote en faveur de ces budgets déficitaires libéraux absolument irresponsables qui coûtent des centaines de milliards de dollars, comme vous le faites, sénateur Loffreda. Si vous vous souciez d’aider l’économie, alors votez contre le prochain budget libéral.

Une voix : Bravo!

L’honorable Clément Gignac : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett : Oui.

Le sénateur Gignac : Sénateur Plett, je vous informe que mon opinion n’est pas encore arrêtée, mais je prendrai bientôt ma décision. Si je viens au Sénat, c’est parce que c’est une Chambre de second examen objectif. J’ai été actif en politique pendant de nombreuses années et j’ai donc beaucoup de respect pour les gens à l’autre endroit — la Chambre des communes. Ne vous y trompez pas.

Néanmoins, j’ai essayé de suivre votre logique. Si nous formons une Chambre de second examen objectif, cela signifie-t-il que nous devons nous abstenir d’amender tout projet de loi émanant de la Chambre des communes? Cela signifie-t-il que nous ne les respectons pas? Nous allons bientôt être saisis du projet de loi C-282. Que recommandez-vous? Si nous voulons faire notre travail de second examen objectif, devrions-nous nous abstenir d’amender tout projet de loi émanant de la Chambre des communes? Pourriez-vous m’aider?

Le sénateur Plett : Bien sûr. Merci beaucoup de la question, sénateur Gignac. Le contexte entourant le projet de loi C-282 et ce projet de loi est manifestement bien différent, et je vais vous expliquer pourquoi. D’abord, ce projet de loi a été adopté par 320 voix contre 1. C’est une des différences. Le projet de loi C-282 a été adopté par une forte majorité, mais, dans mon propre caucus, les voix étaient partagées pratiquement en parts égales. Je pense qu’il y a peut-être eu deux députés de plus qui ont voté en faveur. Ce n’était pas un projet de loi qui a essentiellement fait l’unanimité.

Ensuite, l’amendement au projet de loi C-282 présenté par le sénateur Harder n’a jamais été soumis à l’autre endroit. L’amendement que le sénateur Varone a présenté ici a été soumis à l’autre endroit, puis rejeté. Le processus a donc déjà été suivi. À mon avis, lorsque le Sénat est saisi d’un projet de loi, nous avons parfaitement le droit de l’amender, sénateur Gignac. Je suis d’accord. Puis, nous le renvoyons à l’autre endroit, et les députés décident s’ils acceptent la version amendée. S’ils l’acceptent, nous sommes heureux d’avoir fait du bon travail et de les avoir aidés. S’ils la rejettent, nous devons en tenir compte. Nous devons accepter la volonté de la Chambre des communes. C’est ce que je suis en train de dire.

En ce qui concerne le projet de loi dont nous débattons, il est vrai que nous ne l’avons pas renvoyé à la Chambre des communes après l’avoir amendé. Cependant, nous avons vécu quelque chose de semblable avec le projet de loi C-275, lorsque le sénateur Dalphond a proposé un amendement très similaire et que la Chambre des communes l’a rejeté. Nous nous ridiculisons. Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Sénateur Plett, j’ai écouté très attentivement votre exposé, comme d’habitude. Comment conciliez-vous les propos que vous tenez aujourd’hui avec le fait que votre caucus a empêché la tenue de votes sur 15 projets de loi d’initiative parlementaire en 2019? Quel sénateur Plett dois-je croire? Lequel dois-je considérer comme digne de confiance: celui qui, en 2019, a torpillé tous les projets de loi d’initiative parlementaire ou celui qui, aujourd’hui, affirme que tous les projets de loi d’initiative parlementaire devraient être adoptés?

Le sénateur Plett : Je ne peux pas répondre à votre question, car je ne comprends pas du tout ce que vous me demandez. Veuillez répéter ce que vous venez de dire.

Le sénateur Dalphond : Je suis heureux de rappeler au sénateur Plett que, en juin 2019, nous avons torpillé 15 projets de loi d’intérêt privé qui venaient de la Chambre des communes, dont plusieurs qui avaient été adoptés à l’unanimité, y compris un sur la formation des juges qui avait été proposé par l’ancienne cheffe intérimaire du parti du sénateur, l’honorable Rona Ambrose. Vous avez refusé d’accorder le consentement. Vous avez réclamé la sonnerie. Vous avez proposé l’ajournement du débat sur les projets de loi et, en fin de compte, 15 projets de loi d’intérêt privé sont morts au Feuilleton. Pourtant, aujourd’hui, vous dites que tous les projets de loi d’intérêt privé devraient être adoptés.

Dois-je comprendre que nous adopterons dans les prochains jours le projet de loi sur les divulgateurs d’actes répréhensibles, parce que, enfin, la Chambre des communes a été unanime sur la question? Allez-vous intervenir à ce sujet et veiller à ce que l’étude du projet de loi puisse progresser, comme celle de tous les autres projets de loi de la Chambre des communes qui attendent d’être étudiés?

Le sénateur Plett : Sénateur Dalphond, tout d’abord, je n’ai torpillé aucun projet de loi présenté à la Chambre des communes par la cheffe de mon parti, la députée Ambrose. Je ne peux pas torpiller un projet de loi à moi seul, sénateur Dalphond. Je n’ai pas pris la parole dans cette enceinte pour dire aux sénateurs qu’ils ne devraient pas rejeter les projets de loi d’initiative parlementaire.

Je n’ai pas hésité à soutenir ou à ne pas soutenir certains projets de loi, et c’est le cas encore aujourd’hui. Ce n’est pas ce qui nous occupe en ce moment, sénateur Dalphond. Les sénateurs Varone et Loffreda, entre autres, disent qu’ils veulent aider les agriculteurs. Vous dites : « Nous voulons aider les agriculteurs, mais laissez-moi vous aider à torpiller votre projet de loi. »

Admettez donc, sénateur Dalphond, que vous voulez torpiller ce projet de loi. Vous en avez le droit. Vous avez le droit de continuer à ajourner le débat. Votre leader adjointe a ajourné le débat sur le projet de loi C-275 aujourd’hui, même si nous avions une entente non écrite selon laquelle vous feriez avancer le projet de loi C-275 assez rapidement. Vous ne le faites pas, et je sais qu’à un moment donné, nous serons saisis du projet de loi C-355, et que je recevrai une autre lettre de vos amis d’Animal Justice disant : « Pourquoi, Donald Plett, retardez-vous l’étude du projet de loi C-355 à vous seul? ».

Sénateur Dalphond, vous pourriez simplement admettre que vous voulez torpiller le projet de loi C-275, mais vous refusez de le faire. Le sénateur Varone nous dit qu’il veut vraiment aider les agriculteurs, en tant que promoteur de la ville de Toronto. Le sénateur Loffreda, en tant que banquier de la ville de Montréal, sait ce qui est bon pour un producteur de fraises ou autre de l’Île-du-Prince-Édouard. Admettons au moins ce que nous faisons et passons à autre chose. Ne comparez pas des pommes et des oranges comme vous venez de le faire dans votre question.

L’honorable Rosemary Moodie : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Plett? Je veux vous lire quelque chose, une simple phrase que j’ai trouvée sur le site Web du Sénat. Elle se lit comme suit : « Le Sénat sert de contrepoids à la Chambre des communes, où la représentation est démographiquement proportionnelle à la population. » La phrase suivante parle de l’évolution du rôle du Sénat, qui est passé de défenseur des intérêts régionaux à porte-parole, et ainsi de suite. Croyez-vous à la première phrase? Notre rôle est-il de servir de contrepoids à la Chambre des communes, où la représentation est démographiquement proportionnelle à la population?

Le sénateur Plett : Nous avons été nommés à la Chambre de second examen objectif. À mon avis, c’est ce que nous devrions être. Nous devrions examiner très attentivement tous les projets de loi. Nous devrions lire les projets de loi. Si une virgule est mal placée dans un projet de loi, nous devrions corriger la situation. C’est ce que nous avons toujours fait. C’est ce que nous faisions lorsque nous formions le gouvernement, et je continue d’appuyer cette approche.

Je crois toutefois que la Chambre des communes a été élue pour représenter les Canadiens. Nous n’appartenons pas à la même catégorie. Nous avons été nommés. Vous et moi avons été nommés à cette auguste Chambre jusqu’à l’âge de 75 ans, et rien ne peut nous en déloger à moins que nous le voulions. Je devrai malheureusement tirer ma révérence dans six mois, à mon corps défendant, mais j’aurai fait mon devoir et je partirai.

(1730)

En tant que tel, je n’ai pas le même rôle qu’un député à la Chambre des communes, et c’est très bien ainsi. Les députés doivent rendre des comptes à l’électorat, ce qui n’est pas mon cas.

La sénatrice Moodie : Avez-vous un problème avec ce qui est affiché sur notre site Web, à propos de notre rôle, où le Sénat est décrit comme étant l’entité qui fait contrepoids à la Chambre des communes, qui représente la population?

Le sénateur Plett : Effectivement, je ne suis pas d’accord avec cet énoncé.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Plett, pour ce qui est de faire contrepoids à la Chambre des communes, y a-t-il un rapport entre votre position et le fait qu’à la Chambre des communes, si tous les députés de l’Ontario et du Québec votent en faveur d’une mesure alors que tous les autres votent contre, la mesure sera adoptée? Au Sénat, ce n’est pas le cas. Si tous les sénateurs de l’Ontario et du Québec votent en faveur d’une mesure et que tous les sénateurs des autres régions votent contre, la mesure serait rejetée.

Pourtant, nous avons ici des sénateurs de Toronto, de Montréal et des endroits qui exercent ce contrepoids. N’est-ce pas censé protéger les régions comme le Canada atlantique et l’Ouest?

Le sénateur Plett : Merci. C’est une bonne explication. Si on veut parler de représentation régionale, au fil du temps, les provinces de l’Atlantique ont peut-être reçu un peu plus que leur juste part.

Le sénateur Loffreda : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une autre question de ma part?

Le sénateur Plett : À contrecœur, oui.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de bien vouloir répondre à ma question.

Ne craignez-vous pas que les lois actuelles sur la faillite perturbent la hiérarchie des créanciers? Je m’explique.

Les détracteurs affirment que la mise en œuvre d’une fiducie réputée pourrait perturber l’ordre établi parmi les réclamations des créanciers, ce qui pourrait en désavantager certains dans les procédures de faillite étant donné que les agriculteurs passeront désormais en premier.

Qu’en est-il des camionneurs, par exemple? Qu’en est-il des ouvriers travailleurs qui emballent les légumes? En cas de faillite, si leurs réclamations passent après celles des agriculteurs, il ne restera pas assez d’argent pour eux. En passant, les faillites sont rares dans le secteur agricole : il y en a moins de 1 %.

Ne craignez-vous pas que, en cas de faillite, le fait que des petites et moyennes entreprises ne soient pas payées parce que les agriculteurs seront désormais payés avant tout le monde ait une incidence sur l’économie en général?

C’est strictement une question d’économie. Cela n’a rien à voir avec les banquiers. La loi d’exécution du budget que j’ai parrainée en est la preuve, puisqu’elle impose les banques à hauteur de 15 %. C’était un projet de loi omnibus. Les mesures phares n’ont pas toutes été incluses dans la loi d’exécution du budget. Les déficits ne sont pas aussi importants que vous le prévoyez, dans la loi d’exécution du budget.

Le sénateur Plett : Tout d’abord, sénateur Loffreda, je vous mets au défi d’appeler un agriculteur du Canada atlantique qui vient de déclarer faillite parce que son entreprise n’a pas réussi à se faire payer et de lui dire : « Cette situation ne touche que 1 % des agriculteurs. Pourquoi s’en préoccuper? » Quel argument ridicule.

Il y a peu de faillites. Nous avons entendu le même argument à propos du projet de loi C-275, lorsque la sénatrice Simons a questionné le sénateur Gold tout à l’heure. Quelles preuves a-t-on que les intrus sont à l’origine des problèmes? Il n’y en a pas vraiment, alors laissons les intrus continuer à venir et mettons les agriculteurs dans le même bateau qu’eux. C’est la même chose que votre argument, sénateur Loffreda.

Premièrement, non, je ne crains pas ce que vous avez mentionné.

Deuxièmement, je ne suis pas un banquier. J’admets sans hésiter que d’autres sénateurs, dont le sénateur Varone et vous-même, ont bien plus de connaissances que moi dans ce domaine. Cela dit, je suis un législateur et je sais quel rôle me revient en tant que législateur : je dois me ranger à ce qu’ont décidé les élus qui ont voté.

Votre premier ministre, l’homme grâce à qui vous siégez maintenant ici, vous a demandé de voter en faveur de ce projet de loi. Pourquoi ne lui posez-vous pas votre question? Pourquoi ne demandez-vous pas à Justin Trudeau et au ministre de l’Agriculture s’ils ne craignent pas de donner la priorité aux mauvaises personnes? Les députés ont voté à 320 voix contre 1 en faveur du projet de loi.

Je m’efforce simplement de faire le travail que vous et moi devons faire, c’est-à-dire respecter la volonté de la Chambre des élus.

Le sénateur Loffreda : Ma question comportait de nombreux éléments. Pour répondre, certains étaient moins évidents que d’autres.

Je vais donc vous poser une question directe à ce sujet. Êtes-vous en train de me dire que peu importe ce que nous renvoie la Chambre des communes, je dois me plier à sa volonté et voter pour ce qu’elle propose? Est-ce là une façon de nous montrer utiles?

À ce stade-ci, je pense que la version amendée du projet de loi est meilleure que le projet de loi initial. Si on s’en tient au projet de loi initial, je tiens à dire ici que je vais voter contre en raison non pas des banques, mais de l’économie.

Êtes-vous en train de me dire que je devrais me plier à la volonté de la Chambre des communes en votant en faveur de tout ce qu’elle propose?

Le sénateur Plett : Bien sûr, vous aimez beaucoup me faire dire des choses que je n’ai pas dites. Vous devriez tenir compte de tout ce que proposent les députés, en effet. Ils doivent rendre des comptes à l’électorat, mais pas vous. Vous rentrerez chez vous jeudi, mais vous n’avez de comptes à rendre à personne, contrairement à eux.

Est-ce que je crois que nous devons céder devant eux? Oui. Dès le début? Pas nécessairement. Nous n’en sommes cependant pas au début, comme je l’ai dit au sénateur Gignac.

C’est la même chose que si nous avions accepté cet amendement. S’ils n’avaient jamais proposé cet amendement à l’autre endroit, vous et le sénateur Varone, ou qui que ce soit d’autre, l’auriez proposé en disant : « Hé, vous n’avez jamais pensé à cela de votre côté, alors nous proposons cet amendement, dites-nous ce que vous en pensez. » Je ne sais pas si je l’aurais appuyé, mais j’aurais certainement appuyé votre droit de le présenter.

Je crois que nous aurions dû céder devant eux s’ils avaient ensuite renvoyé le projet de loi au Sénat en disant : « Non, sénateur Loffreda, nous ne sommes pas d’accord avec vous. Nous voulons que le projet de loi reste comme il est. » Je crois que vous devez céder. Ils ont déjà refusé.

Nous n’avons pas renvoyé cet amendement à l’autre endroit, mais ils s’y sont déjà opposés. Nous leur faisons maintenant un pied de nez en leur disant : « Vous ne savez pas ce que vous avez fait, alors nous allons vous donner une autre chance. » J’en doute.

Si, à l’autre endroit, ils décident soudainement de mettre fin aux manœuvres d’obstruction et d’invoquer la clôture; si, tout à coup, Jagmeet Singh a une révélation, qu’il veut aider Justin Trudeau à clore le débat, qu’ils font avancer les choses et que, pour une raison étrange, ils décident que le projet de loi C-280 est désormais leur priorité et qu’ils vont donc s’en occuper; s’ils rejettent cet amendement et qu’ils nous le renvoient, puisqu’ils l’ont déjà fait deux fois, est-ce que ce serait suffisant pour vous? Doivent-ils le renvoyer trois fois?

Combien de fois pensez-vous qu’ils doivent nous dire « non » avant que vous l’acceptiez? Je vais vous poser la question. Je sais que je ne suis pas censé poser la question ici, je suis censé y répondre. Je dirais que vous ne respectez pas la volonté de la Chambre.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif—Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Débat

Le Sénat passe à l’étude du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 7 novembre 2024.

L’honorable Peter M. Boehm propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour expliquer l’objet et l’effet de l’amendement au projet de loi C-282 qui a été adopté par le comité. Le rapport du comité comprend également une observation.

(1740)

Le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), a été renvoyé au comité le 16 avril 2024, après avoir été présenté au Sénat le 21 juin 2023. Le comité a commencé son étude le 25 septembre.

Au cours de huit réunions avec des témoins — 52 en fait — le comité a entendu des députés, dont le parrain du projet de loi, Luc Thériault; des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada; des représentants d’industries agricoles soumises à la gestion de l’offre et d’industries non soumises à la gestion de l’offre et axées sur l’exportation; des experts en commerce, y compris d’anciens négociateurs commerciaux; et des universitaires, dont des experts en droit constitutionnel.

Au cours de l’étude article par article qui a eu lieu le 6 novembre, le sénateur Harder a proposé l’amendement en question, qui a été adopté à 10 voix contre 3, avec une abstention. L’objectif de l’amendement est, comme l’a dit le sénateur Harder lors de la réunion, « d’atténuer les risques » du projet de loi étant donné l’impact négatif potentiel de son adoption, en particulier dans sa forme originale, sur les relations commerciales cruciales du Canada.

[Français]

Essentiellement, l’amendement limiterait l’application du projet de loi aux accords commerciaux qui n’ont pas encore pris effet au moment de son entrée en vigueur. Il limiterait aussi l’application du projet de loi aux négociations et aux renégociations d’accords commerciaux qui n’ont pas encore été entamées au moment de son entrée en vigueur.

Les membres du comité favorables à l’amendement estimaient que celui-ci était particulièrement important dans le contexte de l’examen de l’ACEUM, l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, prévu pour 2026, qui sera encore plus complexe sous une deuxième administration Trump.

[Traduction]

L’acronyme anglais CUSMA passe mieux.

[Français]

Je souhaite aussi attirer l’attention sur l’importante observation annexée au rapport. Elle précise que le comité n’a pas d’opinion sur la gestion de l’offre au Canada, étant donné que le projet de loi C-282 concerne la politique commerciale du Canada, et non la politique de gestion de l’offre, et qu’il modifie la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.

Malgré les témoignages de nombreux défenseurs de la gestion de l’offre, le comité s’est concentré sur le but du projet de loi et sur ses incidences sur les relations commerciales essentielles du Canada en tant que pays exportateur qui dépend du commerce.

L’honorable Éric Forest : Le sénateur Boehm accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Boehm : Avec plaisir.

Le sénateur Forest : Sénateur Boehm, vous savez que j’appuie les producteurs sous gestion de l’offre, parce que je crois que c’est une mesure importante pour le maintien d’activités vivantes dans nos régions.

Ma question est la suivante. Avec l’adoption du projet de loi C-282, un gouvernement qui voudrait rompre la tradition canadienne de défense de la gestion de l’offre devrait simplement obtenir l’autorisation du Parlement de manière explicite et transparente avant d’autoriser le nouveau contingent d’importations. Est-ce que cette proposition vous semble déraisonnable?

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Merci. Je rappelle à mon cher collègue que je suis ici en tant que président du comité et que je m’exprime donc sur le rapport, et non en présentant mon propre point de vue. Du moins, c’est ce que j’essaie de faire dans le cas présent.

Si vous regardez l’histoire des trois derniers grands accords — le nouvel Accord Canada—États-Unis—Mexique, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et l’Accord économique et commercial global avec l’Europe —, une petite partie des contingents tarifaires pour les produits laitiers et la volaille ont été abandonnés. Le gouvernement a également offert une compensation.

Bien entendu, le gouvernement peut s’adresser aux parlementaires, dire qu’il négocie un accord de libre-échange et obtenir la permission du Parlement; ensuite, nous pouvons débattre de l’accord de libre-échange, comme nous l’avons fait dans cette enceinte et comme cela s’est fait à l’autre endroit. Voilà la procédure telle que je la comprends.

Grâce à cette procédure et aux négociations qui ont eu lieu dans le contexte de ces trois accords, les négociateurs ont eu toute latitude pour insister très fortement sur le maintien de la gestion de l’offre dans la mesure du possible, et c’est ce qu’ils ont fait. Il ne fait aucun doute qu’ils le feront à nouveau. Nous avons entendu au moins un ou deux témoins dire que c’était précisément pour cette raison que les négociations avec le Royaume-Uni avaient été interrompues ou suspendues.

[Français]

L’honorable Clément Gignac : Est-ce que le sénateur Boehm accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Boehm : Avec plaisir, monsieur le sénateur.

Le sénateur Gignac : Merci à vous et à vos collègues pour le travail que vous avez fait au comité. Je suis fils de cultivateur et je suis en faveur de la gestion de l’offre. Évidemment, je suis d’avis que l’environnement a changé depuis l’adoption du projet de loi. C’est pour cette raison que j’ai dit publiquement que je suivais de près les travaux du comité et que j’étais ouvert à l’idée d’apporter des amendements.

La semaine dernière, j’étais à Washington dans le cadre d’une rencontre avec des économistes, comme je le fais chaque année. De plus en plus, on parle d’un nouveau scénario d’entente bilatérale entre le Canada et les États-Unis, sous la nouvelle administration. Cette entente exclurait le Mexique, pour toutes sortes de raisons.

Si tel était le cas, je comprends que vos amendements ne s’appliqueraient pas et que les dispositions du projet de loi C-282 seraient automatiquement appliquées, puisque cela serait considéré comme un nouvel accord de libre-échange.

Vos amendements s’appliqueraient à des accords de libre-échange existants ou au moment de leur renouvellement. Est-ce bien votre interprétation qu’un nouvel accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis ferait en sorte que vos amendements ne s’appliqueraient pas?

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Merci, sénateur Gignac. Je ne voulais pas vraiment aborder ces questions; les médias m’ont cité là-dessus. Il y a eu un certain débat — même en 1994, quand l’ALENA a été négocié et mis en place — sur la raison d’être d’un accord trilatéral. Depuis lors, les chaînes d’approvisionnement se sont beaucoup développées. Certes, nos relations avec le Mexique ne sont pas aussi bonnes qu’avec les États-Unis, mais le Mexique reste notre troisième partenaire commercial pour les marchandises, légèrement devant l’Union européenne.

Pendant la campagne électorale, les deux candidats à la présidence ont indiqué qu’ils ne se contenteraient pas de réexaminer l’Accord Canada—États-Unis—Mexique en 2026, mais qu’ils le renégocieraient. Il sera donc intéressant de voir comment les choses se passeront, parce que la dernière fois, M. Trump a déclaré qu’il s’agissait d’un très bon accord pour les États-Unis. Il a peut-être changé d’avis.

Ce n’est pas en tant que président du comité que je dis que dans toute négociation, il faut être prêt à tout. Le fait d’exclure quelque chose et de dire qu’il serait illégal d’y toucher, à mon avis, ne serait pas nécessairement la meilleure approche à adopter.

Le sénateur Gignac : J’ai peut-être été mal compris. Je vais faire de mon mieux pour reposer la question.

Je ne vous ai pas demandé de vous prononcer sur le meilleur scénario parce que je suis d’accord : le Mexique est un partenaire important pour nous. Toutefois, au bout du compte, c’est Washington qui décidera ou, plus précisément, M. Trump. S’il décide de négocier un accord bilatéral avec le Canada, nous devrons gérer cette situation.

Ma question est simple. Je ne suis pas certain que vous y avez répondu. Si on nous propose un nouvel accord bilatéral entre le Canada et les États-Unis, je pense qu’aucun de vos amendements ne s’appliquera et que nous retournerons essentiellement à la version initiale du projet de loi C-282.

Le sénateur Boehm : À mon avis, c’est une question purement hypothétique, et c’est pourquoi je n’y ai pas répondu. J’ai compris ce que vous avez dit la première fois. J’hésite à m’avancer sur ce sujet. Il faudra que nous fassions tous nos devoirs à mesure que nous progressons.

(1750)

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Je remercie le président du Comité des affaires étrangères. Vous avez fait valoir à quelques reprises, y compris dans votre discours à l’étape de la deuxième lecture, que le comité sénatorial porterait plus attention aux négociations et qu’il inviterait des témoins différents de ceux de la Chambre des communes. Vous avez invité des négociateurs du gouvernement qui ont travaillé à conclure des traités passés et présents. Ma question est la suivante : les amendements que le comité propose permettront-ils, d’abord et avant tout, de mieux servir l’intérêt du Canada et de faciliter le travail des négociateurs?

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Ce serait probablement une bonne question pour notre collègue le sénateur Harder, qui a proposé l’amendement, mais la question s’adresse à moi. Je n’ai pas parlé du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Cependant, comme 10 membres du comité, j’étais d’avis qu’amender le projet de loi permettrait d’en « atténuer les risques ». Nos détracteurs diront qu’en amendant le projet de loi de cette façon, nous le renvoyons à la Chambre des communes où il risque de ne pas avoir une issue heureuse.

J’aimerais cependant signaler que nous n’avons pas examiné le projet de loi de la même façon que l’autre endroit. En effet, nous avons fait appel à des négociateurs et à des experts qui ont donné, je dirais, un aperçu plus équilibré des avantages et des inconvénients de cette mesure législative. En tentant d’atténuer les risques qui y sont associés, nous faisons comprendre que nous menons un examen très objectif et sérieux du projet de loi.

[Français]

L’honorable Lucie Moncion : Sénateur Boehm, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Boehm : Certainement.

La sénatrice Moncion : Vous venez de faire une nuance dans votre propos. Je veux juste m’assurer que je l’ai bien comprise. Vous avez affirmé que le projet de loi C-282 concernait la façon dont le Canada mène ses négociations commerciales internationales, étant donné qu’il modifie la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement et qu’il ne vise pas la politique de gestion de l’offre. Pourriez-vous m’expliquer cette nuance?

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Merci. Dans sa version initiale, le projet de loi proposait de modifier la loi fondatrice appelée Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. D’après les témoignages que nous avons entendus, rien n’indique qu’une initiative de la sorte aurait été prise dans un autre pays.

Le comité a conclu que si nous voulons une mesure portant uniquement sur la gestion de l’offre, cet enjeu ne devrait pas être inclus dans la loi fondatrice. C’est la conclusion du comité. Je ne sais pas si cela vous aide à mieux comprendre la situation ou si, au contraire, cela la rend plus confuse.

L’honorable Percy E. Downe : Le sénateur Boehm accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Boehm : Bien sûr.

Le sénateur Downe : Compte tenu de l’importance du commerce et du travail effectué par le comité au sujet de cette proposition, qui a des répercussions directes sur nos échanges commerciaux, en particulier avec les États-Unis, et compte tenu de ce qui s’est passé lors des élections américaines, et de ce que les candidats ont dit à propos du commerce, votre comité envisage-t-il une étude sur l’accès que les sénateurs et les membres du Congrès des États-Unis ont aux négociations commerciales par rapport à ce qui se passe au Canada? Au Canada, le document vient au Parlement, et il s’agit d’un vote par oui ou par non. Aux États-Unis, tout sénateur ou membre du Congrès peut aller signer le serment de discrétion, participer aux discussions, voir ce qui est en cours de négociation et avoir son mot à dire dans ce contexte.

Votre comité envisagerait-il cette possibilité pour que les parlementaires canadiens aient davantage leur mot à dire dans les accords commerciaux avant que le gouvernement y mette la touche finale?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Boehm, le temps est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Boehm : Si c’est la volonté du Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, êtes-vous d’avis que nous avons le temps pour une réponse à la question?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Boehm : Merci, sénateur Downe. Je crois que ce serait un excellent sujet à étudier. Le régime américain est très différent du nôtre. Il est également doté d’une disposition qui permet d’accélérer les choses, ce que nous n’avons pas.

De nombreuses personnes participent et assistent aux négociations. Cela inclut notamment des représentants d’entités infranationales, telles que les provinces, et d’autres acteurs intéressés, tels que les syndicats et les producteurs. Notre approche est très différente et découle du système de gouvernement dont nous jouissons. Je prends note de votre suggestion. J’en ferai part au comité directeur et au comité et nous verrons ce que cela donnera.

[Français]

L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur le projet de loi C-282.

Tout d’abord, je voudrais saluer le travail du président du comité, le sénateur Boehm, ainsi que celui de tous ses membres, dans cette étude approfondie du projet de loi. Nous avons entendu de nombreux témoins qui ont apporté, dans la majorité des cas, des éclaircissements judicieux sur les tenants et les aboutissants du projet de loi C-282. Je remercie aussi le sénateur Harder, qui a travaillé ardemment pour préparer un amendement basé sur l’un des points de vue que nous avons entendus au comité.

Chers collègues, vous ne serez pas surpris de savoir que je m’oppose vigoureusement à cet amendement qui retire au projet de loi l’essentiel de sa force et de son intention. En effet, quel est le but du projet de loi C-282? Il est limpide et ne souffre d’aucune ambiguïté. Il s’agit de retirer totalement la gestion de l’offre de la table de négociations lors de la conclusion de tout nouvel accord de libre-échange — accord existant ou renouvelé prochainement.

Or, quel est l’effet de l’amendement adopté par le comité? Il exclut du champ d’application du projet de loi les éléments suivants :

a) un traité ou une entente en matière de commerce international qui était en cours à l’entrée en vigueur de ce paragraphe;

b) la renégociation d’un tel traité ou d’une telle entente;

c) un traité ou une entente en matière de commerce international qui était en négociation au moment de l’entrée en vigueur de ce paragraphe.

À la lecture de cet amendement, on comprend que l’étendue des exclusions induites par celui-ci rend le projet de loi au mieux symbolique, au pire complètement inefficace. L’effet de cet amendement est de soustraire l’application du projet de loi aux accords commerciaux existants ou à venir avec nos principaux partenaires. Dès lors, si l’amendement était adopté par cette Chambre, la gestion de l’offre serait toujours une cible potentielle de l’essentiel de nos partenaires commerciaux et elle pourrait toujours être utilisée comme monnaie d’échange, à l’image de ce qui a été fait pour la conclusion de nos derniers accords, soit l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada—États-Unis—Mexique (ACEUM).

Le projet de loi C-282, faut-il le rappeler, n’est pas n’importe quel projet de loi privé. Il a été adopté par tous les chefs de partis à la Chambre des communes à une très forte majorité de 262 voix contre 51. Plus encore, le projet de loi fait suite à quatre motions adoptées à l’unanimité pour que la gestion de l’offre soit intégralement protégée, soit deux motions en 2005 et en 2017 dans le cadre de la renégociation de l’ALENA et deux en 2018 dans le cadre de la conclusion du PTPGP.

Chers collègues, je crois que cet amendement repose sur des inquiétudes qui ne sont pas basées sur des faits objectifs, bien au contraire.

(1800)

Parmi ces préoccupations, on peut citer celle qui a probablement été le plus souvent mentionnée, soit que le projet de loi nuirait à la capacité de nos négociateurs de conclure des accords commerciaux pour le Canada. Tout d’abord, il est intéressant de rappeler que ceci sous-entend qu’il n’est pas possible d’obtenir d’accord sans faire des concessions sur la gestion de l’offre. Autrement dit, il serait nécessaire de sacrifier la gestion de l’offre pour obtenir de bons accords.

Lors de sa comparution au comité le 25 septembre, Doug Forsyth, directeur général à la Direction générale de l’accès aux marchés et des contrôles commerciaux d’Affaires mondiales Canada, a confirmé que, par le passé, notre pays a pu conclure 12 accords de libre-échange avantageux sans faire de concessions sur la gestion de l’offre. Cette réalité implacable montre qu’il est tout à fait possible de protéger la gestion de l’offre tout en obtenant d’excellents accords pour les Canadiens dans d’autres secteurs orientés vers les exportations, ce qui n’est pas le cas pour les produits soumis à la gestion de l’offre, qui sont essentiellement orientés vers le marché intérieur.

M. Forsyth nous a également indiqué que lors des négociations entourant les accords de libre-échange, le nombre de chapitres consacrés à l’agriculture n’est que d’un seul en général sur un total de 30, et que les secteurs agricoles soumis à la gestion de l’offre n’occupent qu’une partie de ce seul chapitre. On ne peut donc pas sérieusement affirmer, chers collègues, que la gestion de l’offre serait, à elle seule, de nature à faire dérailler la conclusion d’accords commerciaux.

Il a été signalé au comité que la gestion de l’offre serait de nouveau ciblée par notre partenaire principal, les États-Unis, avec le retour du président Trump. C’est précisément la raison pour laquelle nous devons adopter une position claire dès maintenant et pour toujours afin de protéger la gestion de l’offre. À l’inverse, tergiverser sur les lignes rouges est un aveu de faiblesse en matière de négociations.

Des témoins nous ont dit que tous les pays ont le droit d’avoir des lignes rouges. Nous avons entendu au comité que le Canada ne serait pas le seul à protéger certains secteurs essentiels. En effet, lors de la séance du 25 septembre, M. Tom Rosser, sous-ministre adjoint à la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, nous a confirmé que les États-Unis imposent des contingences strictes sur le coton et le sucre. Le Japon fait de même avec son riz.

Le véhicule choisi par ces deux proches partenaires du Canada n’est peut-être pas le même que celui proposé par le projet de loi C-282, mais ses effets sont identiques : protéger des secteurs essentiels de leurs économies par une loi. C’est le cas aux États-Unis, où une loi en vigueur intitulée Farm Bill protège et subventionne massivement les agriculteurs américains. Cette loi établit également des contingents tarifaires qui limitent la quantité de sucre étranger pouvant entrer sur le marché américain. Vous conviendrez avec moi, chers collègues, que ces restrictions et protections ne font pas des États-Unis et du Japon des nations moins commerçantes, elles qui sont capables de conclure d’excellents accords de libre-échange.

La gestion de l’offre est étroitement liée à la politique commerciale canadienne depuis plus de 50 ans. Il s’agit d’une politique établie en 1972 par le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau. Elle repose sur trois piliers : le contrôle de la production, la régulation des prix aux producteurs et le contrôle des importations à la frontière par le biais de contingents tarifaires. Sans assurer un contrôle de la quantité de produits importés sous gestion de l’offre, il n’est pas possible d’assurer une planification efficace de la production. La gestion de l’offre ne pourra donc plus remplir sa mission d’adéquation entre l’offre et la demande.

Au-delà des questions de contingents tarifaires et de négociations internationales, j’aimerais vous rappeler ce que le projet de loi C-282 signifie concrètement pour des dizaines de milliers d’exploitations agricoles familiales qui créent près de 350 000 emplois dans notre pays.

Le projet de loi C-282 permet aux agriculteurs de prévoir leurs revenus et de continuer de produire des aliments essentiels sur le sol canadien et pour les Canadiens, tout en évitant l’érosion de la gestion de l’offre. Par exemple, selon la Commission canadienne du lait, les producteurs laitiers, qui ont cédé au total 18 % de leur marché intérieur, ont vu leur nombre chuter de manière draconienne, passant d’environ 12 500 exploitations en 2012 à environ 9 500 en 2023, ce qui est considérable. Nous avons entendu au comité que la diminution du nombre d’exploitations agricoles familiales entraîne le déclin de nos régions rurales et le dépeuplement de nos villages. C’est de cela qu’il s’agit.

Le projet de loi C-282 est un moyen unique pour nos négociateurs de faire respecter la volonté clairement exprimée par notre Parlement, et qui est de protéger intégralement la gestion de l’offre lors de négociations futures.

Si le Sénat vote en faveur de cet amendement, il ira à l’encontre de la volonté du gouvernement, de la Chambre élue et de l’écrasante majorité des Canadiens. En effet, selon un sondage mené par Abacus Data publié en 2023, plus de 90 % des Canadiens soutiennent la gestion de l’offre.

C’est pourquoi, honorables sénateurs, je vous exhorte à rejeter le rapport du comité, afin que cette Chambre puisse étudier le projet de loi C-282 dans sa forme originale.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinaabeg afin de participer au débat à l’étape du rapport sur le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).

La modification à la loi, comme l’indique le projet de loi original, vise à protéger de façon pérenne les secteurs des produits laitiers, de la volaille et des œufs soumis à la gestion de l’offre au Canada dans le cadre de futures négociations commerciales. Aujourd’hui, alors que nous étudions le rapport produit par le comité chargé d’étudier le projet de loi C-282, un projet de loi d’initiative parlementaire, nous le faisons en prenant en compte les inquiétudes des intervenants des secteurs soumis à la gestion de l’offre au Canada, inquiétudes qui ont mené à la présentation du projet de loi à l’origine. Ces agriculteurs sont nos voisins et ils produisent pour nous des aliments fiables, de qualité et sains.

Nous prenons également en considération les autres secteurs agricoles. Ces agriculteurs aussi sont nos voisins et ils produisent des aliments de qualité pour nous et pour toute la planète.

Nous examinons également le rapport en tenant compte des entreprises canadiennes des autres secteurs que celui de l’agriculture, parce que, là encore, il s’agit de nos voisins. Ces entreprises nous offrent des emplois et des produits importants, à nous et à toute la planète.

Chers collègues, je pense qu’il est essentiel de souligner d’emblée que le Comité des affaires étrangères et du commerce international a étudié ce projet de loi avec la rigueur, l’équilibre et l’indépendance qui caractérisent le Sénat, en tenant compte des répercussions éventuelles de ce projet de loi sur de nombreux secteurs de l’économie et sur la prospérité du Canada en général, ainsi que des incidences à long terme qu’il pourrait y avoir sur nos politiques et nos pratiques de négociation en matière de commerce international.

(1810)

Comme nous l’avons vu à l’étape de la deuxième lecture en écoutant notre collègue le sénateur Harder et plusieurs témoins experts, le principal aspect du projet de loi n’est pas la gestion de l’offre, mais bien le comportement du Canada dans ses relations commerciales avec les autres pays. En imposant des restrictions législatives à nos négociateurs commerciaux, nous adoptons une approche qui risque, selon les experts, de limiter la souplesse du Canada dans les négociations, souplesse qui a été jusqu’ici fort utile au Canada.

Notre comité des affaires étrangères et du commerce international a tenu huit réunions et entendu les témoignages de 52 personnes représentant un large éventail de voix : anciens négociateurs commerciaux, experts commerciaux, fonctionnaires ministériels et représentants des secteurs agricoles soumis ou non à la gestion de l’offre, dont beaucoup exploitent des fermes familiales.

Voici ce qui ressort de leurs témoignages : si le projet de loi a certes l’intention d’apporter la stabilité et la certitude souhaitées aux secteurs soumis à la gestion de l’offre, il comporte des risques réels pour le pouvoir de négociation du Canada, pour notre économie, et il exacerbe l’incertitude déjà croissante dans nos autres industries, agricoles et non agricoles. Notre comité a répondu à ces préoccupations en recommandant un amendement essentiel qui, je crois, aidera le Canada à conserver la souplesse dont il a besoin pour agir dans l’intérêt national dans tous les secteurs.

Examinons d’abord le projet de loi C-282 dans un contexte international plus large. Un peu partout dans le monde, des gouvernements nationaux font le choix politique de protéger certains secteurs vitaux, mais ils le font sans la rigidité d’une obligation législative. Prenons l’exemple de la canne à sucre au Brésil ou du riz au Japon, deux produits profondément ancrés dans l’identité nationale et farouchement défendus dans les négociations commerciales. Pourtant, aucun de ces deux pays n’a gravé cette protection dans une loi. Au lieu de cela, leurs négociateurs sont habilités à protéger ces secteurs tout en ayant la latitude de prendre les décisions qui répondent le mieux aux besoins de leur pays dans chaque négociation. C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement; les négociateurs canadiens ont pour instruction de protéger les secteurs soumis à la gestion de l’offre au pays.

Le projet de loi C-282, tel qu’il a été rédigé à l’origine, imposerait une restriction fixe et inflexible aux négociateurs canadiens, les empêchant même de discuter des produits laitiers, de la volaille et des œufs. Nous n’avons trouvé aucun exemple dans le monde d’un pays ayant inscrit dans sa législation de pareilles restrictions.

Au cours de notre étude, Jonathan Fried, ancien ambassadeur du Canada auprès de l’Organisation mondiale du commerce, a décrit le projet de loi comme une camisole de force législative, et il nous a prévenus qu’une obligation aussi rigide limiterait les options stratégiques du Canada à cause de l’exclusion de certains sujets de discussion avant même le début des négociations. M. Fried est d’avis que, pour réussir, les négociations commerciales doivent être dynamiques et exigent une certaine souplesse afin de pouvoir tenir compte des intérêts de notre pays dans différents secteurs. En légiférant sur une exclusion, le Canada créerait un précédent.

Un autre témoin clé, Ian Burney, un ancien délégué commercial en chef du Canada, a exprimé des préoccupations semblables. Il a souligné que ce projet de loi enverrait un signal inquiétant aux partenaires commerciaux du Canada, à savoir que le pays est prêt à limiter ses propres options de négociation, un choix qu’aucun autre pays ne fait. Les délégués travaillent sans relâche pour défendre les secteurs critiques, mais ils ont besoin d’une marge de manœuvre pour s’adapter à l’évolution de chaque situation. Selon lui, des barrières législatives strictes affaibliraient la capacité du Canada à faire des compromis éclairés lorsque nécessaire.

Si on considère l’avenir, il faudra manifestement s’adapter et faire preuve de souplesse. Nous sommes confrontés à des tensions commerciales accrues dans le monde entier, de même qu’avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis, qui annonce un retour à des positions plus protectionnistes. À la suite de l’élection récente de Donald Trump, nous pourrions connaître d’autres défis dans les relations commerciales. Nous ne le savons tout simplement pas. Étant donné que 78 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis, les enjeux sont considérables pour de nombreux secteurs canadiens.

C’est particulièrement préoccupant à l’approche de la renégociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique en 2026. Le commerce trilatéral de marchandises de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique a totalisé 1,93 billion de dollars en 2023. Le comité a entendu de nombreux représentants du secteur soumis à la gestion de l’offre qui ont dit craindre de nouvelles concessions et l’érosion connexe de leur industrie, et c’est une préoccupation dont nous devons tous tenir compte.

Le comité a entendu des témoignages d’autres secteurs, et nous avons reçu une lettre le 31 octobre, que je vais lire brièvement :

S’il est adopté dans sa forme initiale, le projet de loi C-282 risque de lier, par la voie législative, les mains du Canada et de ses négociateurs commerciaux. Cela mènerait nos partenaires commerciaux à refuser de discuter de sujets importants d’intérêt vital pour le Canada. En particulier, l’Accord Canada—États-Unis—Mexique contient des dispositions clés qui pourraient être compromises si les négociateurs commerciaux du Canada ont les mains liées. Parmi les exemples les plus évidents, mentionnons le chapitre sur le règlement des différends, les dispositions sur les règles d’origine, les dispositions sur les normes du travail, les engagements en matière de protection de l’environnement, les dispositions régissant le commerce, l’énergie, les marchés publics et la propriété intellectuelle. Ces intérêts stratégiques clés que le Canada protège au moyen de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique sont fondamentaux au succès futur de l’accord. Aucun groupe d’intérêts spéciaux ne vaut l’avalanche de préjudices économiques que le projet de loi C-282, dans sa forme originale, ferait déferler sur les entreprises et les travailleurs canadiens. Nous demandons aux sénateurs de faire passer les intérêts collectifs de toutes les industries canadiennes en priorité en rejetant le projet de loi C-282 et d’ainsi protéger notre prospérité économique future.

La lettre est signée par les Producteurs de bovins de l’Alberta, l’Alberta Canola Producers Commission, l’Alberta Cattle Feeders’ Association, Alberta Chambers of Commerce, Alberta Grains, Alberta Pulse Growers, la BC Association of Cattle Feeders, la BC Grain Producers Association, Beef Farmers of Ontario, la BC Cattlemen’s Association, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, la Canadian Canola Growers Association, l’Association canadienne des bovins, la Canadian Oilseed Processors Association, le Conseil canadien du porc, l’Institut canadien du sucre, le Conseil canadien du canola, Cereals Canada, CropLife Canada, Fertilisants Canada, Grain Farmers of Ontario, les Producteurs de grains du Canada, le Greater Vancouver Trade Board of Trade, Pulse Canada, Manitoba Beef Producers, Manitoba Canola Growers, la Manitoba Crop Alliance, Manitoba Pulse and Soybean Growers, l’Association nationale des engraisseurs de bovins, les Éleveurs de bovins du Nouveau-Brunswick, Nova Scotia Cattle Producers, Ontario Bean Growers, Ontario Greenhouse Vegetable Growers, la Prairie Oat Growers Association, Prince Edward Island Cattle Producers, la Saskatchewan Cattlemen’s Association, la Saskatchewan Heavy Construction Association, Saskatchewan Pulse Growers, la Saskatchewan Trucking Association, SaskOilseeds, Sask Wheat, Soy Canada et la Wheat Growers Association.

C’est donc un grand nombre de personnes qui nous ont écrit pour nous faire part de leurs préoccupations.

Par ailleurs, l’ambassadeur Fried, qui a comparu devant notre comité, nous a également rappelé que le commerce est réciproque. Si nous adoptons une position protectionniste en prévoyant une exclusion par voie législative, d’autres pays pourraient réagir en imposant des restrictions semblables aux exportations canadiennes, ce qui augmenterait les coûts pour les consommateurs et limiterait notre accès aux marchés mondiaux. Il est grand temps d’agir, car on observe un virage protectionniste à l’échelle mondiale.

Roland Paris, professeur en relations internationales à l’Université d’Ottawa, nous a prévenus que ce projet de loi arrive à un moment crucial et délicat, alors que le contexte du commerce mondial se fait de plus en plus incertain.

Comme l’a souligné Ian Burney, nous risquons de limiter le pouvoir de négociation du Canada au moment précis où celui-ci est le plus nécessaire. Le libellé original du projet de loi C-282 imposerait des contraintes uniques, nous contraignant d’une manière que les autres pays évitent. Nous avons entendu, lors des audiences du comité, que l’adoption de ce projet de loi dans sa forme non amendée aujourd’hui, dans un contexte de protectionnisme exacerbé aux États-Unis, constituerait une erreur à la fois stratégique et tactique.

L’ancien vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères John Manley, ainsi que d’autres, ont laissé entendre que le projet de loi non amendé revenait à braquer les projecteurs sur les secteurs sous gestion de l’offre ou à agiter un drapeau rouge, et à signaler à nos partenaires commerciaux que le Canada est dans une position délicate à cet égard, mettant peut-être ces secteurs au centre des négociations par inadvertance.

Compte tenu de ces risques, le comité a proposé et adopté un amendement au projet de loi. Cet amendement précise que les restrictions prévues par le projet de loi C-282 ne s’appliqueront pas aux accords déjà en vigueur ou en cours de renégociation, ni aux négociations en cours. Cet amendement est essentiel pour préserver la capacité du Canada à répondre stratégiquement aux nouveaux scénarios commerciaux qui se présentent. Sans lui, nous risquons de limiter notre capacité à conclure des accords commerciaux qui concilient les intérêts de tous les secteurs de l’économie canadienne.

Chers collègues, l’étude du projet de loi C-282 nous permet de réfléchir à la façon de protéger des secteurs névralgiques tout en préservant la souplesse nécessaire à notre bien-être économique général. Même si nous comprenons l’importance de soutenir les secteurs soumis à la gestion de l’offre, l’amendement du comité garantit que nous ne le faisons pas en compromettant notre position dans les négociations commerciales actuelles ou dans les futures renégociations d’accords commerciaux existants. L’Accord Canada—États-Unis—Mexique est l’accord commercial le plus important et le plus urgent. L’amendement préserve la résilience économique à long terme du Canada dans un monde en évolution rapide. Il nous permet de miser sur nos forces alors que le Canada et le monde sont en transition vers un avenir carboneutre.

(1820)

Honorables sénateurs, je suis fière de siéger au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je suis particulièrement fière de notre examen équitable, respectueux, complet, indépendant et impartial de ce projet de loi hautement politisé. Chers collègues, je vous encourage à soutenir le rapport du comité et la version amendée du projet de loi C-282, en comprenant que cet amendement est essentiel au maintien de la souplesse du Canada dans les négociations commerciales. Il s’agit d’un choix prudent et équilibré destiné à favoriser la vitalité de l’économie canadienne, à soutenir la prospérité future des Canadiens et à protéger notre réputation de partenaire de négociations commerciales libres et équitables. Merci. Wela’lioq.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais revenir sur la question qui a été soulevée aujourd’hui à propos du rôle du représentant du gouvernement au Sénat s’agissant d’exposer la politique du gouvernement concernant les projets de loi d’initiative parlementaire. C’est une pratique qui n’est pas sans précédent, honnêtement, et qui n’est pas rare non plus au fil des législatures.

Honorables sénateurs, au fil des ans, il y a eu un large éventail de projets de loi que le gouvernement a appuyé énergiquement au Sénat, dont le projet de loi C-210, une mesure législative qui visait à rendre notre hymne national plus inclusif, parrainé par notre ancienne collègue la sénatrice Lankin, et le projet de loi qui visait à restreindre la publicité pour la malbouffe destinée aux enfants. Plus récemment, j’ai pris la parole en faveur du projet de loi C-291, qui était parrainé par la sénatrice Batters, et que j’ai été heureux de voir recevoir la sanction royale.

Dans d’autres cas, le gouvernement s’est opposé à certains projets de loi comme le projet de loi C-34 au cours de la présente session. À la 43e législature, j’ai également exposé les préoccupations du gouvernement en matière de politique concernant d’autres projets de loi d’initiative parlementaire, dont le projet de loi C-204, qui portait sur l’élimination définitive de déchets plastiques, et le projet de loi C-208, qui portait sur les transferts de petites entreprises et sociétés agricoles.

Chers collègues, dans certains cas, l’appui du gouvernement était si fort que, quand un projet de loi n’était pas adopté, il était présenté de nouveau en tant que projet de loi d’initiative ministérielle, comme le projet de loi C-337 sur la formation en matière d’agressions sexuelles pour les juges et le projet de loi C-262 sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Lors de la 42e législature, mon prédécesseur a collaboré avec l’ancien sénateur Vernon White pour que le gouvernement fasse passer le projet de loi S-225 sur le fentanyl par le processus réglementaire afin que cette mesure importante puisse être mise en œuvre convenablement.

Par l’intermédiaire du bureau du représentant du gouvernement, ici au Sénat, le gouvernement a toujours manifesté de façon proactive un intérêt pour toutes les mesures législatives, et il a souvent collaboré avec des parrains du Sénat pour fournir son appui. En effet, je crois que le sénateur Manning a travaillé avec la ministre Ien et des fonctionnaires sur des amendements au projet de loi sur la violence entre partenaires intimes, qui a maintenant été adopté — heureusement — à l’étape du rapport. Mon bureau et moi avons insisté pour que le gouvernement examine sérieusement ce dossier.

Permettez-moi également de citer le document du sénateur Harder intitulé Vers un Sénat indépendant : Un rapport de progrès à l’intention des Canadiens, qui a été publié à la fin de son mandat de représentant du gouvernement :

[...] quelques projets de loi innovateurs présentés par des sénateurs, que l’on appelle des projets de loi d’intérêt public du Sénat, sont devenus lois cette session avec l’appui de la Chambre des communes. Dans bien des cas, le gouvernement a travaillé en collaboration avec des sénateurs sur l’élaboration de projets de loi sous leur forme finale. Cela comprend des projets de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines, des dauphins et des marsouins à des fins de divertissement, à tenir responsables les coupables de violations des droits de la personne à l’étranger (connu sous le nom de loi Magnitski); et à reconnaître Charlottetown comme le berceau de la Confédération. De plus, un projet de loi d’intérêt public du Sénat interdisant les précurseurs chimiques au fentanyl a suscité des modifications réglementaires.

Chers collègues, mon rôle consiste à représenter le gouvernement dans cette chambre. Lorsque je prends la parole au sujet d’un projet de loi d’initiative parlementaire, on peut supposer sans risque de se tromper que c’est parce que le ministre et le Cabinet ont été renseignés et que le ministère a pris une décision stratégique sur ce projet de loi. Le processus n’est pas toujours rapide, mais nous essayons de connaître le plus rapidement possible la position du gouvernement et la façon dont le bureau du représentant du gouvernement votera.

Il n’y a rien d’anormal à ce que le gouvernement, qui doit rendre des comptes à la Chambre et aux Canadiens, s’intéresse aux lois du Canada. Le gouvernement n’est pas un acteur désintéressé en ce qui concerne nos lois. C’est l’inverse qui en ferait sourciller plus d’un. Imaginons que le bureau du représentant du gouvernement, une équipe qui a un lien de reddition de comptes avec le gouvernement et, par son entremise, les électeurs, cache au Sénat la position du gouvernement sur les changements stratégiques importants apportés aux lois canadiennes ou un gouvernement agnostique ou désintéressé. Voilà qui serait, comme nous le disons dans l’Est, plutôt étrange. Les sénateurs doivent savoir quelle est la position du gouvernement sur les questions importantes.

Vous remarquerez, sénateurs, que nous votons toujours au nom du gouvernement lorsqu’on nous le demande. Nous ne quittons pas l’enceinte et nous ne refusons pas d’exprimer le point de vue du gouvernement, le cas échéant. Dans certains cas, nous en faisons plus et nous donnons un discours qui explique plus en détail le point de vue politique du gouvernement, ce que je ferai aujourd’hui.

Enfin, je dirais que je suis plus actif ces jours-ci sur ces questions parce qu’il y a plus de projets de loi d’initiative parlementaire qui sont à la fin de leur très long parcours au Parlement et, comme la fin de la présente session approche, il se peut que le gouvernement attache plus d’importance aux projets de loi d’initiative parlementaire dont il appuie l’obtention de la sanction royale et ne souhaite pas le renvoi à l’autre endroit, qui, franchement, n’est pas très fonctionnel depuis quelques mois maintenant.

Dans le cas de certains projets de loi d’initiative parlementaire que le gouvernement appuie dans leur version originale, peu importe l’affiliation politique de leur auteur, il est temps d’agir, sinon ils risquent de mourir au Feuilleton.

Chers collègues, c’est dans cet esprit — et je vous remercie de m’avoir permis de faire cette longue entrée en matière — que j’interviens au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Ce rapport recommande d’amender le projet de loi d’une manière que le gouvernement ne peut appuyer et n’appuie pas. Par conséquent, en tout respect, j’exhorte mes collègues à s’opposer à ce rapport afin que le projet de loi puisse passer à l’étape de la troisième lecture dans sa version initiale.

Pour être clair, le projet de loi C-282 soutient l’objectif essentiel qui consiste à assurer la force, la stabilité et la durabilité du système de gestion de l’offre du Canada.

[Français]

Ce projet de loi n’est pas un amendement technique. Il représente un engagement fondamental en faveur de la préservation d’un système qui a servi le secteur agricole, les communautés rurales et les consommateurs de notre pays pendant plus de 50 ans. Il s’agit de préserver les moyens de subsistance de nos agriculteurs, de protéger la viabilité à long terme de notre industrie agricole et de veiller à ce que les familles canadiennes continuent d’avoir accès à des denrées alimentaires sûres, abordables et de grande qualité, produites par les agriculteurs locaux. À la base, ce projet de loi concerne la stabilité économique et le bien-être des familles canadiennes, qui dépendent d’un système alimentaire stable leur fournissant des aliments nutritifs et produits localement. Ces valeurs transcendent les affiliations politiques ou partisanes, les théories économiques et les considérations régionales.

[Traduction]

Comme il a été mentionné précédemment, ce projet de loi a déjà reçu l’appui de 262 élus à l’autre endroit, représentant tous les partis politiques et toutes les régions du pays. Parmi eux, on compte les chefs du Parti conservateur, du Bloc québécois, du Nouveau Parti démocratique, du Parti libéral et du Parti vert.

Ce n’est pas une petite victoire. Ce large soutien témoigne d’un consensus national dans toutes les régions du Canada, des députés des centres urbains à ceux qui représentent des collectivités rurales et agricoles. Les députés de tous les partis politiques se sont entendus parce qu’ils reconnaissent le rôle vital de la gestion de l’offre pour assurer la stabilité et la prospérité du secteur agricole canadien. Je dirais même que ce rôle est encore plus important que jamais.

Il s’agit d’une politique qui a fait ses preuves. Elle soutient les fermes familiales, créer des dizaines de milliers d’emplois et constitue une source essentielle d’approvisionnement alimentaire, ici et dans le monde.

Pour comprendre l’importance du projet de loi C-282, on n’a qu’à penser au succès du système canadien de gestion de l’offre et à la place centrale de ce système dans notre paysage agricole depuis plus de 50 ans.

[Français]

La gestion de l’offre a été mise en place pour garantir aux producteurs canadiens de lait, de volailles et d’œufs un prix équitable pour leurs produits. Dans le cadre de ce système, les agriculteurs sont payés sur la base des coûts de production plutôt que sur la base des prix fluctuants du marché. Ceci leur assure un revenu équitable et stable. En retour, cela crée un approvisionnement alimentaire stable pour les consommateurs, réduit la volatilité des prix des denrées alimentaires et garantit que les produits canadiens répondent à des normes de sécurité alimentaire et de bien-être animal parmi les plus élevées au monde.

(1830)

Rien qu’en 2021, les secteurs canadiens du lait, de la volaille et des œufs ont généré près de 13 milliards de dollars de ventes à la ferme, ce qui a permis de créer plus de 100 000 emplois directs dans l’ensemble du pays. Ce n’est pas un mince exploit. Lorsque l’on considère l’ampleur de ces chiffres, on peut comprendre à quel point la gestion de l’offre est essentielle à l’économie canadienne et aux moyens de subsistance de dizaines de milliers de familles canadiennes. C’est une industrie qui soutient les communautés locales, renforce l’économie rurale et garantit aux Canadiens l’accès à des aliments nutritifs et de haute qualité à des prix équitables.

[Traduction]

Ce système fonctionne depuis plus de cinquante ans, favorisant un milieu stable dans lequel les agriculteurs peuvent planifier leur avenir sans être constamment menacés par la volatilité des marchés ou la concurrence déloyale de producteurs étrangers qui ne sont pas assujettis aux mêmes normes. Le succès de la gestion de l’offre illustre bien la résilience et l’adaptabilité de notre système agricole.

En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d’écouter la population qui s’est exprimée haut et fort sur la gestion de l’offre.

Selon Abacus Data, pas moins de 94 % des Canadiens croient qu’il est important que les produits alimentaires soient produits par des agriculteurs qui sont assujettis au système canadien de la gestion de l’offre. Je le répète : 94 % des Canadiens appuient la gestion de l’offre.

[Français]

Ce soutien massif de l’opinion publique en dit long. Les Canadiens comprennent que la gestion de l’offre signifie que les aliments qu’ils consomment sont produits conformément aux normes de sécurité les plus strictes, qu’ils proviennent d’exploitations qui s’engagent à traiter les animaux de manière éthique et qu’ils sont vendus à des prix équitables tant pour les producteurs que pour les consommateurs.

En outre, les Canadiens apprécient la stabilité qu’offre la gestion de l’offre. Lorsque vous demandez aux Canadiens ce qu’ils attendent de leur système alimentaire, la réponse est cohérente : ils veulent des aliments produits localement, par des exploitations agricoles qui font partie de leur communauté, et ils veulent avoir l’assurance qu’ils répondent aux normes les plus strictes en matière de qualité, de sécurité et de bien-être des animaux. C’est ce que garantit la gestion de l’offre, et c’est la raison pour laquelle elle a recueilli un soutien public aussi vaste. Ce niveau de soutien public devrait être un signal fort pour nous tous.

[Traduction]

Chers collègues, les avantages de la gestion de l’offre ont une portée nationale et ne se limitent pas à une seule région du Canada. Du Québec aux Maritimes, de l’Ontario aux Prairies, chaque province canadienne a intérêt à maintenir et à renforcer ce régime.

Prenons, par exemple, la province de Québec, celle où je vis, qui compte certaines des exploitations laitières, avicoles et ovocoles les plus prospères et les plus durables du Canada. Au Québec, l’industrie laitière contribue à elle seule pour plus de 7 milliards de dollars à l’économie de la province et soutient des dizaines de milliers d’emplois. Ces exploitations, dont beaucoup sont familiales, sont un élément crucial de l’économie provinciale et le fondement de la prospérité rurale. Au Québec, la gestion de l’offre est plus qu’une politique, c’est une bouée de sauvetage. Elle permet aux agriculteurs d’obtenir un prix équitable pour leur dur labeur et procure une stabilité aux communautés locales. Sans elle, de nombreux agriculteurs québécois seraient incapables de maintenir leurs activités, et les répercussions économiques se feraient sentir dans toute la province.

Cela dit, le Québec n’est pas le seul à bénéficier de la gestion de l’offre. Dans tout le pays, la gestion de l’offre contribue à soutenir les emplois locaux, à maintenir la qualité des aliments et à assurer la viabilité des exploitations agricoles familiales. En Nouvelle-Écosse, les petites exploitations familiales bénéficient de prix stables. En Ontario, les transformateurs de volaille s’appuient sur un régime qui garantit un approvisionnement stable en produits de haute qualité. En Alberta et dans les Prairies, la gestion de l’offre permet aux agriculteurs de demeurer compétitifs dans un marché de plus en plus mondialisé.

[Français]

Toutes les régions de ce pays, grandes et petites, urbaines et rurales, bénéficient de la stabilité et de la prévisibilité qu’offre la gestion de l’offre. En maintenant des marchés locaux forts, nous investissons dans la santé à long terme du secteur agricole canadien.

On peut se poser la question suivante : si la gestion de l’offre est déjà ancrée dans la politique agricole canadienne, pourquoi avons-nous besoin du projet de loi C-282?

La réponse est simple : le projet de loi C-282 protège ce que nous avons déjà en l’inscrivant clairement dans la loi.

[Traduction]

Bien que les gouvernements qui se sont succédé aient défendu la gestion de l’offre lors des négociations commerciales, y compris les négociations de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, et se soient engagés à ne pas élargir l’accès au marché pour les produits soumis à la gestion de l’offre dans les futurs accords commerciaux, le projet de loi C-282 va un cran plus loin, un cran d’une importance vitale. En modifiant en bonne et due forme la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, le projet de loi garantit que la gestion de l’offre restera une pierre angulaire de la politique agricole du Canada à l’avenir.

Il ne s’agit pas simplement d’un enjeu politique. Il s’agit d’une mesure législative concrète. En adoptant le projet de loi C-282, nous inscrivons dans la loi l’engagement de défendre et de protéger la gestion de l’offre afin d’assurer sa stabilité dans le contexte des pressions du marché mondial, des négociations commerciales internationales et des défis posés par l’évolution des conditions du marché.

[Français]

Je partage toutes ces réflexions parce que le contexte de la gestion de l’offre est une toile de fond importante pour le projet de loi, et même du rapport que nous étudions actuellement.

Ce projet de loi a été renvoyé au comité le 16 avril de cette année, et le comité a entamé son étude le 25 septembre. Le comité a tenu neuf réunions; j’ai assisté à toutes ces réunions en écoutant le point de vue des témoins sur la question.

Ce qui m’est apparu clair tout au long de l’étude, c’est qu’il s’agit d’un projet de loi qui contribuera à protéger notre précieux système de gestion de l’offre.

[Traduction]

Chers collègues, je tiens à souligner que pendant l’étude en comité, certaines personnes ont mentionné que le projet de loi n’avait pas fait l’objet d’un examen adéquat et approfondi à l’autre endroit. Je tiens à dire qu’il a bénéficié, en fait, d’un examen beaucoup plus approfondi que certains l’ont laissé entendre. Rappelons que ce projet de loi est presque identique au projet de loi C-216 présenté pendant la dernière législature. Le projet de loi C-216 a reçu l’appui du gouvernement à l’étape de la deuxième lecture. Il a ensuite été étudié par le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes. Ce comité a entendu divers témoins, notamment des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi qu’un expert en droit constitutionnel. Il a également entendu des représentants du secteur agricole soumis à la gestion de l’offre et du secteur agricole axé sur l’exportation. L’étude du projet de loi C-216 s’est terminée en juin 2021; le projet de loi a alors été renvoyé à l’autre endroit sans amendement. Il est toutefois mort au Feuilleton en raison du déclenchement d’une élection générale.

Le projet de loi C-282, dont nous discutons aujourd’hui, a été présenté en juin 2022 par le député de Montcalm. Il a été étudié par le même comité de la Chambre que la version précédente, le projet de loi C-216. Le comité a entendu 45 témoins, parmi lesquels des représentants du secteur agricole soumis à la gestion de l’offre et du secteur agricole axé sur l’exportation ainsi que des universitaires. Le comité de la Chambre a étudié des amendements, mais il les a finalement rejetés.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi vise clairement à refléter et à consacrer effectivement les engagements politiques du gouvernement en matière de gestion de l’offre. À mon humble avis, l’amendement proposé réduirait la portée de la protection que le projet de loi est censé offrir au point de la rendre inutile.

Chers collègues, au Canada, il y a 37 accords de libre-échange qui sont en vigueur, en cours de négociation ou en discussion exploratoire. Ils couvrent pratiquement l’ensemble de l’économie. Amender le projet de loi ferait en sorte qu’il n’ait, en réalité, aucune répercussion tangible. Le projet de loi C-282 vise à empêcher tout nouvel empiétement sur le système canadien de la gestion de l’offre. L’amendement proposé aurait pour effet d’annuler sa fonction. Franchement, cela rendrait peu probable la conclusion de nouveaux accords — dans les secteurs de l’économie non couverts — avec un pays s’intéressant grandement à notre système de la gestion de l’offre. Appuyer cet amendement équivaudrait à appuyer l’élimination de l’objectif du projet de loi.

[Français]

Comme nous l’avons tous constaté, ce projet de loi a suscité beaucoup d’attention. Pas plus tard qu’hier, à l’autre endroit, le gouvernement a de nouveau indiqué qu’il soutenait le projet de loi dans sa forme originale, parce qu’il protégera la gestion de l’offre et nos producteurs laitiers, nos aviculteurs et les autres agriculteurs canadiens, ce qui permettra d’assurer leur bien-être économique.

(1840)

Chers collègues, nous savons que toutes les nations commerçantes protègent fortement certains secteurs au moyen de leurs accords commerciaux. La législation est un moyen plus efficace de protéger les priorités nationales clés de l’influence internationale. Par exemple, la Loi sur Investissement Canada permet au Canada de bloquer les investissements directs étrangers lorsque nous estimons qu’il y va de notre intérêt national ou lorsque nous considérons qu’une certaine ressource est importante pour l’approvisionnement national. La gestion de l’offre n’a pas été conçue pour protéger un « secteur économique », mais, en tant que priorité nationale en matière de sécurité alimentaire, elle devrait être protégée contre tout échange par un futur gouvernement. En outre, la Loi sur les licences d’exportation et d’importation contient des dispositions qui contrôlent l’exportation ou l’importation de biens et de services spécifiques qui peuvent être nécessaires pour protéger les intérêts économiques du Canada.

[Traduction]

En terminant, je vous prie de vous rappeler ce qu’est vraiment le projet de loi C-282. Il s’agit d’un projet de loi qui protège les exploitations agricoles familiales, qui veille à la souveraineté alimentaire, qui soutient la production alimentaire locale et qui garantit des prix raisonnables aux consommateurs. Il renforce le secteur agricole canadien tout en protégeant les agriculteurs de la concurrence internationale déloyale. Il garantit à tous les Canadiens des aliments de haute qualité produits localement, et il permet à nos agriculteurs de rester concurrentiels dans un contexte de mondialisation croissante.

Ce projet de loi confirme que le système alimentaire du Canada n’est pas une marchandise que l’on troque dans le cadre d’accords internationaux, mais qu’il constitue au contraire un élément essentiel de l’identité et de l’avenir de notre pays. C’est un engagement pour l’avenir des agriculteurs, des collectivités rurales et de la sécurité alimentaire du Canada.

Chers collègues, pour toutes les raisons que j’ai exposées, je voterai contre l’adoption du rapport du comité. Le projet de loi C-282, sous sa forme initiale, est un projet de loi qui, en plus de protéger la gestion de l’offre, assure l’avenir à long terme de l’agriculture canadienne. Veillons à ce que la prochaine génération de Canadiens continue de bénéficier de la stabilité, de l’équité et de la prospérité que procure la gestion de l’offre.

Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

L’honorable Denise Batters : Merci. Sénateur Gold, je tiens à vous demander de corriger ce que vous avez dit aujourd’hui et lors du dernier jour de séance. Dans les deux cas, vous avez affirmé avoir prononcé un discours en faveur du projet de loi C-291, le projet de loi d’initiative parlementaire que j’ai parrainé au Sénat.

Sénateur Gold, je suis certainement reconnaissante que vous ayez exprimé l’appui du gouvernement à l’égard du projet de loi C-291, mais vous ne l’avez pas fait en prononçant un discours en sa faveur. Vous vous rappellerez peut-être qu’en octobre 2023, vous avez prononcé un discours sur un projet de loi du gouvernement, le projet de loi S-12, qui portait sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Dans votre discours, vous avez fait allusion à une disposition de coordination de ce projet de loi qui portait sur le projet de loi C-291, et vous en avez parlé brièvement. À la suite de votre discours ce jour-là, je vous ai questionné au sujet de cette disposition de coordination à l’égard du projet de loi C-291 dans le projet de loi S-12, et vous avez saisi l’occasion, en répondant à ma question, d’exprimer clairement l’appui du gouvernement au projet de loi C-291.

Cette mise en contexte vous rafraîchit-elle la mémoire sur ce qui s’est passé en octobre 2023, à savoir que votre discours portait en fait sur un projet de loi du gouvernement, et non sur ce projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-291? En octobre 2023, on attendait encore que le projet de loi C-291 soit étudié par le Comité sénatorial des affaires juridiques.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de m’aider à me rafraîchir la mémoire. J’aimerais pouvoir vous dire que je me souviens maintenant de tout avec clarté, mais je vous prie de m’excuser si j’ai donné la mauvaise impression.

Sénatrice Batters, la dernière chose que j’ai dite à ce sujet — et c’est tout ce dont j’arrive à me rappeler —, c’est que j’étais en faveur du projet de loi C-291. Ce dont je me souviens, et je le répète pour le compte rendu, c’est que j’ai dit que j’étais heureux que ce projet de loi franchisse les étapes de notre processus. J’étais très heureux qu’il reçoive la sanction royale, et je maintiens ma position. Je vous remercie d’avoir pallié ma mémoire défaillante.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne peux faire autrement que d’éprouver un malaise en vous entendant parler de cette question. Lorsque nous avons été saisis du projet de loi il y a 14 mois, je ne vous ai pas entendu parler de ce projet de loi. Nous n’avons pas eu de pression à cette époque pour que le projet de loi soit adopté rapidement. Au contraire, ce qu’on entendait entre les branches, c’est que cela faisait tout à fait l’affaire du gouvernement que nous prenions notre temps, car il y avait certaines hésitations autour de ce projet de loi.

Aujourd’hui, bien sûr, je vois que vous vous portez fermement à la défense du gouvernement, mais évidemment, c’est un peu difficile à comprendre, parce qu’entre-temps, il y a eu des événements, notamment le fait que le NPD a quitté la coalition qu’il formait avec le gouvernement et que l’élection est plus imminente. Malheureusement, pour nous qui sommes censés former une assemblée de second examen attentif qui n’est pas touchée ou influencée par les élections, il me semble qu’au contraire, nous en sommes maintenant à prendre part à une joute extrêmement politique.

Si ce projet de loi était à ce point important, pourquoi avez-vous attendu 14 mois pour faire ce discours? Pourquoi n’avez-vous pas convaincu le gouvernement d’intervenir pour que nous procédions plus rapidement? Quand vous voulez que les choses aillent vite, elles vont plus vite. Personnellement, je vous avoue que j’éprouve un petit malaise, parce qu’évidemment, le Sénat est censé travailler en dehors du cycle électoral, pour le bien de tous les Canadiens.

Le sénateur Gold : Je ne suis pas content que vous éprouviez un malaise. Je vais essayer de vous soulager. Dans un premier temps, j’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture pour appuyer le projet de loi et j’ai — « suggéré » n’est pas le mot —, en fait, j’ai fait la promotion de l’idée selon laquelle j’aimerais bien que le projet de loi soit renvoyé à un comité pour étude. Donc, j’ai été clair sur l’opinion et la position du gouvernement par rapport à ce projet de loi. C’était bien évident, compte tenu du fait que le premier ministre, tous les membres du Cabinet et presque tous les membres du Parti libéral ont voté en faveur du projet de loi à l’autre endroit.

Avec tout le respect que je vous dois, je ne travaille pas ou je ne trafique pas dans les rumeurs ni dans les coulisses pour quelque raison que ce soit. Vous avez parlé du point de vue du gouvernement, alors que j’ignore cela complètement. Il est bien évident que l’« ultimatum » ou la date limite prévue est derrière nous, mais le gouvernement reste convaincu et continue d’appuyer ce projet de loi.

Je ne sais pas si j’ai bien répondu en agissant comme médecin pour soulager votre malaise. Bien franchement, le gouvernement a toujours appuyé ce projet de loi. J’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture. J’ai assisté aux réunions du comité afin de bien comprendre tous les enjeux et maintenant, je représente le gouvernement en mettant de l’avant la position du gouvernement sur ce projet de loi tel qu’il a été amendé.

L’honorable Claude Carignan : Je suis un peu surpris d’entendre la sénatrice Miville-Dechêne parler de « pression ». On n’était pas censé avoir de la pression, et il semble que le gouvernement met de la pression maintenant, car le premier ministre a déclaré récemment : « Nous sommes en train de nous assurer que cela passe au Sénat. »

Pouvez-vous nous expliquer le lien entre les mots « nous assurer que cela passe au Sénat » — qui sont des mots prononcés par le premier ministre — et le mot « pression », une pression qui serait imposée à des sénateurs?

Le sénateur Gold : Je n’ai mis aucune pression sur personne. C’est normal qu’un ministre qui parraine un projet de loi ou le représentant du gouvernement partage son opinion, soit au Sénat ou en parlant directement avec les sénateurs. C’est normal et sain dans une démocratie.

(1850)

C’est tout ce que je peux dire par rapport à cette question. Je n’ai aucun moyen d’insister, de forcer le passage plus rapidement ou bien de décider du résultat. C’est à la Chambre de décider. Mon rôle est très simple, et c’est de présenter le point de vue du gouvernement. C’est un projet de loi qui est appuyé non seulement par le gouvernement, mais aussi par les leaders de tous les partis politiques et par la grande majorité des élus.

Le sénateur Carignan : Je disais « vous », mais je ne parlais pas nécessairement de vous; est-ce qu’il y a d’autres personnes au sein du Cabinet, comme des ministres ou le premier ministre, qui font des appels et qui mettent de la pression, pour reprendre les termes du premier ministre? En effet, celui-ci a affirmé : « Nous sommes en train de nous assurer que cela passe au Sénat. » Donc, je présume qu’il doit y avoir des gestes plutôt actifs et positifs pour mettre de la pression?

Le sénateur Gold : Avec beaucoup de respect, nous sommes tous des adultes ici, et si un ministre décide de téléphoner ou de parler à un député ou à un de nos collègues, ce n’est pas de la pression, c’est un partage d’opinions.

Avec tout le respect que je vous dois, si vous dites que ce n’est pas approprié pour un élu qui parraine un projet de loi ou pour un ministre qui veut voir un projet de loi adopté, si un élu doit se taire parce que nous sommes si fragiles comme législateurs que nous ne pouvons pas échanger sur des points de vue différents, je trouverais cela un peu décevant en tant que législateur dans cette noble enceinte.

Le sénateur Gignac : J’avais la même question que la sénatrice Miville-Dechêne au sujet du malaise, et le sénateur y a répondu.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Ma question est une question d’information. Vous avez, à l’étape de la deuxième lecture, donné votre appui à ce projet de loi au nom du gouvernement. C’était avant le mois d’avril, et nous avons terminé l’étape de la deuxième lecture le 6 avril.

Depuis ce temps, il s’est passé un certain nombre de choses, notamment l’élection d’un nouveau président qui retournera aux affaires à partir de janvier. Il y a eu aussi l’ambassadeur américain à Ottawa qui a fait un discours dans lequel il a vertement critiqué ce projet de loi.

Est-ce que je dois comprendre qu’aujourd’hui, votre discours, c’est la position du gouvernement, malgré le changement d’administration qui se prépare et malgré la mise en garde de l’ambassadeur des États-Unis?

Le sénateur Gold : Vous avez raison de dire que le gouvernement continue d’appuyer ce projet de loi, tel qu’il a été reçu ici au Sénat avant les amendements.

Comme je l’ai dit auparavant et comme je vais continuer de le dire, je ne vais pas faire de commentaires sur la façon dont le gouvernement se comportera dans les mois à venir. Tout ce que je peux dire, et je vais essayer de le faire à ma façon dans mon discours, c’est que ce projet de loi représente une politique importante, c’est-à-dire la gestion de l’offre pour nos agriculteurs. C’est un système dont nous sommes fiers au Canada, et le gouvernement est prêt à défendre nos intérêts, qui sont très importants.

Je pense que nous ne faisons pas cela dans le but d’être machos ou égoïstes, mais surtout pour ne pas plier devant la possibilité ou la probabilité que les négociateurs américains ou les autres traitent d’une manière agressive nos fermiers, nos agriculteurs et nos producteurs.

Encore une fois, je ne veux pas exagérer, mais le gouvernement du Canada est fier de notre système de gestion de l’offre et il veut encadrer cette protection et cette politique dans un projet de loi. Le projet de loi a été étudié et adopté par la grande majorité des élus. L’étude qui a été faite est tout à l’honneur de notre comité. Le gouvernement est toujours en désaccord avec l’amendement, qui rendra le projet de loi inutile; ce n’est pas la volonté du gouvernement de voir la gestion de l’offre aussi vulnérable.

[Traduction]

L’honorable Andrew Cardozo : Sénateur Gold, si ce projet de loi est adopté sans amendement et que, par la suite, des négociations mènent à un accord prévoyant la suppression d’une partie de la gestion de l’offre, ne pourrait-on pas le faire en utilisant une approche de dérogation, c’est-à-dire que l’on ferait des concessions malgré ce projet de loi? Autrement dit, le Parlement pourrait se prononcer de nouveau sur les dispositions contenues dans le projet de loi, et choisir de les abolir ou non?

Je pense à toutes les règles que nous avons au Sénat. Nous en avons de toutes les sortes, et elles n’empêchent pas les gens d’être constamment en train d’y déroger et disant que nous allons faire ceci ou cela malgré la règle X ou Y.

Le sénateur Gold : Sénateur Cardozo, ce n’est pas pour invoquer le grand poète Percy Shelley, mais dans Ozymandias, rien ne dure éternellement. Les projets de loi peuvent être adoptés, amendés, abandonnés ou modifiés.

Je ne peux pas spéculer sur ce qui se passera dans l’avenir ni sur ce que ferait un gouvernement en particulier si des négociations débouchaient sur un réexamen de la protection de la gestion de l’offre.

En ce moment, la position du gouvernement actuel — et c’est une position que beaucoup d’autres partagent, même si je ne veux pas trop insister là-dessus et si je tiens vraiment à ce que mes observations soient respectueuses envers les personnes qui ne sont pas d’accord — est qu’il s’agit de la mesure appropriée à prendre pour protéger la gestion de l’offre, et l’avenir nous réservera ce qu’il nous réservera. Le gouvernement actuel ou un futur gouvernement, s’il décidait de réexaminer cette position, aurait la possibilité de soumettre au Parlement une proposition visant à transformer ou à modifier la loi comme bon lui semble.

Pour le moment, la position du gouvernement actuel est que ce projet de loi devrait être adopté sans amendement.

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, le projet de loi C-282 est la Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Il n’est pas question de l’appui à la gestion de l’offre en tant que telle.

Vous avez identifié les différents témoins qui ont procédé à un examen approfondi de ce projet de loi et du précédent à la Chambre. Se sont-ils entretenus avec des experts en commerce et avec des négociateurs commerciaux en particulier, étant donné qu’il s’agit d’une question commerciale?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas participé aux études sur les autres projets de loi à l’autre endroit, mais j’ai assisté à toutes les réunions du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, qui a entendu de nombreux points de vue. Il a entendu de nombreux négociateurs et beaucoup d’autres intervenants, notamment des universitaires et des experts. Certains étaient pour le projet de loi, et d’autres étaient contre. Par conséquent, je pense que l’étude était approfondie.

Je l’ai dit au comité, alors je vais le répéter au Sénat : chers collègues, malgré les beaux discours qui disent le contraire, ce n’est tout simplement pas vrai que le projet de loi porte uniquement sur le commerce international, et non sur la gestion de l’offre.

Avec tout le respect que je dois aux témoins qui ont commencé leur discours en disant : « Bien sûr, nous aimons tous la gestion de l’offre, cependant [...] », je ne suis pas totalement persuadé que ces propos illustrent bien leur point de vue. Vers la fin de la réunion, les témoins étaient un peu plus transparents et ils ont dit des choses comme : « Nous pensons que la gestion de l’offre est une mesure terrible. », « Le lait coûte beaucoup trop cher. », « Les œufs coûtent beaucoup trop cher. », « Nous ne sommes pas concurrentiels. » et « Qu’en est-il de Saputo? »

(1900)

Nous avons entendu beaucoup de points de vue de ce genre, et je les respecte, mais je ne les partage pas.

Je pense que ce projet de loi vise à déterminer si, dans le cadre de nos négociations commerciales, nous devrions protéger ce secteur particulièrement vulnérable ainsi qu’un système qui est propre au Canada et qui nous a bien servi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Projet de loi modificatif—Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boehm, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à l’adoption du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 7 novembre 2024.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Chers collègues, je sais qu’avant la pause-repas, par respect pour le reste du travail et les autres intervenants, je n’allais pas accepter d’autres questions. Je vais m’en tenir à cela. Toutefois, si vous me le permettez, j’aimerais rectifier les faits, car je me suis mal exprimé à quelques égards.

Tout d’abord, voici un éclaircissement qui montre que ma mémoire peut me faire défaut à deux reprises. Permettez-moi de vous confirmer que j’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-291 de la sénatrice Batters, en mai 2023.

Cependant, je n’ai pas pris la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-282, comme je l’ai laissé entendre. En effet, au bureau du représentant du gouvernement, nous attendons souvent les étapes ultérieures pour intervenir. Cela dit, la position du gouvernement n’est pas ambiguë. Les résultats des votes sont éloquents.

Avec votre indulgence, chers collègues, pour un instant...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Plett, vous invoquez le Règlement?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Oui. Le sénateur Gold a terminé son discours. Il répondait à des questions. Or, voilà qu’il livre un nouveau discours. Son occasion de participer au débat est passée. S’il veut remettre les pendules à l’heure, il pourra le faire ultérieurement.

Son Honneur la Présidente : En ce qui concerne ce rappel au Règlement, c’est le paragraphe 6-5(3) du Règlement du Sénat qui s’applique :

L’orateur peut céder la parole à un autre sénateur qui désire lui poser une question. Celui-ci conserve son droit de participer au débat s’il ne l’a pas déjà exercé. La durée de la question et de la réponse est incluse dans le temps de parole de l’orateur, qui peut reprendre la parole pour le reste du temps qui lui est attribué.

Sénateur Gold, vous disposez d’un temps de parole illimité. Vous pouvez terminer votre intervention.

Le sénateur Gold : Merci, Votre Honneur, de votre intervention.

Chers collègues, comme j’estime avoir la responsabilité d’être clair envers vous, je veux parler franchement d’autres aspects des réponses que j’ai données à certaines questions.

Encore une fois, je ne veux pas faire dire des choses à mes collègues, mais des questions ont été soulevées sur le contexte politique du projet de loi.

Il serait malhonnête de prétendre — et si j’ai donné cette impression, ce n’était pas mon intention — que la fin de l’entente de soutien et de confiance n’a eu aucun effet sur notre comportement collectif dans les deux Chambres du Parlement et au sein de tous les partis. Comme nous le savons, cette entente devait durer jusqu’à tard en 2025, ce qui laissait amplement de temps au projet de loi C-282 pour franchir toutes les étapes du processus.

La stabilité du Parlement a été ébranlée, et il en est de même des attentes par rapport au temps qu’il reste. Le comportement des parlementaires a complètement changé.

Les parlementaires cherchent — pour certains désespérément — à faire aboutir leurs projets et leurs initiatives. C’est vrai pour le gouvernement, mais aussi pour le Bloc québécois. Ce l’est aussi pour les autres partis de l’opposition qui luttent pour faire adopter rapidement leurs projets de loi d’initiative parlementaire au Sénat. C’est également vrai pour le Sénat alors que nous cherchons à mettre en place une série d’initiatives qui nous tiennent à cœur.

Récemment, chers collègues, comme certains d’entre vous le savent peut-être, des collègues du Sénat m’ont pressé — à juste titre — de veiller à ce que la sanction royale puisse être accordée à une poignée de projets de loi d’initiative parlementaire, il y a quelques semaines, parce que l’on craignait que de bonnes initiatives politiques ne tombent aux oubliettes si la session s’achevait plus tôt que prévu.

Dans la mesure où nous tenons à notre travail, il serait négligent de ne pas travailler plus fort et plus vite en raison de la hausse actuelle de la volatilité du Parlement.

Notre travail est indépendant, chers collègues. Je chéris l’indépendance de cette institution, mais elle ne travaille pas en vase clos. Un Sénat indépendant n’est pas un Sénat en exil de l’autre endroit.

Certes, le projet de loi C-282 fait l’objet d’un sentiment d’urgence accru, mais c’est parce que le gouvernement le soutient et veut qu’il soit adopté afin que la gestion de l’offre puisse être protégée au maximum, quelle que soit l’issue des prochaines élections. L’ultimatum du Bloc n’a rien à voir avec cela. Cette date est passée, et l’ultimatum est derrière nous.

Ce qui n’a pas changé, c’est que le gouvernement reste déterminé à faire adopter le projet de loi C-282 avant les prochaines élections, quel que soit le moment où elles auront lieu. Encore une fois, si j’ai donné une impression différente ou une réponse incomplète, je vous remercie de me donner l’occasion de corriger cette impression.

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Chers collègues, je ne mâcherai pas mes mots pour dénoncer le contenu de ce rapport, qui modifie de manière inacceptable un projet de loi qui vise à protéger la gestion de l’offre, un élément essentiel dans toute négociation commerciale avec d’autres pays. Notre agriculture mérite que nous la protégions avec conviction et force. L’agriculture est une force vitale de l’économie de notre pays. J’en suis particulièrement fier. Je ne peux donc cautionner aucune action, aucun texte ou aucune loi qui entraînerait un déséquilibre commercial.

Si le projet de loi C-282 était adopté tel qu’il a été amendé aujourd’hui, cela équivaudrait ni plus ni moins à se mettre à genoux devant les États-Unis, et ce, avant même de commencer à négocier. C’est assez peu éloquent comme position politique.

Avec de tels amendements, on introduit des règles de négociation viciées qui vont potentiellement mettre en faillite des producteurs et des transformateurs canadiens qui ont bâti leur entreprise au fil des générations, comme ce fut le cas en Australie en 2000 lorsque le pays a abandonné sa politique de gestion de l’offre.

J’ai beau lire et relire les amendements au projet de loi C-282, je n’arrive pas à comprendre qui nous essayons de protéger. Qui essayons-nous d’avantager, au détriment de nos producteurs laitiers, d’œufs et de volailles? Je cherche une raison commerciale logique pour justifier cette intervention de certains sénateurs, au lieu d’accepter le projet de loi C-282 tel qu’il a été rédigé.

Je crois bien me rappeler que j’ai déjà entendu dire, ici même au Sénat, quand on a mis en veilleuse la partisanerie, que notre rôle comme sénateurs n’était pas d’empêcher un gouvernement de gouverner et que nous ne sommes pas légitimés de modifier la volonté des élus. À l’époque, ce bel énoncé politique m’avait interpellé. On semble vouloir l’oublier.

Ce rapport est pire à mes yeux, parce que le projet de loi C-282, tel qu’il a été adopté à l’autre endroit, représente non seulement la volonté du gouvernement élu, mais aussi la volonté claire de tous les partis politiques de l’autre Chambre. Admettez que c’est bien plus fort que la simple légitimité de gouverner.

J’espère que vous êtes tous en mesure d’apprécier ce que nous sommes en train de vivre. Si vous êtes comme moi, vous risquez de vous questionner encore longtemps sur les raisons qui justifient de charcuter ainsi ce projet de loi et de lui retirer, par un simple texte, la quasi-totalité de son sens et de sa portée.

(2010)

Tant qu’à adopter le projet de loi C-282 tel qu’il a été amendé, on serait bien mieux sans projet de loi pour protéger la gestion de l’offre. Le projet de loi C-282 tel qu’il a été amendé est bien plus dommageable pour nos producteurs et agriculteurs que ne pas avoir de projet de loi du tout. On leur retire des options de négociation sans qu’elles aient été réclamées. Vous savez quoi? J’espère juste une chose, soit que nous ne sommes pas en train de nous faire manipuler pour des considérations politiques que des députés de l’autre endroit n’auraient pas voulu exprimer publiquement, probablement pour des motifs électoralistes. J’ai appris que l’hypocrisie a souvent sa place en politique, mais je vais mettre de côté ces idées sombres pour continuer de vous donner des arguments pour rejeter ce rapport.

Revenons à ces fameux amendements qui détruisent les intentions derrière le projet de loi C-282. Disons d’abord que cela tombe à un bien mauvais moment. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, il semble clair que le protectionnisme s’invitera à la table en 2026, lorsque viendra le moment de revoir les dispositions de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Si certains ont la mémoire un peu courte, je vous rappelle que nos voisins américains ne se sont jamais gênés par le passé, malgré des accords clairs, pour fermer la frontière ou pour taxer les produits canadiens afin de protéger leur industrie et leurs travailleurs.

Le protectionnisme n’est pas exclusif aux Américains : les Japonais, les Chinois, les Français et les Britanniques protègent tous certains secteurs de leur économie. Pourquoi ne pouvons-nous pas leur monter avec force que nous sommes aussi capables de mesures protectionnistes? Ne mettons pas en péril une de nos industries pour satisfaire certaines de leurs promesses politiques. Faire preuve d’un tel courage, cela commence aujourd’hui par le rejet du rapport en question, et surtout par l’acceptation du texte initial du projet de loi C-282.

J’ai négocié beaucoup de contrats dans ma vie, et je ne me suis jamais présenté à la table comme un chien battu. Ceux qui me connaissent un peu plus savent que c’est vrai. Il y a ici deux anciens ministres qui s’en souviendront peut-être. Pour moi, c’est le seul comportement que l’on doit observer quand on veut éviter d’être victime d’abus. C’est pour cela qu’à mes yeux, les amendements proposés au projet de loi C-282 sont, à leur face même, une reconnaissance de notre faiblesse. Je n’accepterai jamais cela.

Je ne m’oppose pas à ces amendements seulement parce que je suis du Québec. Je vous dis cela parce que certains ont tendance à interpréter malicieusement la gestion de l’offre au Canada comme une disposition imposée pour favoriser le Québec. Faisons attention : les producteurs de lait, d’œufs et de volailles ne sont pas exclusifs au Québec. Il y en a en Ontario, dans les Maritimes et en Alberta, et eux aussi tiennent à la gestion de l’offre.

Ce secteur agricole est tout aussi important pour l’économie canadienne que les industries du blé, de l’automobile et de l’aéronautique. La gestion de l’offre, c’est ce qui garantit l’approvisionnement continu et la qualité des produits offerts aux consommateurs. Elle garantit aussi des emplois bien rémunérés dans l’industrie de la transformation. Les changements proposés au projet de loi C-282 sont dangereux, réducteurs et, à mon avis, anticanadiens. Il faut donc les rejeter sans hésitation. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)Que la séance soit maintenant levée.

Votre Honneur, la journée a été longue et pénible. Demain est un autre jour. Encore une fois, nous n’aurons aucune affaire émanant du gouvernement à traiter, alors j’imagine que nous pourrons accomplir une grande partie de ce travail demain, à tête et à corps reposés. Cela dit, et dans l’intérêt de tout le monde ici présent, je propose :

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(À 20 h 16, conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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